Je vois des articles sortir sur les musiques afro-descendantes au Maghreb. Je vais me concentrer sur celle que je connais le mieux: celle de la Tunisie ou plus exactement de l'espace que constitue le Sud-Ouest tn et les régions dz avoisinantes. Il se trouve que c'est mon coin.
Déjà, une question linguistique. Le terme stambali est un devenu un terme fourre-tout pour signifier toutes les musiques confrériques/rituels produites par les noir.e.s tn. Or, il existe d'autres rites/genre musicaux. Par ex ds le sud-ouest ce n'est pas le stambali,c'est la banga
Comme ce sont au delà des musiques, des rituels, la banga n'a pas la même vocation que le stambali. Les musiques prennent leur nom soit d'un élément musical (instru comme la banga) ou le nom d'un esprit (stambali)
A titre d'exemple, le sud-ouest tunisien dans ses pratiques musicales et confréries à plus de lien avec l'est algérien que Tunis. A Biskra on pratique la banga comme ds ma ville. Pas à Tunis (du moins ca ne fait pas partie du tissu social de la ville)
Les journalistes ont tendance à uniformiser/ abuser d'un vocabulaire exorcisant (esprit, magie+ désert, chaleur, oasis, exorcisme). Please concentrez vous sur autre chose. C'est d'autant plus insupportable quand les journalistes sont nos compatriotes
Peu de journalistes évoquent les politiques d'état qui mettent et ont mis en danger non pas "ce patrimoine" (comme si il s'agit d'un truc à fige dans un musée) mais le mode de vie de certaines régions
Car si la banga/le stambali sont exclusivement produit par la communauté noire, la pratique musicale/confrérique qui s'y attache s'insert dans les évents importants. Typiquement dans le Jérid (mais aussi à El Oued en Algérie), pas de 3id al-Fitr sans la banga
L'Etat tn n'a jamais vu ses traditions populaires d'un très bon oeil. Encore moins celle-ci : elle était le fait de la communauté noire et en plus elle était rattachée à des confréries soufis
Or, Bourguiba a lutté contre toutes formes de confréries à coup de politiques publiques: fermeture/destrucion de zaoui, propagande d'état contre les arriérés qui s'adonnaient à de tels pratiques sans jamais les interdire officiellement. Pourquoi ?
Parce que Bourguiba s'inspirait bcp d'Ataturk et qu'il s'était dit qu'il allait faire ça plus discrètement. La crainte confrérique est lié à sa peur de perdre le pouvoir et à sa crainte des possibilités de révolte de ses communautés
En effet, pendant la colonisation (Révolte de la Rahmaniya mené par El Mokrani par exemple) et même AVANT les confréries étaient des forces politiques à part entière. Bourguiba le savait. Quel impact d'une telle politique sur les musiques ?
Déjà, il faut dire que c'est d'abord la vie de personnes qui ont été impactés. Mais aussi des pratiques, qui se sont fait plus discrètes, mais dont l'Etat n'arrivait pas à se débarrasser. Survient une décision
Elle n'est pas seulement le fait de l'Etat mais de la classe disons réformiste. L'idée est simple déplacer l'usage des musiques du champ religieux (et populaire) à celui du tourath cad du patrimoine, patrimoine culturel.
Cheikh Abdelazziz Ben Mahmoud, issu de l'élite tunisoise, obtient pour la 1er fois de produire des concerts de chants confrériques. Le but est de représenter ces musiques et non pas à l'utiliser dans des buts de rituels (qui conduisent à la transe)
Et encore moins à en faire un réel espace d'expression de la foi religieuse et encore moins de revendication communautaire plus spécifique. Autrement Bourguiba autorise de la musique c'est tout. Mais pas ttes
Ben Mahmoud est autorisé à fonder une troupe/associaiton de pratique la Soulamia et la Issawiya, qui sont des genres musicaux confrériques spécifiques
Il va enregistrer et formaient des personnes à la pratique de ces chants dans le respect de la tradition musicale confrériques. Bien que la seule autorisation de sa troupe est contribué à "patrimonaliser" et à changer la fonction des ces musiques
Or, toutes les traditions confrériques n'ont pas été "patrimonaliser" et autorisé à se produire sur scène. Les musiques des confréries noirs notamment.
Les noirs étant la communauté la plus invisibilisé de l'espace médiatique autant dire qu'il n'a pas été question de faire entrer les musiques afro-descendantes dans le "turath" tunisien.
Il existe peu d'enregistrements studio par ex et pas d'invitation à la tv ou dans de prestigieux festivals type Carthag. Il existe qlq enregistrements commandés par Ennagham dans les années 70 que j'ai récupéré 👇🏽
Je vous parlerai plus spécifiquement des musiques plus tard mais en tout cas sachez qu'on ne peut pas analyser la prod culturelle d'une population descriminée sans parler des politiques d'état spécifiques à leur égard
Si la Banga est encore pratiquée plus largement que le stambali à Tunis c'est aussi lié au strucutre très spécifique des villes du stambali. La pratique confrérie et notamment rituel à perdurer en scred
Petite ma grand mère m'emmenait à des cérémonies où les musiques et pratiques n'ont rien à voir avec celles montrés aux gens qui ne viennent pas de la ville. Car entre tps, on a allègrement folkloriser les musiques populaires de certaines régions pour le tourisme
Pendant que c'était interdit à la tv (comme le mezoued, la musique la + écouté en Tunisie) on a demandé aux gens du sud de se mettre en scène-folkloriser pour des représentantion touristiques ou officielles 🙄
Phénomène qu'on retrouve aussi au Maroc n'est pas @SaharAmarir
La pratique et l'existence de ces musiques doivent etre analysé avec les structures racistes: si il y a des confréries noirs c'est bien parce que les non noirs ne voulaient pas d'eux. De plus l'usage des esclaves noirs pour la musique est un élément recurrent au Maghreb
Ces musiques portent en elle l'histoire de l'esclavage notamment pour les descendants du pays Bornou (nord du lac Tchad actuel) qui est la région d'origine de la majorité des esclaves tn à l'époque
On s'en rend d'ailleurs bien compte dans la langue utilisée par le stambeli qui est un mélange d'arabe et notamment de Haoussa, langue la plus parlée du Royaume Bornou
Mais il s'agit aussi de la rencontre entre les esclaves et les noirs autochtones du Maghreb. C'est notamment perceptible dans les traditions musicales de région comme Biskra, El Oued, Nafta
Mais bon le thread est grave long je finirai une autre fois. C'est un sujet très vaste, peu documenté et qui connaît des enjeux de spoilation et de folklorisation importants
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