Depuis plusieurs mois je travaille sur la façon dont les femmes syriennes et égyptiennes ont permis la « renaissance féminine » de la femme arabe (al-nahda al-nisâ 'iyya)
Et ces reines méritent qu'on dise quelques mots à leur sujet
D’abord, toutes ces femmes ont en commun le fait d’avoir fondé chacune leur propre journal, et ce dès 1892 avec l’Egyptienne Hind Nawfal (Al-Fatât)
Parmi elles on trouve les Syriennes Louisa Habbâlîn (Al-Firdaws), Julia Dimashqiyaa (Al-Mar’a al-jadîda) (♥️), Marie ‘Ajimi (Al-‘Arûs) (♥️♥️♥️) ou encore Najla Abu al-Lam ‘(Al-Fajr)
Je passe sous silence le contexte politico-social de l’époque, mais il y avait, depuis la fin du XIXe, notamment à Alexandrie, au Caire, à Damas et à Beyrouth, une volonté chez les femmes (et pas seulement) de faire évoluer la réflexion sur leur condition
C’est donc principalement leurs revues qui vont leur permettre de s'exprimer et d'animer le débat : de cette naière, c’était avant tout une manière de montrer que les femmes étaient parvenues à se faire une place dans le monde du travail
Elles voient leur combat et leur légitimité portés et renforcés par le soutien d’hommes de lettres et de journalistes les influents de l’époque (à l'instar du Libanais Jurjî Nîqûlâ Bâz, premier partisan de cette révolution féminine)
Dans leurs publications, elles mettent en avant la vie quotidienne des femmes en donnant à la fois une toute autre vision de la femme au foyer et en défendant son droit à l’éducation, à son ouverture au monde
De cette façon, en plus de faire reconnaitre, elles font respecter le rôle de la femme dans la société et la place centrale et fondamentale qu’elle occupe au sein la cellule familiale
Elles traitent de sujets exclusivement liés à la condition des femmes : la situation de la femme orientale par rapport à la femme occidentale notamment, celle de la femme syrienne par rapport à la femme égyptienne, celle de la femme chrétienne par rapport à la femme musulmane
Elles donnent une toute nouvelle définition de la femme: pour elles, la femme de leur temps lit les journaux, s'instruit, enseigne, écrit
Elle est également une mère qui veille elle-même à la bonne éducation des enfants, qui leur parle et leur apprend l’arabe, qui leur apprend à aimer leur patrie et leurs compatriotes d'autres confessions
On leur préfère le terme de poétesses à celui de journalistes parce que la poésie occupe une part importante dans leurs écrits
Car la poésie permet d’aborder des sujets sérieux et d’inculquer aux femmes l'amour de leur langue et de leur patrie dans une tonalité poétique et sentimentale qui touche leur sensibilité
Dans leur combat, ces femmes ont deux objectifs : premièrement, la défense de l’identité arabe
En évoquant les souvenirs glorieux du passé de la Syrie et des pays arabes, elles veulent faire naitre chez les femmes un certain patriotisme et en faire des ferventes partisanes de leur terre et de l’unité nationale
Elles souhaitent également participer à la diffusion de la langue arabe : certaines organisent des concours de poésie et d’écriture dans le but d’encourager les femmes à apprendre et maitriser l’arabe littéraire, aussi bien à l’oral qu’à l’écrit
Leur second objectif consiste à éviter le piège de l’occidentalisation ainsi que l’apparition de divergences entres chrétiennes et musulmanes. Elles veillent à ce que les femmes arabes n’adoptent pas les mœurs et les conduites des femmes occidentales
Et les Égyptiennes ont été les meilleures dans cet exercice : au début du XXe siècles elles commencent à se lancer dans la politique, notamment en apportant leur soutien au Wafd, mais n’abandonnent toutefois pas leurs habitudes et traditions orientales (et donc, religieuses)
Les Égyptiennes ont ainsi su trouver un compromis entre modèle occidental et valeurs nationales orientales, et ce sans créer de divergences et différences entre coptes et musulmanes: elles sont égyptiennes avant tout et fières de l'être
Toutes ces poétesses ont, chacune à leur façon, démontré que l’affirmation nationaliste et la cause des femmes sont intimement liées, que la renaissance nationale est impossible sans leur participation
Tout en s'inspirant d'un modèle occidental, elles ont permis aux femmes de s'affirmer en tant qu'orientales, fières de leurs pays, de leurs origines, de leurs traditions de leur religion et de leurs valeurs, sans tomber dans le dévoilement, ni l'occidentalisation
Elles ont fait naitre chez les femmes une certaine fierté nationale, un sentiment d’appartenance à un groupe de plus en plus fort, en leur attribuant une place au sein de la société de plus en plus grande, de plus en plus importante
Les femmes peuvent désormais exercer un métier; elles sont écrivaines, enseignantes, infirmières, médecins et acquerront, au fil du temps, des droits qui leur sont aujourd'hui reconnus, d'autres malheureusement encore controversés
Le chemin est encore long, mais on se doit de reconnaître l’immense entreprise dans laquelle elles se sont lancées à la fin du XIXe; pour leurs mères, sœurs, filles, elles ont permis l’impossible et se sont battues toute leur vie pour leur faire honneur de la meilleure des façons
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