Bon. Installez vous confortablement, c’est l’heure du thread sur pourquoi c’est d’un mépris absurde de hurler aux sirènes de la société de consommation quand centaines de personnes font la queue pour avoir des PS4 à -75%. ⬇️⬇️⬇️ https://twitter.com/ericnaulleau/status/1273149702813495296
Quand j’étais gamine, dans la fin des années 90, le JV connaissait une grosse explosion en termes de marché. On était sur l’une des plus grosses générations de consoles, avec la PS1, la Nintendo 64, la Saturn. L’époque où il devenait commun en FR d’avoir le boîtier dans son salon
Sauf que moi mon salon ? Il n’a jamais vu la couleur d’une console. Ni de près ni de loin. Et je vous explique en quoi cela a eu des conséquences sur ma sociabilité, mes choix professionnels, et même ma confiance en moi (2/??)
Pas de consoles chez moi. 2 raisons : le coût, élevé pour un foyer modeste comme l’a été le mien, avec maman seule et 3 enfants. Et aussi (on en reparlera un jour) parce qu’une PlayStation était pas la première chose à laquelle on pensait pour un cadeau de petite fille en 2001.
Du coup, j’ai passé tt mon enfance et adolescence à jouer chez le voisin, chez des copines, au centre de loisirs, bref, ailleurs. Là où le jeu est collectif, public, là où je touchais une manette 5 minutes par partie.
Forcément, dès que j’avais le jeu en main, je faisais n’importe quoi. J’étais très critiquée par mes amis ayant cet accès à une console personnelle quant à ma capacité à jouer.
Comme bcp d’autres donc, j’ai intégré rapidement que j’étais nulle en JV. Le double frein de ne pas posséder l’outil et d’être une jeune fille dans un monde très masculin m’a fait me désintéresser du jeu vidéo, totalement.
À l’adolescence, j’ai eu la chance d’avoir un ordinateur quasiment personnel. J’y ai passé de très nb heures sur ce qu’aujourd’hui je qualifierai de jeux, mais que je voyais très différemment à l’époque : des jeux de rôles sur des forums, ou des petits jeux flash.
Mais même là, je n’osais essayer de « jouer » au sens de ce que je croyais être la culture légitime du jeu que lorsque j’y étais grandement incitée par quelqu’un d’autre.
Les années ont passé. J’ai bien sûr fait bien d’autres choses formidables de mon temps libre : de la danse, du théâtre, j’ai beaucoup lu...
Jusqu’à ce que je m’installe avec mon conjoint qui, fort de sa culture du JV assumée et développée dès l’enfance, a rapidement fait rentrer dans l’appartement la fameuse Ps4.
Tardivement puisqu’à l’âge adulte, j’ai enfin pu m’initier au jeu individuel, celui que l’on poursuit par quête de soi, envie d’évasion, besoin de performance...
Et il s’est passé un truc dingue : ça m’a passionnée. En un an, j’ai avalé et bûché toute l’histoire du jeu vidéo. J’ai écouté des dizaines de podcast, documentaires, lu des livres sur la question.
Et j’ai fini par m’y sentir suffisamment légitime pour quitter mon boulot et décrocher un nouvel emploi dans la médiation autour des jeux vidéo.
Oui, c’est la « possession » de la machine qui a débloqué cette vocation qui, peut être, dormait quelque part en moi depuis des années.
Mais voici ce que j’ai compris surtout en « possédant » ma première console personnelle et qui peut aujourd’hui nous éclairer sur les événements du Lidl :
Le manque d’accès à des outils du jeu vidéo peut isoler socialement. À fortiori dans des zones touchées par une forme de précarité, où recevoir des amis chez soi est compliqué, où être dehors n’est pas toujours possible non plus.
La preuve en est : je retrouverai le chiffre exact mais aujourd’hui une large majorité des 11-15 ans jouent principalement à des jeux multijoueurs en ligne. Ils font du JV un terrain d’exploration et d’evasion collectif. (Oui, même dans Fortnite)
C’est bien un effet cruel de notre société consommatrice, mais celui qui n’aurait la machine pour accéder à ce lieu de rencontre serait de fait exclu d’une sociabilité importante.
Le 2ème point, c’est que le JV participe à une force d’émancipation, de construction de l’identité et de la confiance en soi.
Vous l’avez vu dans le fil de l’histoire : c’est le fait de ne pouvoir m’entraîner chez moi qui a entraîné une dévalorisation systématique de mes capacités à jouer. Un manque de confiance que je suis toujours en train de déconstruire même après avoir été embauchée pour ça.
Si on pense à la situation, bien loin de la mienne, d’un jeune moyen de « quartier », de « banlieue » comme là où est implanté ce fameux Lidl, on voit que le JV est un formidable outil de réalisation personnelle
Il offre une perspective dans un horizon très étroit, et parfois tôt dans la vie. Il construit des jeunes adultes plus confiants en leur capacité de « réussir » quelque chose. Il permet de s’illustrer, là où le choix est limité :
Dans ces quartiers, on s’illustre principalement dans le sport, les métiers du social, ou la délinquance. Et désormais oui, du jeu vidéo.
Critiquer ouvertement des gens faisant la queue pour obtenir cette machine à ouverture d’horizons avec un rabais de -75% (!!), c’est refuser à ces jeunes une perspective d’avenir, d’emploi, de reconnaissance.
Et si j’ai pu découvrir que j’avais une vocation pour le JV à 25 ans à partir d’une PS4, ils le peuvent aussi.
Et franchement. Je leur souhaite. Et je n’ai nulle honte à le dire : il y a quelques années, moi aussi j’aurais fait la queue pour accéder à cette machine.
En conclusion : rendez les PS4 @lidlfrance
Fin de ce thread bien trop long, merci et belles découvertes vidéoludiques 🕹🎮
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