Aujourd’hui on va parler du début de la filière nucléaire, des premiers kWh électronucléaires français produits par un réacteur militaire, de géopolitique, de dissuasion nucléaire, de choix qui ont façonné la France pour les décennies à venir. #Thread
On va parler de la filière de réacteur de 1ère génération français, on va parler des #UNGG.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, on va parler des guerres mondiales. Remontons en 1945.
A cause de l'augmentation de la létalité des armes, la stratégie militaire ne recherche plus la bataille décisive, mais la campagne décisive. La campagne décisive suppose logistique, force de réserve, communication, suprématie/appui aérien, etc.
Les batailles de Midway, Stalingrad, etc. sont trop souvent présentées comme des batailles décisives, alors qu'elles ne constituent qu'une partie des importantes campagnes décisives qui ont permis la victoire de ces batailles.
La campagne décisive se gagne par l'efficacité de sa logistique (trains, camions), ses capacités de production (les flots ininterrompus de chars soviétiques T34) et le nombre de conscrits que l'on peut mobiliser.
A ce "jeu" on observe les Etats Unis (qui représentent 50% de la production industrielle mondiale) et l'URSS (qui dispose en 1945 de plus de 7 millions de conscrits) sont largement gagnants par rapport à la France (occupée et bombardée) et le Royaume Uni (bombardée)
Parlons de la France justement. A la sortie de la guerre, la France est dans un état difficile. 4 ans d'occupation, des combats sur le territoire, des campagnes de bombardement des centres industriels et logistiques. Une population qui a subi 4 ans d'occupation, de privations.
Donc si on récapitule, à la sortie de la guerre, la France à une base industrielle endommagée et une population inférieure aux superpuissances (URSS et États Unis) y compris en comptant la population des colonies.
On comprend vite que la France et le Royaume Uni, à l'issue de la 2ème guerre mondiale, perdent leur statut de grande puissance, "doublés" par l'URSS et les États Unis.
Pour illustrer ce déclassement, je vous propose de prendre un exemple, la crise du Canal de Suez.
Je ne vais pas rentrer dans les détails géopolitiques, mais pour faire court, le canal de suez est possédé en partie par le Royaume Uni (le RU) et la France.
Pour toutes les questions complémentaires d'ordre géopolitique, je me permet de vous renvoyer vers l'article détaillé du Wikipédia :
Pour rester concis, je ne vais pas mentionner l'action Israélienne dans la crise.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_du_canal_de_Suez
En 1956, l'Egypte décide la nationalisation (sans consultation ni dédommagement des français ni anglais) du canal.
Le canal de Suez est une manne financière et un intérêt stratégique de premier plan.
C'est une voie majeure de transit du pétrole des pays de Golf vers l'Europe et les États Unis.
Pour ces deux empires, il est impensable qu'une nation du "Tiers monde" récupère le contrôle du canal (et l’abandon de cette position stratégique)
Après que la récupération du canal par des voies diplomatiques soit jugée impossible, les anglais et les français vont concevoir une opération militaire pour reprendre le canal. L'opération Anglo-française Mousquetaire est un succès militaire total.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Mousquetaire
Les troupes égyptiennes sont en retrait, la prise de contrôle du canal totale, la suprématie aérienne obtenue, les pertes françaises et anglaises minimales.
La mission est-elle accomplie ? Est-ce qu'on peut rentrer à la maison sous un tonnerre d'applaudissement sachant les intérêts français et anglais protégés et maintenus ?
Pas vraiment. C'est la fin des opérations militaires, mais le début de la diplomatie.
La réaction internationale est sans appel. La condamnation d'une intervention digne du 19ème siècle est unanime.
Les États Unis et l'URSS condamnent fermement cette intervention.
Les soviétiques menacent d'une intervention militaire pour aider les égyptiens, mais aussi de l'utilisation d'armes atomiques de 3 mégatonnes sur Paris et Londres si les troupes ne se retirent pas rapidement.
Les soviétiques ont les armes nucléaires et les missiles pour le faire.
Voici une simulation de la détonation d'une arme de 3 Mt sur l'Elysée. 2,9 millions de morts, 3,3 millions de blessés. Le grand cercle gris c'est la destruction de 75% des bâtiment. Le grand cercle orange c'est 50% de chances d'être brulé au 2ème degré.
https://nuclearsecrecy.com/nukemap/?&kt=3000&lat=48.8703043&lng=2.3168063&hob_opt=2&hob_psi=5&hob_ft=13123&casualties=1&ff=NaN&fallout_angle=231&rem=100&therm=_3rd-50&zm=10
Rapidement, tous les pays du golf refusent de vendre du pétrole à la France ou au Royaume Uni. La crise économique est proche.
Les États Unis appliquent une pression financière forte en dévaluant la livre sterling, refusent la livraison de pétrole et interdisant le Fond Monétaire International d'aider la France et le Royaume Uni.
Face à la très forte pression internationale, la France et le Royaume Uni se retirent. La crise de Suez est un fiasco complet. L'intervention sensée protéger les intérêts des deux puissances coloniales fait exactement l'inverse.
La France va en tirer quelques leçons :
1) La France ne peut lutter seule contre les superpuissances.
2) Les États Unis ne soutiennent pas la France
3) La France peut être menacée d'annihilation atomique
4) La décolonisation est en cours.
5) D'autres crises sont à venir
Il existe une arme permettant de traiter d'égal à égal avec une superpuissance. Une arme qui permet de menacer en retour. A partir de là, la conclusion est assez facile.
La France doit disposer de l'arme atomique, "une force de frappe”.
[1]
Mais comment faire ? Comment créer une arme atomique ?
Pour vous expliquer, je ne vais pas parler du fonctionnement d'une bombe atomique, mais de ce dont on a besoin pour en fabriquer une. On peut utiliser 2 combustibles. L'Uranium ou le Plutonium.
Chacun ont leurs avantages et leurs inconvénients. On va commencer par l'Uranium. Il existe 2 types d'Uranium. L'uranium 235 ou 238. Pour raccourcir je les nommerai U235 et U238.
Dans l'uranium naturel, on trouve 0,7% d'U235, et 99,3% d'U238.
Or, pour faire une bombe nucléaire, il nous faut plus de 90% d'U235. Ça demande donc de faire une séparation longue, coûteuse et difficile grâce à plusieurs milliers de centrifugeuses (en photo) de l'U235 et l'U238.
C'est ce qu'on appelle la séparation isotopique.
Les États Unis pouvaient le faire pour réaliser la bombe de Little Boy. La France handicapée par la reconstruction ne peut pas se le permettre.
L'autre combustible utilisable est le Plutonium. Le problème du Plutonium (Pu239) c'est que c'est un élément qui n'existe pas à l'état naturel. Il faut le créer. La manière la plus simple, c'est de placer de l'Uranium 238 dans un réacteur nucléaire.
Dans ce réacteur il y a des neutrons. Ces neutrons peuvent transformer l'U238 en Np239, puis en Pu239.
Pour disposer de Pu239, il faut donc obligatoirement un réacteur nucléaire. Ça reste tout de même une solution plus simple que des milliers de centrifugeuses.
Un réacteur nucléaire fissionne de l'Uranium 235 (ou du Plutonium 239). Une fission est provoquée par la collision d'un neutron avec de l'U235. Cette collision va séparer l'U235 en 2, libérer de l'énergie et entre 2 et 3 autres neutrons.
Pour qu'une autre collision avec de l'U235 puisse se produire (et continuer à produire de la chaleur), les neutrons doivent être ralentis (pour le cas qui nous intéresse). Ils sont libérés par l'U235 à une vitesse très élevée. Ce qui les ralentit est nommé le "modérateur"
La bombe française sera faite à partir de Plutonium 239.
L'utilisation d'un réacteur nucléaire, bien qu'elle résout le problème de capacité industrielle, amène d'autres problèmes.
A commencer par le fait que le Plutonium 239, une fois formé, si il reste trop longtemps dans le réacteur, il peut devenir du Plutonium 240, Plutonium 241 etc.
Le Pu240, Pu241 etc. nuisent à l'efficacité de la bombe nucléaire.
Si on évoque la possibilité de les séparer après leur passage dans le réacteur, on retombe sur le même problème que l'U235 et U238. La séparation isotopique.
Il faut que le combustible reste peu de temps dans le réacteur. Il faut donc le changer souvent.
Pour éviter d'arrêter un réacteur tous les matins, il faut pouvoir changer le combustible en fonctionnement.
Une fois sorti du réacteur, on sépare l'Uranium du Plutonium. C'est une séparation chimique nettement plus simple à réaliser qu'une séparation isotopique.
Pour faire un réacteur, il faut un combustible (qui libère les neutrons et la chaleur), un caloporteur (qui transporte la chaleur libérée en dehors du réacteur) et un modérateur (qui ralentit les neutrons).
Le combustible nous est imposé : L'Uranium naturel
Le caloporteur : Dans les réacteurs actuels on utilise de l'eau. Le pb de l'eau c'est qu'elle absorbe trop les neutrons. C'est pas un problème quand le combustible a 4% d'U235, c'est un problème quand il y a que 0,7% d'U235.
Pour le premier réacteur, on va utiliser de l'air. Car c’est simple à mettre en place. L'azote et l'oxygène (composition de l’air) n'absorbent pas les neutrons.
On peut faire un réacteur sans modérateur. Malheureusement, c'est pas compatible avec le combustible qu'on a choisi. Dans les réacteurs actuels, le modérateur c'est l'eau. Mais elle absorbe trop les neutrons.
Il faut qu'on trouve un autre modérateur, qui absorbe pas les neutrons. On peut utiliser l'eau lourde (aussi appelée Deutérium), mais cela coûte excessivement cher car cela fait appel à de la séparation isotopique.
Une option qui est simple et qui coûte pas cher, c'est d'utiliser le graphite. Le carbone du graphite n'absorbe pas (ou très peu) les neutrons, il serait donc possible de l'utiliser. La France dispose à l'époque d'une importante industrie du graphite
[2]
Pour faire du graphite, il faut du charbon. Et ça tombe bien, en France on extrait du charbon ! Il faut de la houille (type de charbon), qu'on réduit en poudre et qu'on distille pour obtenir du coke, qu'on chauffe après a de très fortes températures pour obtenir du graphite.
Les empilements de graphite font l'objet de recherches poussées par le CEA, pour en supprimer les impuretés (le bore par exemple) et en contrôler ses différents paramètres. Pour plus d'informations je vous renvoie vers la source
[3]
Avec de l'Uranium Naturel, du graphite, refroidi à l'air, félicitations, vous venez de construire le premier réacteur Plutonigène français !
Voici le témoignage d'une autre époque de Rémy Carle ancien directeur de la construction des réacteurs au CEA https://francearchives.fr/commemo/recueil-2006/39993
On appelle ce réacteur G1 pour Graphite 1 mis en service en 1956. Ca a été aussi le premier réacteur français à produire de l'électricité. Pour quelques compléments je vous renvoie vers le thread de @Mangeon4 https://twitter.com/Mangeon4/status/1266754592060190722?s=20
On pense très vite à faire G2. Plus gros, plus puissant. Ca veut aussi dire une température plus élevée. Le risque de combustion du graphite devient non négligeable. L'incendie de Windscale, réacteur avec du graphite refroidi à l'air prend feu en 1957.
[4] et [5]
Mais on ne peut pas utiliser de l'eau non plus. On va donc utiliser un gaz courant dans l'industrie, facile à produire, le gaz carbonique (ou CO2) !
On obtient donc un réacteur à l'Uranium Naturel, modéré au Graphite, refroidi au Gaz carbonique.
Le CEA, avant de terminer G2, pense à G3. Plus gros, plus puissant. Tout cela permet de produire de l'électricité et plutonium à un rythme soutenu (80kg/an). Mais la production de plutonium ne suffit pas pour les ambitions françaises.
Je ne m'étendrai pas plus sur les piles G1/G2/G3. Si vous le souhaitez, on pourra revenir dessus plus tard.
Je ne peux m'empêcher de vous transmettre les liens suivants :
Pile G1 : https://nmdigital.unm.edu/digital/collection/nuceng/id/23
Pile G2 et G3 : https://nmdigital.unm.edu/digital/collection/nuceng/id/52
EDF, qui existe depuis 1946 est intéressé par l'énergie nucléaire. En effet cela permet de produire de l'électricité sans charbon, sans pétrole, sans gaz. Il est donc convenu le développement de réacteurs UNGG. Uranium Naturel Graphite Gaz.
Le premier exemplaire sera celui de Chinon, aussi nommé EDF1. Ce réacteur, surnommé "La Boule" grâce a son design caractéristique, produit 80 MW électriques et utilise 10MW pour son autoconsommation. La Boule délivre 70MW [11 p17] sur le réseau français.
Le combustible utilisé se présente sous cette forme. Un combustible en uranium naturel, couvert d'une gaine en magnésium et en zirconium qui forment des ailettes. La chemise en graphite fait partie du bloc réacteur (et non de l'assemblage combustible)
La forme de boule a été retenue pour des considérations techniques et architecturales. En cas de fuite massive de CO2, la sphère est sensée confiner efficacement le gaz radioactif. Enfin, cette forme rappelle l'atome.
EDF1 souffre quelques problèmes vu que c'est le premier de sa série (ça vous rappelle quelque chose ?) A quelques jours de l'inauguration, la sphère s'est fissurée en deux. C'est réparé à grands frais.
Autre problème, le rechargement pendant le fonctionnement n'est pas possible.
Maintenant, on va regarder comment est structurée la Boule. Le CO2 chauffé par le cœur en noir, monte, va dans les échangeurs, et retourne vers le cœur par le bas en étant soufflé par un ventilateur.
Ces échangeurs permettent de chauffer l'eau du secondaire, qui se transforme en vapeur et est dirigée vers la turbine a l'extérieur de la boule.
Avant de passer sur les autres réacteurs UNGG, je souhaite vous parler d'une des dernières particularités du design d'EDF1. Pour vous montrer, je vais utiliser la vidéo suivante : https://www.facebook.com/edf/videos/1335710946493059/
Est-ce que vous avez vu ? Non ?
Laissez moi faire un arrêt sur image. On peut voir la particularité du design dessus.
C'est assez subtile.
Ce que vous pouvez voir dans ces cercles rouge tracé à l'aide de Paint... c'est la piscine combustible de EDF1. Oui, la piscine contenant les assemblages combustibles usés d'EDF1 est à l'air libre.
Je vous avais dit que c'était une autre époque.
Passons maintenant, aux autres réacteurs UNGG. Le rechargement en fonctionnement d'EDF1 est pas possible. Ça veut donc dire qu'EDF1 ne produira pas de Plutonium de qualité militaire.
Avant la fin de la construction de EDF1, on réfléchis déjà à EDF2 (210MW* électriques brut) ET EDF3 (480MW* électriques brut) [6]. Le CEA achètera le combustible irradié pour en extraire le Plutonium.
* Les puissances sont indicatives, elles changent légèrement selon les sources
Passons à EDF3 (similaire à EDF2, en plus gros et j'ai plus d'images)
Vous pouvez voir EDF3 en coupe avec la disposition du caisson réacteur et des échangeurs.
On peut voir l'empilement graphite en cours de réalisation. A partir de ce moment, EDF commence à avoir l'habitude.
Pourquoi les échangeurs sont sorti du caisson ?
Raison principale, diminuer la taille du caisson (donc le génie civil, ça rappelle quelques chose ?).
C'est aussi parce que c'est plus simple à construire et à maintenir. On peut aussi voir les échangeurs accrochés au plafond
EDF3 constitue un très bon design pour les UNGG, c'est un bon producteur de Plutonium, ce qui convient très bien pour le CEA. Le réacteur est construit pour 480/500MW, mais le CEA demande sa limitation à 375MWe pour la production de Plutonium.
Toutefois, EDF3 à un défaut de construction. Un défaut qui coûtera cher par la suite. Permettez moi de teaser avec une image, on y reviendra plus tard.
Passons à la constructions de EDF4 et EDF5!
Ces réacteurs ne sont pas construit à Chinon, mais sur la Centrale de Saint Laurent des Eaux. EDF 4 et EDF5 sont quasi similaires, de puissance identique.
Si on, regarde l'intérieur du bloc de béton, on a le schéma suivant. Et là, on peut très clairement observer que les échangeurs, en plus d'être à nouveau dans le bloc béton, sont placés sous le réacteur !
On peut voir que le sens de circulation du CO2 change. Je met les sens de circulation d'EDF3 et EDF4 cote à cote.
Le sens d'EDF3 va du bas vers le haut, le sens d'EDF4 est du haut vers le bas.
Pourquoi ce changement de sens de circulation du fluide ?
Si on conserve le sens de circulation de EDF3 (du bas vers le haut), et qu'on continue d'augmenter la puissance, il faut aussi augmenter le débit (pour refroidir plus). L'augmentation du débit, pousse les assemblages combustibles vers le haut.
Ainsi, je cite la source [7] "[si on augmente le débit] le sens de l'écoulement doit être inversé pour écarter le risque de lévitation des éléments combustibles"
Inverser le sens de soufflages a quelques avantages :
- Suppression du système anti lévitation des assemblages combustibles
- Fonctionnement de la machine de chargement en zone froide
- Amélioration de la stabilité des éléments combustibles
Mais aussi quelques inconvénients :
- Renforcement des supports d'éléments combustibles pour tenir la poussée aérodynamique
- Incompatibilité du fonctionnement en thermosiphon (donc il faut toujours une soufflante qui marche en permanence pour éviter la fonte du combustible)
Malgré les inconvénients, cette conception est retenue. La suite est déjà préparée par EDF.
Saint Laurent est bien, mais il faut plus puissant. L'objectif affiché est d'atteindre le même niveau que celui visé par les REP, c'est à dire 900 MW
EDF5, aussi nommé Bugey 1, sera de 540 MWe. Il y a des changements de design, mais c'est une augmentation de la taille des réacteurs de Saint Laurent.
En vue de continuer d'augmenter la puissance, les assemblages combustibles deviennent annulaires et non plus cylindriques.
Ca permet d'augmenter la surface avec le CO2, donc d'augmenter la dissipation de chaleur
Quelques photos pour le plaisir des yeux avant de passer à la suite.
Bon. Alors c'était quoi le problème avec les UNGG ? Pourquoi ils sont tous fermés aujourd'hui ?
Alors, c'est une combinaison de multiples facteurs.
On va commencer par les problèmes les généraux de la filière et on va se concentrer sur les problèmes des réacteurs précis.
Problème 1 : D'importants soucis de corrosion. Un point qui n'était pas connu avant des réacteurs UNGG de forte puissance, c'est la corrosion du CO2 à forte température, et forte pression.
A forte température, le CO2 corrode l'acier. On va rappeler l'image qu'on a vu tout à l'heure. Le CO2 surchauffé provoque la formation importante d'oxyde qui diminue la tenue de l'acier. [8] et [9].
On arrive à une situation intenable sur EDF3 ou la corrosion provoque le besoin d'importantes réparations après 10 ans de production d'électricité.
A forte pression et forte température, le CO2 corrode aussi le graphite, diminuant sa tenue mécanique, ce qui compromet l'intégrité de la pile, ainsi que sa tenue au séisme. [10] Pour citer la source :
La corrosion mesurée après 8,58 années équivalentes à puissance maximale est de 22,4%. Pour vous donner une idée, la durée de vie restante estimée, en 1986 est de 2 années à pleine puissance (donc 4 ans à la moitié de la puissance max)
Ce problème a amené à une limitation de la puissance sur tous les UNGG. Par exemple EDF3 a connu une diminution de sa puissance (passage de variante A vers variante B)
Bugey connaît aussi une limitation importante de sa puissance.
Pour diminuer cette corrosion du graphite, EDF injecte du méthane dans le CO2. Cette solution demande d'augmenter l'enrichissement d'U235 (de 0,72% à 0,76%). L'avantage c'est que cela améliore la distribution de puissance et la flexibilité du cœur.
Grâce à cette flexibilité améliorée et a la limitation de la puissance, Bugey 1 était vue comme une réserve de puissance d'urgence par le réseau électrique.
Problème 2 : Les aspects économiques. Les UNGG demandent un retraitement du combustible très important. Le combustible étant moins concentré lorsqu'il est mis dans le cœur, il y reste moins longtemps. Il faut plus de combustible pour produire une même quantité d’énergie qu’un REP
Pendant le développement des UNGG, il a eu aussi le développement d'une autre filière, les Réacteurs à Eau Pressurisées (les REP) avec un premier réacteur de 300MW à @EDFChooz . Le retour d'expérience sur cette filière est très positif.
Lorsque il est prévu la suite du programme nucléaire, à @EDFfessenheim ,il était originellement prévu d'y construire 2 UNGG. Mais les UNGG ne sont pas compétitifs face aux REP, et les REP sont préférés pour la suite du programme nucléaire civil français. https://twitter.com/synfission/status/1186780985762951169?s=20
Problème 3 : Le CEA souhaite limiter la puissance des réacteurs nucléaires, car une puissance trop forte complique la production de plutonium [11]. Or c'est contraire aux besoins d'EDF qui souhaite (en dehors des problèmes de corrosion) produire le plus d'électricité possible.
Problème 4 : L'accident de Saint Laurent 2. La corrosion d'une tôle en acier a engendré sa chute ce qui a obstrué des canaux de refroidissement du combustible. Cette obstruction à engendré la fusion d'une partie du combustible. [12] Pour plus d'info : https://fr.wikipedia.org/wiki/Accident_nucl%C3%A9aire_de_Saint-Laurent-des-Eaux_de_1980
La fin des réacteurs UNGG est due à cette combinaisons de problèmes. Les problèmes de corrosion (graphite et acier) ont engendré la fermeture progressive des UNGG. La Boule, EDF 1 est fermée dès 1986, 13 ans après son démarrage.
EDF2 à atteint sa fin de vie programmée (20 ans en 1985). Les réacteurs de Saint Laurent et de Bugey sont fermés après l'épuisement de leur combustible. La seule unité réparée massivement est EDF3, pour permettre de produire du plutonium supplémentaire pour le CEA.
[13]
Cette réparation coûte très cher, fait appel a 5 robots spécialisés construits pour cette réparation par Hispano Suiza et testés sur une maquette à taille réelle.
EDF décide de s'éloigner du CEA qui poursuit des objectifs contraires aux souhaits d'EDF de produire une électricité nucléaire bon marché.
Le développement des REP est massif, on peut voir sur l'image que la puissance REP construite de 1976 à 1978 est supérieure à toute la puissance UNGG combinée.
Le lancement de constructions massives de réacteurs nucléaires REP, et le manque de débouchés criants à l'exportation, signe la fin de la filière UNGG.
Le démantèlement est en cours de ces centrales, [15] [14], le challenge le plus important aujourd'hui est le traitement du graphite pour en faire des déchets inertes qui peuvent être stockés dans de futures centres appropriés.
Aujourd’hui les UNGG sont une trace de l’histoire du nucléaire civil et militaire français, les réacteurs de première génération, la volonté de la France d’être indépendante technologiquement, énergétiquement, militairement et diplomatiquement.
Ce fut une histoire pleine de revers, de tâtonnements, d’erreurs, mais très extrêmement instructive, en particulier pour construire la filière actuelle.
Grâce au plutonium produit, la France a pu se doter de l'arme nucléaire et à la perfectionner (un sujet pour quelqu'un d'autre)
Ceci clôt ce #thread, je reste disponible pour les questions, les sources sont plus bas. Bon lundi à tous !
[1] Genèse du programme nucléaire militaires et considérations stratégiques
http://www.obsarm.org/essais-nucleaires.pdf
[3] Etude générale sur les graphites nucléaires produits en France
https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/38/063/38063269.pdf
[6] Caractérisations mécanique, chimique, radiologique du graphite des UNGG
https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/33/034/33034384.pdf
[7] Rapport CEA sur la nouvelle disposition de Saint Laurent
https://www.osti.gov/etdeweb/servlets/purl/20668374
[11] Les centrales nucléaires UNGG de puissance du programme français
https://inis.iaea.org/collection/NCLCollectionStore/_Public/38/105/38105032.pdf
[13] Extrait de "A Chinon, EDF prépare la bombe à neutron ?", Science & Vie n°826, juillet 1986: http://www.dissident-media.org/infonucleaire/SV_n826_juillet1986.pdf
[14] Schéma des caissons UNGG et informations sur les démantèlements
https://sfrp.asso.fr/medias/sfrp/documents/07-PhilippeLefevre.pdf
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