Qu& #39;est-ce que j& #39;aurais dû dire ? Ou plutôt, qu& #39;est-ce que j& #39;aurais pu dire ?

Étant chez mes parents depuis le confinement, on se retrouve souvent down memory lane, et régulièrement, on a reparlé de la période où j& #39;étais fol. Bien bien fol. De comment c& #39;était galère.
Parce qu& #39;iels voyaient bien que je souffrais +++, mais on arrivait pas à communiquer. Moi je comprenais rien de ce qui m& #39;arrivait, j& #39;étais perché quasi tout le temps. Elleux avaient pas les clés. On a fait comme on a pu.

La conclusion qui revient souvent (tout le temps ?) c& #39;est
que je disais rien. Ce qui rendait les choses encore pire puisque personne ne pouvait savoir.

Et c& #39;est vrai. C& #39;est un fait. J& #39;étais (suis) expert en dissimulation. J& #39;ai multiplié les stratagème pour obéir en tout point à la loi du silence. On passera les détails, mais en tout
cas, c& #39;est bel et bien fait sur lequel je ne vais pas débattre : je ne disais rien.

Mais la vraie question, c& #39;est qu& #39;est-ce que j& #39;aurais pu dire ? C& #39;est la vraie question parce qu& #39;elle implique son corollaire : qu& #39;est-ce qui pouvait être entendu ?

Et la réponse à cette 2ème
question c& #39;est : pas grand chose. Je le sais parce que le peu que j& #39;ai dit n& #39;a déjà pas été entendu. Alors dire le reste...

Le problème, c& #39;est que j& #39;étais pas "là". J& #39;étais perché quasi continuellement. Avec au minimum une crise par jour. Et quelques fragments de lucidité ici et
là.
Alors qu& #39;est-ce que j& #39;aurais pu leur dire ?
Fallait-il leur parler de la pourriture gluante et noire dans mon sang que j& #39;essayais désespérément d& #39;enlever plusieurs fois par jour? Fallait-il leur dire les incendies et les corps brûlants? l& #39;odeur des os et de la chair calcinée?
Fallait-il leur dire que c& #39;était "ma" faute et que les cadavres putréfiés et brûlés qui frappaient des nuits entières sur mes murs et mes fenêtres le savaient ? Qu& #39;eux et toutes les voix le hurlaient constamment ?

On ne m& #39;a jamais demandé ce que disaient les voix. Pas que
j& #39;aurais répondu, j& #39;avais pas le droit et il était inenvisageable d& #39;aller contre ça. Ms personne ne s& #39;en est soucié. On a juste décidé qu& #39;il fallait les faire disparaître. Sans sommation. Tout en me disant que ses voix c& #39;était moi, on me disait qu& #39;il fallait les faire disparaître
Personne ne m& #39;a jamais demandé ce que voulaient les monstres, les ombres. D& #39;ailleurs on ne m& #39;a jamais vraiment demandé ce que je voyais / entendais. La seule chose, c& #39;était que ça devait disparaître.

Le peu que j& #39;ai dit a été accueilli de cette seule réponse : ça n& #39;était pas
normal, et ça devait disparaître.

Alors au milieu de ça, il aurait fallu que je leur délivre le coup final ? À savoir leur dire que je n& #39;existais pas ? Que je n& #39;étais qu& #39;une histoire qu& #39;iels se racontaient et qui disparaitrait quand iels seraient fatigué·es de me raconter ?
Que ma place était sous le lit, avec tous les autres monstres ?

C& #39;est vrai, je n& #39;ai rien dit. Et ça a participé du peu d& #39;aide que j& #39;ai reçu, ça a empire la situation. C& #39;est en partie ma faute.
Mais j& #39;aimerais bien que vous vous interrogiez vraiment, soignant·es comme proches :
quelle place j& #39;avais pour dire tout ça ? pour être entendu ?
Quand vous pensez que le problème c& #39;est que les fols autour de vous ne disent pas assez, vous demandez-vous quelle place vous faîtes pour qu& #39;iels puissent exprimer leur folie ?

Pcq si vous vous contentez de demander
"pourquoi tu n& #39;as rien dit ?" sans jamais demander "est-ce qu& #39;il y a de la place pour que tu parles ? est-ce que je suis capable d& #39;entendre", alors vous pouvez aussi bien fermer vos gueules... vous faîtes partie du problème...

J& #39;ai été sauvé par ma propre folie (qui causait
elle-même une partie des problèmes, mais c& #39;est une histoire pour un autre jour). Si j& #39;avais parlé, si j& #39;avais dit tout ça, nul doute que j& #39;aurais gagné mon ticket pour l& #39;HP et un contrôle psychiatrique bien plus grand. Si à l& #39;époque iels avaient su pour la baignoire, jaurais fini
sanglé à un lit avant d& #39;avoir fini ma phrase.
Ça n& #39;aurait pas aidé.
Alors on a rien dit. On a terré enterré. On a laissé la folie bouffer les mots et disjoncter la grammaire. On s& #39;est caché dans le silence.

C& #39;était un choix par défaut. Pas le meilleur. Juste le moins pire.
Alors je n& #39;ai rien dit. C& #39;est vrai. C& #39;est un fait. C& #39;était une erreur. Mais aussi la seule solution possible.

Parce qu& #39;il n& #39;y avait personne pour écouter, et personne pour m& #39;entendre.

Avant d& #39;obliger les fols à dire, assurez vous de leur avoir fait de la place pour.
You can follow @lyingrain.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled: