Unpopular opinion. Combien de personnes issues de l& #39;immigration à la tête des grandes redactions et de leurs services en France ? Cela fait partie du problème du traitement journalistique des questions liées au racisme, aux quartiers populaires, aux rapports police/population.
Vous pouvez retourner le problème dans tous les sens, ce que j& #39;ai fait pendant des années : rien ne changera si les personnes concernées n& #39;ont pas le pouvoir de décider du récit éditorial.
Evidemment, un recrutement des rédactions, avec des journalistes à l& #39;image de la société, est essentiel mais pas suffisant. Les personnes concernées doivent avoir accès aux postes à responsabilité, là où tout se joue : les rédactions en cheffe et les directions de rédaction.
Il y a un excellent exemple imparable pour comprendre l& #39;enjeu ici : est-ce que le recrutement d& #39;Harry Roselmack ( et je n& #39;ai rien contre lui) a changé quoi que ce soit aux lignes éditoriales des journaux de TF1, un de plus grand JT d& #39;Europe ? Non.
Et oui ce que j& #39;écris là est mal vu dans notre métier : on accuse celles et ceux qui portent ces questions de racialiser le débat, de fracturer la société. Mais qui fracture quand des postes sont refilés entre copains ?
Qui fracture la société quand des gens pleins de talent ne réussiront jamais à grimper l& #39;échelle de ces entreprises parce que ne sont pas de la bonne couleur de peau ? Ne font pas partie du petit sérail, ne font pas copain copain comme on le veut ?
J& #39;ai un paquet de noms en tête que je ne donnerai pas ici par respect de personnes qui ont quitté de grandes rédactions entre autres à cause du racisme qui les traverse.
Des gens de talent, aux parcours brillants, qui ont préféré jeté l& #39;éponge et aller voir ailleurs alors qu& #39;ils y avaient tout autant leur place que les autres, des gens qui s& #39;ils étaient restés et étaient montés, auraient peut-être permis de changer un peu les mentalités.
Et ce constat est valable aussi dans les écoles de journalisme qu& #39;il s& #39;agissent des personnes qui interviennent ponctuellement, les professionnels qui font cours plus régulièrement et les cadres
Et franchement quelle fatigue de devoir redire ceci encore et encore, d& #39;être vu.e comme des racialistes en puissance quand en 2005 tout le monde la jouait black blanc beur et qu& #39;on en soit encore au même point aujourd& #39;hui...
Cette question est capitale pour plein de raisons :
- d& #39;un point de vue RH : une entreprise doit savoir nommer les personnes les plus compétentes. Il y a le savoir-faire et la connaissance de tel ou tel sujet, la compréhension fine surtout dans les métiers du journalisme
Toujours d& #39;un point de vue RH : la capacité à faire monter en compétences, en grade ses salariés. Nommer des journalistes à des postes de responsabilité leur permettre une évolution au vu de compétences et de leur apport à l& #39;entreprise/au groupe
Le racisme se joue à 2 niveaux dans les médias.
Il vise à la fois les personnes issues de l& #39;immigration dans ce qu& #39;elles sont (je vous passe les détails des petites piques sur les cités, les musulmans, l& #39;islam et j& #39;en passe) ET il s& #39;exprime éditorialement dans les sujets traités
Donc vous voyez comment on peut être cerné de toute part ? A la fois sur ce que nous sommes, ou ce qu& #39;on projette sur nous ET sur le contenu des histoires que l& #39;on raconte ? Avec un enjeu très fort sur la capacité des médias à faire l& #39;opinion.
Je sais que pas mal de personnes ce sur réseau ont vécu les mêmes choses dans certaines rédactions : les petites piques lors des actualités autour de l& #39;islam/des musulmans... Les insinuations bien dégueu lors des attentats...
Il y a 2 types de réactions :
- Vous ouvrez votre gueule pour dire que ça ne va pas et vous passez pour le ou la relou de service et on vous le fait payer !

- Vous fermez votre gueule au point que cela peut vous miner intérieurement

Devinez quoi ? VOUS ETES TOUJOURS PERDANT !
Parce que le système est tres bien fait ! Les médias et j& #39;imagine c& #39;est valable pour plein d& #39;entreprises et autres entités publiques, ne recrutant que très peu de personnes issues de l& #39;immigration, vous vous retrouvez bien seul...
Seul pour gérer les piques racistes, les propos nauséabonds, seul pour défendre "les" causes. Vous vous retrouvez parfois à endosser un rôle qui n& #39;est pas le vôtre mais qui s& #39;est imposé a vous. En plus d& #39;être journaliste, vous devenez malgré vous autre chose.
Certains l& #39;acceptent d& #39;autres le vivent mal car ne l& #39;ont pas choisi et que c& #39;est le regard des autres et leurs propos qui les ont poussés à endosser ce rôle.
Et donc cette question : n& #39;avons nous pas nous aussi droit a la normalité ? A gérer comme tout le monde l& #39;évolution de nos carrières professionnelles sans avoir à s& #39;inquiéter de l& #39;impact de ce que nous sommes, d& #39;avoir à subir préjugés, discriminations, sans avoir à nous battre ?
Parfois (souvent ?), le racisme est insidieux. Il ne se proclame pas à la face du monde, il se déploie sournoisement, insidieusement, sans se montrer, de sorte que vous ne pouvez jamais "prouver" que c& #39;est de cela dont vous pouvez souffrir professionnellement...
Vous êtes écarté de tel ou tel poste ? Vous ne montez jamais en grade ? Vous êtes mis sur le banc sans qu& #39;on vous donne d& #39;explication valable. Vous savez au fond de vous-même que c& #39;est de racisme dont il s& #39;agit mais vous êtes incapable de le démontrer.
Et voilà que la boucle est bouclée : les souffrances qu& #39;on vous inflige vous ramène à qui vous êtes profondément, à une part de votre identité et on vous oblige à ne pas en faire une chose publique. Vous êtes pris au piège. Les personnes concernées savent la souffrance que c& #39;est.
Anecdote jamais racontée. Je la livre ici. J& #39;étais journaliste à iTELE. Un an que j& #39;étais dans la rédaction. J& #39;avais postulé à un poste de présentatrice télé pour les vacances d& #39;été. Régulièrement, des journalistes de la rédac remplacent les titulaires lors de leurs vacances.
J& #39;avais passé un test comme la chaîne en fait passer régulièrement. L& #39;encadrement, dixit une cadre, était content. J& #39;étais sur les plannings, avais décalé mes vacances. J& #39;étais ravie. Je sentais une évolution et je pouvais tenter de faire quelque chose dont j& #39;avais vraiment envie
Quelques jours à peine avant de démarrer, on me convoque. On m& #39;explique que finalement c& #39;est trop tôt, que je ne suis pas encore prête, qu& #39;il me faut encore du temps (ils étaient pourtant très contents du test quelques jours auparavant).
Je vois qui finalement est retenu pour les remplacements à la présentation cet été-là. Je ne correspondais visiblement pas au profil-type. Evidemment personne ne m& #39;a jamais dit les choses. Je le sais, ils le savent. J& #39;ai dû accepter ça sans rien dire parce que rien n& #39;était dit.
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