THREAD La chose cruciale que j’ai retenu de mes cours avec Dr. Shiera Malik pendant mon échange aux US c’est que pour démonter un système, il faut s’en prendre à sa production des savoirs, car toute production de savoir est politiquement, historiquement et socialement située.1/14

Et ici « savoir » ne veut pas dire « vérité », mais littéralement « ce que l’on sait, ce que l’on accepte comme la vérité a propos de ». Et ces savoirs déterminent notre appréhension du monde, notre façon d’en faire sens (sense-making) et de le naviguer. 2/14

Exemple. Les meurtres policiers sur des hommes noirs. Depuis le 15e-16e siècle, les savants et penseurs européens ont produit des savoirs (des discours, des idées, des images, des faits scientifiques) sur « le Noir » en créant une série de dichotomies, càd des oppositions 3/14

diamétrales, entre le Blanc et le Noir : le Blanc raisonnable, illuminé (surtout après le siècle des Lumières dans les années 1700), sage, raffiné, Dieu, et le Noir instinctif, obscur, sauvage, violent, Satan. Ces « savoirs » ont été, dans un monde dominé par les puissances 4/14

coloniales européennes, produits et acceptés comme des vérités absolues, et même enseignées dans les institutions scientifiques et éducatives de l’époque. Ce discours sur « ce qu’est le Noir » a alors construit le Noir comme bête de somme, et permis de justifier la traite 5/14

négrière et l’esclavage des Africains par les Européens blancs. Ainsi, dans les institutions, dans les journaux, dans les livres pour enfants, dans les histoires, dans les festivals comme celui de je-ne-sais-où en Belgique, l’image du Noir comme sous-homme et bête violente 6/14

a été profondément installée dans la psyché blanche, càd non seulement dans l’imaginaire collectif blanc mais aussi dans la représentation de soi-même et l’appréhension du monde que fait l’individu blanc.
Par conséquent *bruit de bobine* on arrive à 2020 : dans ces sociétés 7/14

majoritairement blanches, où les Blancs constituent la population dominante non seulement en chiffres mais surtout en pouvoir (ex. 3000 descendants d’esclavagistes blancs en Martinique dominent près de 300 mille martiniquais), eh bien dans ces pays là comme la France ou les US 8/

l’ensemble de la population - pas uniquement les Blancs - a intégré les vérités sociales produites historiquement dans le but de justifier l’esclavage et le colonialisme depuis le 15e siècle : le Noir est agressif, violent, physiquement et sexuellement menaçant. 9/14

Ainsi, lorsque le policier, et encore plus le policier blanc, est face à un noir, il est non pas face à 1 noir, mais face au Noir, à cet ensemble d’idées qu’est « le Noir ». En réalité, ce policier est face à sa propre construction mentale historique de ce qu’est le Noir : 10/14

il tire sur le Noir, il tire sur une race, et non plus sur un homme - à ses yeux. Il tire sur une projection mentale.
En d’autres termes : des policiers abattent des hommes noirs en les désignant comme des menaces car cette projection abjecte est le fruit de plus de 5 siècles 11/

de construction de l’h noir comme d’une menace au Blanc.
C’est donc pourquoi «BlackLivesMatter » est scandé : parce qu’il faut mettre un terme à un paradigme raciste qui a placé "Noir" dans un état de négation d’humanité.
Si j’ai oublié d’éclaircir certains points dites! 12/14

Le but du thread étant donc ici d’exposer comment toute «savoir», ou tour «discours» est politiquement et historiquement situé, comme le discours raciste a été produit massivement à des épisodes précis pour justifier l’exploitation des masses non européennes pour le profit. 13/14

SOURCES :
Fanon, Peaux Noires Masques Blancs
Fanon, Les Damnés de la Terre
Foucault, Les Mots et les Choses
Saïd, Orientalisme : l’Orient Créé Par l’Occident
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