Voilà un fil que j'ai longtemps hésité à écrire.

5 Août 2019, il y a près d'un an. Ce jour là naissait notre petit Adrien. 🔽
❗️ Petite mise en garde ❗️

Ce thread risque d'être difficile à lire, si vous êtes plutôt de nature sensible ne le lisez pas.
Eté dernier.

Cette grossesse se déroulait bien jusqu'à la deuxième échographie.

Le 2 Août, un premier symptôme a conduit les médecins à décider de garder ma femme en observation.
Malgré cette mise en observation les médecins tiennent un discours rassurant.

La situation est préoccupante sans être alarmante, et la plupart des situations similaires se déroulent bien moyennant un suivi renforcé.
3 jours après, l'accouchement se déclenche de façon très rapide sans possibilité pour les médecins de l'empêcher.

Il dure à peine plus d'une demi heure.

Un an après on ignore encore ce qui l'a provoqué.
Notre fils naît donc après un peu plus de 24 semaines de grossesse.

Nous l'attendions fin Novembre, le voilà arrivé début Août.

Il pèse à peine 700g et est très grand prématuré.
A ce moment là, nous sommes déjà sans le savoir dans une sorte de zone grise.

A 25 semaines, la décision par défaut est de réanimer l'enfant.

Entre 23 et 25 semaines, c'est du cas par cas.
Nous voilà donc entrés dans un service de réanimation néonatale.

Et s'il y a bien un truc qu'on ne s'attend pas à côtoyer en tant que jeune parent, c'est ça. On entre dans un autre monde et c'est brutal.
Ces premiers instants ont été très difficiles pour ma femme.
Adrien était dans un service dédié, ma femme était dans un autre service post accouchement.

Elle côtoie des femmes avec leur bébé pendant que le sien est amené en couveuse. Elle ne pourra le voir que le lendemain.
La question annexe de l'annonce s'est posée. L'annoncer? Ne pas l'annoncer?

A ce moment là, seule la famille proche était au courant. Pour tous les autres, on a continué à faire comme si.
On envoie la petite en urgence chez ses grands parents.
Après quelques heures, les premières nouvelles sont bonnes du côté de la réanimation.

Adrien se porte bien compte tenu du contexte.
Mentalement on se prépare alors à passer plusieurs mois entre la maison et l'hôpital.

Toute une organisation commence à se chambouler dans ma tête pour y passer le plus de temps possible quitte à installer un couchage sur place.
Malgré la situation, on arrive à sourire à ce moment là en pensant à la sortie de l'hôpital à la fin de l'année et à l'histoire que ça ferait à raconter plus tard.
7 Août.

Il y a une phrase qu'on redoute plus que les autres dans ces situations. Celle du médecin qui dit "il faut qu'on parle".

Et ce matin là, il avait à dire.
Dans la nuit, Adrien avait fait une hémorragie cérébrale.

Plutôt "habituel" dans ces situations de prématurité là.
D'après le médecin, ça peut être grave ou pas grave, il faut suivre l'évolution.

On en reste sur ce "ça peut être grave ou pas grave".
Le soir même, je parcours 4 thèses sur le sujet.
Ces hémorragies sont classées en 4 stades.
Le stade 1 peut être bénin (pas toujours), le 4 est quasi tout le temps associé à un handicap lourd (pas toujours).
On était déjà dans le flou mais c'est là qu'on est entré vraiment dans l'inconnu.

Les perspectives possibles pour notre gamin allaient de "ça peut aller" à "ça va être un truc infect à gérer" et on n'avait rien pour répondre à "vers quoi on se dirige probablement?".
Et tout ça, alors qu'une semaine plus tôt tout allait bien, on s'apprêtait à partir en vacances. C'est hyper violent à vivre.
Plusieurs jours passent.
Les informations ne viennent pas.
C'est long. Putain, c'est vraiment long.
Mais on garde espoir, même si on ne peut absolument rien faire.
Ces jours là ont été les plus éprouvants de notre vie.

Nous passons tout notre temps à l'hôpital, pêchons la moindre information.
Ma femme se montre très forte.
Je perd l’appétit. En 10 jours je perdrai 8 kg.
Au bout de quelques jours on nous annonce un stade 3, qui peut encore évoluer.

Je ressors les thèses, cherche un espoir auquel on peut s'accrocher.

La possibilité que ça se passe bien s'éloigne mais n'est pas exlue. On s'accroche à ça.
C'est un peu plus tard que les médecins ont commencé à nous parler de décision éthique.
Ils nous demandent d'y réfléchir.
On nous affiche désormais un pronostic de handicap lourd certain car l'hémorragie est désormais en stade 4 dont ils voient déjà les symptômes.
Pour quelqu'un de rationnel, c'est une décision impossible à prendre.

Comment poser le problème? Quel critère de décision retenir? Le petit, handicapé ou non, tu l'aimes pareil.
Des amis et la famille font le déplacement (parfois près de 1000 km) pour nous soutenir, ça nous a vraiment aidé.
Je pars à la pêche aux informations, y compris sur Twitter.

C'est d'ailleurs là que je trouverai les meilleurs conseils avec un oeil indépendant (poke @zeclint, merci sincèrement).
La décision est prise de le laisser partir.

Cela se produira 2 semaines après sa naissance et je n'en parlerai pas ici. Ce qu'il s'est passé ce jour là restera entre ma femme et moi.
Tout ce que j'en dirai tiendra en ceci : ma femme a été impressionnante.

Sur les moments les plus durs elle a été de loin la plus forte; la contrepartie a été qu'à plus long terme elle a eu plus de difficulté à accuser le coup.
L'après a été difficile à aborder.

Au début, le moindre appui a été bon à prendre.
Quand tu te prends ça dans la tête même le message sympathique d'un inconnu est bon à entendre.
Même si je comprends que d'autres préfèrent être plus réservés. Il y a autant de façon d'encaisser ce genre de choses que de personnes sur terre.

Gardez ça à l'esprit avant de reprocher à quelqu'un de s'étaler trop ou pas assez.
Aujourd'hui, près d'un an après, je pense qu'on a accusé le coup.

On a repris le cours de nos vies, recommencé à rire, profiter, etc. mais on sait aussi que cette blessure là ne se fermera jamais réellement.
Typiquement, c'est particulièrement désagréable quand ma fille de 5 ans parle de son petit frère décédé, avec l'innocence qui est la sienne.

Elle réalisera sûrement plus tard, mais avec le recul il est mieux pour elle que ça se soit passé pendant son jeune âge.
Alors pourquoi je dis tout ça maintenant?

Comme la première fois en août dernier, parce que même maintenant toute autre façon de voir les choses ou angle d'approche peut être bénéfique.
Dans le flux des commentaires, il y en a toujours quelques uns qui permettent de tilter quelque chose à quoi on n'avait pas pensé.
Je me doute bien que dans le lot il s'en trouvera quelques uns pour donner des leçons façon "ça se dit pas" voire carrément comme la première fois, pour s'en réjouir.

Mais rien à faire, ce n'est pas à ceux là que je m'adresse, ils ne m'atteindront pas avec ça.
Comme dirait l'autre: quand tu perds, ne perds pas la leçon.

La principale leçon que je retiens de cette perte là c'est qu'une grande part de notre résilience ne tient qu'à notre entourage.
Si votre couple/votre entourage est solide; alors rien ne peut vous démonter.

Ne partez pas du principe que vous pouvez tout encaisser tout seul, c'est faux dans certains cas même si vous ne le réalisez pas.
15 jours, c'est le temps qu'il a suffit pour passer d'un "on part en vacances avec ma femme enceinte et ma fille" à "il va falloir euthanasier ton propre gamin".

C'est brutal, vraiment, et pas dans le sens normal des choses. Je souhaiterais pas ça à mon pire ennemi.
Une situation, ça peut dériver très vite sans aucune possibilité de contrôle (c'est surtout cette absence de contrôle qui est frustrante).

Devoir lâcher prise est un exercice impossible à faire seul dans ces situations là.
Pour ce que ça vaut, et si ça peut alimenter la réflexion (déjà pas simple) de médecins : je sais qu'un médecin ne peut s'avancer que s'il est certain de son diagnostic.

En tout cas, ça nous a été présenté ainsi.
Et on ne leur en veut pas, ils ont vraiment fait de leur mieux. Le reste du personnel soignant a lui aussi été très bien.
D'un autre côté je pense que j'aurais préféré un discours plus tôt quitte à ce qu'on ne puisse que dire "on va probablement vers ça" et pas "on est sûr de ça"
A minima pouvoir estimer ou on mettait probablement les pieds, plutôt que d'être dans le flou jusqu'à quasiment la fin ou là on était sûrs.
Quelque chose du genre : "on est là. A 80% de chances on se dirige vers ça".
Tout ça m'a aussi pas mal fait réfléchir sur le fait d'être parent, et notamment sur l'exemple qu'on doit nous même être par rapport à nos enfants.

Petite pause, je complète ce fil un peu plus tard.
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