#Quizameliorationdesplantes

N°6

Resynthèse d’espèces ??

Après 60 ans de travail, une nouvelle espèce a été créée dans les années 40 :
le triticale (hybride blé × seigle)
Bravo, la majorité a répondu correctement mais c'est beaucoup moins trivial qu'il n'y paraît alors on s'accroche ...
c'est bien velu mais on va utiliser des chaussettes pour comprendre tout ça …. oui oui Warning : les concepts sont ici simplifiés pour la compréhension de chacun et il va sans dire que comme d’habitude … c’est plus complexe qu’il n’y parait !
Tout d'abord pour comprendre au mieux cette "resynthèse d'espèce", il faut revenir sur cet exemple : le triticale
C’est un hybride blé x seigle qui a été obtenu pour la première fois en 1876 par Wilson.
Mais…il observe une stérilité dès la première génération ce qui bien entendu
était un obstacle à son utilisation agronomique (on cherche à produire du grain, résultat de la fécondation des gamètes, stérilité = pas de gamètes = pas de grains). Il est important ici de comprendre les causes de cette stérilité … liée la grande majorité du temps chez les
hybrides à une défaut de formation des gamètes ! Pour rappel, les gamètes sont les cellules reproductrices qui sont produites par une division cellulaire spécifique : la méiose. Sans rentrer dans les détails, on va se focaliser sur ce qui nous importe dans notre cas.
Une des fonctions de la méiose est de réduire la ploïdie (pas de panique on va y aller doucement). En effet pour tous les organismes qui obtiennent une descendance par reproduction sexuée, la formation des gamètes est une étape qui divise par 2 le stock de chromosome … stock qui
va être reconstitué lors de la fécondation ! Prenons un exemple que tout le monde va comprendre : chez l’homme nous possédons 23 paires de chromosomes (46 au total) : 23 chromosomes venant d’un gamète du père et 23 chromosomes venant d’un gamète de la mère.
Un des processus essentiels de la méiose c’est de séparer de façon équitable ce stock chromosomique, pour ce faire les chromosomes se « reconnaissent » aboutissant à la formation de paires. Ces paires sont alors séparées de façon équitable pour assurer la bonne réduction
de la ploïdie. Pour essayer de prendre une image, imaginons vous avez 5 paires de chaussettes de couleurs différentes et vous devez les séparer de façon à avoir 2 tas où chaque couleur est représentée, le meilleur moyen de le faire est de reconstituer les 5 paires pour
ensuite les séparer en 2 tas homogènes (contenant chacun 5 chaussettes … vous avez bien réduit le nombre de chaussettes de 10 à 5).
Et le triticale dans tout ça ??? Et bien comme pour les chaussettes, les chromosomes qui se rassemblent par paires doivent
1- être en quantité égales (sinon pas de paires merci Lapalisse)
2- se ressembler suffisamment (chaussettes de la même couleur) …
dès qu’on s’éloigne de cette situation, les gamètes ne seront pas formés de façon à retrouver le stock chromosomique de départ lors de la fécondation. D’où la stérilité des premiers hybrides !!! exemple avec les chaussettes
Mais il faudra attendre les années 1930 pour qu’on étudie les rares variétés fertiles et se rendre compte qu’elles ont la totalité des chromosomes de chacun des parents (contre la moitié pour les variétés stériles). Mais ce n’est qu’une amorce, en effet même si ces variétés
sont fertiles, vu qu’elles résultent d’événements extrêmement rares, la base de la diversité génétique de ces variétés est beaucoup trop étroite et ne reflète absolument pas la diversité des espèces parentales (blé et orge) ! Mais (oui il y a toujours des « mais »), en 1937 est
découver tun alcaloïde issu de la colchique : la colchicine. Cette molécule a la capacité de provoquer artificiellement le doublement du stock de chromosomes.

Exemple avec les chaussettes
A partir de ce moment, il a été donc possible de doubler le stock chromosomique de chaque hybride obtenu quels que soient les parents, rendant ces hybrides fertiles. Ceci a permis d’accroître ainsi la diversité génétique du triticale et des travaux de sélection classique ont été
menés pour en faire une véritable nouvelle espèce agronomique. Ok mais alors la réponse à notre question ? Est-il possible de conduire une resynthèse d’espèces ? Cette longue introduction était nécessaire pour comprendre la réponse à la question.
En effet quand on regarde les structures des génomes de certaines espèces ainsi que leur généalogie ancestrale, on se rend compte que ces événements naturels de doublement chromosomiques sont retrouvés dans de nombreux cas et peuvent être reconstitués,
mais … pourquoi me diriez-vous ? Comme pour le triticale, encore et toujours, c'est une source de nouvelle variabilité génétique !! Je vais donc vous en donner 2 exemples :
1-Re synthèse du colza : Le colza (génome AACC) est une espèce issue de l’hybridation de la navette (Brassica campestris - génome AA) et du chou (Brassica oleracea- génome CC), il fait partie du « triangle de U » qui schématise les relations entre qq espèces du genre Brassica.
Ainsi le colza peut être « recrée » par hybridation entre le chou et la navette…
hybride (génome AC) qui est stérile (si vous ne savez pas pourquoi remontez le fil et pensez aux paires de chaussettes) mais le doublement chromosomique conduit à restaurer la fertilité pour obtenir
un colza « resynthétisé ». Cette méthode permet de récupérer une variabilité génétique qui peut avoir été perdue lors de la sélection naturelle du colza depuis ses ancêtres.
On a pu obtenir ainsi des colzas produisant des graines avec une faible teneur en acide linolénique (huile utilisable en friture), caractère que l’on n’aurait pas pu obtenir à partir du colza « naturel »
2-
Re-synthèse du blé tendre : Le blé tendre (Triticum aestivum - génome AABBDD) est une espèce issue de l’hybridation de 3 espèces proches de Triticum urartu (génome AA), Aegilops speltoides (génome BB) et Triticum tauschii (génome DD). De nombreuses espèces de blé apparentés
au blé dur (Triticum turgidum subsp. durum) possèdent un génome de type AABB et peuvent donc être utilisés comme parents d’un hybride avec Triticum tauschii (génome DD). L’hybride ainsi obtenu (génome ABD) est stérile et le doublement chromosomique permet
d’obtenir un blé tendre « resynthétisé » (AABBDD). Cette reconstitution a permis d’introduire chez le blé tendre des gènes de résistances aux maladies et des gènes de qualité meunière.
Ainsi on peut trouver que 20% des lignées de blé du Centre international d'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) font intervenir des blé resynthétisés.
Il est aussi possible de citer le coton et le café qui ont pu bénéficier de ce genre de resynthèse ... avec toujours le même but : augmenter la diversité génétique !
Voila c’est tout pour cette fois (j’espère ne pas vous avoir perdu en chemin)

Fin du fil
Sources

Histoire de la génétique et de l’amélioration des plantes - André Gallais - Editions Quae 2018
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