Pour la journée internationale de l’hygiène menstruelle, je vous propose un petit fil historique sur les règles!

1)Longtemps (et encore de nos jours dans certains pays), les règles ont été perçues sous l’angle du pathologique et non du physiologique, nourrissant nombre de tabous, dégoûts, préjugés et superstitions

2)C’était en cela tout à la fois un bon révélateur et un observatoire de l’image négative qu’on avait - ou qu’on a - des femmes, des inégalités femmes/hommes

3)Et le fait qu’il ait fallu attendre le 19e siècle pour que les médecins comprennent le fonctionnement de l’ovulation et donc le rôle des règles explique nombre de ses superstitions.

4)Avant cela les médecins, des hommes, qui tout à la fois n’y comprenaient rien mais en plus jouaient le rôle de gardiens du genre, s’employaient plus à démontrer les superstitions populaires qu’à les infirmer

5)En gros, s’agissant des règles, ça n’allait jamais ! une femme réglée : beurk, danger. Une femme sans règles, horreur malheur !

6)Généralement on a longtemps dit que les règles étaient le moyen d’évacuer un trop plein de sang, et de sang vicié. C’est la théorie des humeurs (Hippocrate). Résultat, avoir ses règles était un signe d’équilibre

7)Qui plus est, sans savoir pourquoi, on avait bien fait le lien entre règle et fertilité, femme réglée =femme fertile, ce qui était bien connoté

8)Oui mais…. Résultat… une femme réglée c’est une femme qui n’est pas enceinte… et comme on pensait que c’était du sang vicié, donc nocif qui s’écoulait… ben c’était crade et impur…

9)« Aux approches d’une femme dans cet état, les liqueurs s’aigrissent, les grains qu’elle touche perdent leur fécondité, les essaims d’abeilles meurent, le cuivre et le fer rouillent sur-le-champ et prennent une odeur repoussante […] »Pline l’Ancien

10) alors vous direz, oui mais bon, c’est sous l’Antiquité ! sauf que ces croyances ont perduré longtemps et perdurent parfois encore… On a longtemps dit que les femmes réglées faisaient tourner la mayonnaise, louper les salaisons

11)jusqu’à la fin du 19e sc, dans le Nord de la France, ce sont les raffineries de sucre que l’on interdit aux femmes au moment de l’ébullition et du refroidissement du sucre, « car s’il s’en était trouvé une parmi elles ayant ses règles, le précieux produit aurait noirci »

12)Il arrivait aussi a contrario que l’on utilisa sciemment les propriétés néfastes de la femme réglée pour entreprendre une action de destruction à grande échelle : contre les chenilles (Anjou) ou les sauterelles (Morvan)

13)les relations sexuelles au moment de la menstruation étaient interdites. Censé avoir été conçu durant les règles de sa mère, l’enfant roux subit l’opprobre lié à la transgression de l’interdit du coït menstruel

14)Avoir ses ragnana reste une expression désagréable balancée à la tête des femmes dès qu’on les trouve désagréables – entendez souvent, quand elles sont juste en désaccord avec le locuteur.

15) Mais comme je le disais, l’absence de règles inquiète aussi. La femme ne serait pas fertile… Aussi s’inquiète-t-on des pubertés tardive ou des aménorrhées

16)En 1835, par exemple, dans son dictionnaire de médecine pratique, Martin-Solon recommande de substituer et de hâter l’apparition des règles par la pose de sangsues à la vulve et à l’anus. Si les symptômes persistent, la saignée traditionnelle s’impose alors

17)
Bon, la ménopause vous renvoyait dans la case « bonne pour la casse » donc de toute façon… Ca n’a que peu changé notez…

18)reste la grossesse… comment faire coïncider les représentations négatives sur les règles (évacuation du mauvais sang) et positives sur la grossesse… ben c’était pas très cohérent mais on pensait que le sang se purifiait en devenant… du lait (on parlait de « sang blanchi)!

19)ce qui n’était qu’impureté et menace devenait avec la grossesse et l’enfantement, source de vie. Et les femmes d’être ramenées vers leur rôle éternel.
moman!

20)
En revanche, les femmes qui allaitaient et qui avaient leur règles… ouh la la !!!! il y avait moulte superstitions et inquiétudes sur le « lait menstruel » sensé rendre les enfants grognons rachitiques, malades

21)En attendant, on ne se préoccupait guère du confort des femmes pdt les règles. Les protections étaient quasi inexistantes, on laissait couler le sang. Ce alors que sous l’antiquité il y a avait eu des formes de serviette ou de tampons

22) Mais ils disparaissent ensuite, les tampons car l’Eglise ne pouvait envisager qu’on mette une protection dans le vagin (ououou le stupre n’est pas loin !), les serviettes car on pensait qu’il ne fallait pas empêcher le mauvais sang de couler

23)bon heureusement ça s’arrange un peu au 19e sc avec la découverte du phénomène de l’ovulation et surtout en 1924, avec la découverte majeure du gynécologue japonais K.Ogino, qui précise la date d’ovulation entre le 12ème et 16ème jour après le début des règles.

les protections s’améliorent aussi progressivement, du moins en terme de confort, même si on a longtemps cru qu’un tampon pouvait faire perdre sa virginité…

25)reste qu’on se préoccupait peu de la qualité de ses protections, or vous devez savoir qu’on a découvert la toxicité de nombreux tampons et serviettes (avec des pesticides !)

26)et que les pubs persistent encore parfois à verser un liquide bleu et non rouge sur les serviettes hygiéniques dont elles vantent le pouvoir d’absorption !

(noir
blanc
bleu
le sang des règles a eu toutes les couleurs dans les imaginaires et représentations!
mais pas rouge!)

27)ajoutez à ça le prix de ces protections (assujettis en France jusqu’à 2016 à une TVA de 20%).

28)Les combats féministes ont d’abord visé à briser le tabou des règles, à assumer d’en parler publiquement. Depuis les années 1970, et surtout depuis une décennie, les féministes n’ont cessé de batailler

29)Bon même si il faut noter qu'avant les 1970ies, la grande Madeleine Pelletier y allait franco de port ! voici ce qu’elle écrivait par ex (cité dans l’ABCDaire de Madeleine Pelletier, dans @RevueBallast )

30)L’emblématique journal féministe des années 1970, le Torchon brûle, édité par le MLF et qui connaît six numéro entre mai 1971 et juin 1973, était présenté comme « journal menstruel », allusion évidente aux règles et indication d’une parution irrégulière.

31)Ce sont les associations féministes qui en 2016 font plier le secrétaire d’Etat au budget pour abaisser la taxe tampon de 20% à 5,5%, et qui aujourd’hui réclament 2,1 %.

32)Elles qui se battent pour l’accès gratuit aux protections périodiques pour les femmes incarcérées, sans domicile fixe, en situation de précarité, pour des distributeurs dans les lycées et les lieux publics

33) Mais aussi pour une sensibilisation sur le caractère normal des règles dès le plus jeune âge, pour la transparence sur la composition des tampons et serviettes, pour plus de recherche et d’information sur les infections et les maladies liées aux règles.

34)La coupe menstruelle est défendue comme alternative écologique, économique et moins toxique que les tampons et serviette, devenant bientôt un des symboles du féminisme contemporain.

35)La question de la douleur est aussi portée par les femmes en lutte. L’endométriose est une maladie dont souffrent 180 millions de femmes (2 à 4 millions en France) et qui occasionne des douleurs sévères, parfois invalidantes, et peut causer la stérilité

36)Elle a été découverte en 1860. Mais on ne peut pas dire que cela ait suscité de plus amples recherches par la suite. on disait des femmes qu’elles étaient douillettes, qu’il fallait serrer les dents…

37)Les associations féministes lancent le combat à la fin des années 2010, appelant à développer la recherche, les essais cliniques, le dépistage et la communication

38)Mais les règles de sont pas seulement un objet des luttes féministes, elles en deviennent un symbole. La peinture rouge est souvent utilisée durant des actions ou manifestations.

39)Elle porte en elle une double signification : le sang représente la violence patriarcale dont sont victimes les femmes, mais également les règles.

30)sur les questions historiques je vous renvoie à ces deux livres d' @EliseThiebaut