À l'occasion de sa parution numérique dans les prochains jours aux @PUSeptentrion (il faudra attendre la rentrée pour la version brochée), voici un petit fil de présentation de mon ouvrage sur les meetings électoraux. #Compol ⤵️ #Compol
http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100588330
À l’heure où les réunions publiques ne sont plus qu’un souvenir de notre vie démocratique troublée par les effets d’une crise sanitaire, il peut sembler étrange de s’interroger sur cette catégorie de rassemblements que sont les meetings électoraux.
Pourtant, le meeting est le produit des luttes républicaines pour la défense des libertés (réunion, association). Son succès en France comme dispositif stratégique de campagne éclaire un aspect de notre culture politique : l’appétence pour les manifestations collectives.
Ce qui frappe d’emblée, c’est le contraste entre le surinvestissement régulier des candidats dans le dispositif du meeting électoral et le relatif sous-investissement de la recherche académique sur cet objet interdisciplinaire.
Publié en 2010, le remarque ouvrage de Paula Cossart sur la réunion électorale sous la IIIe république est la première étude à ériger le meeting comme un véritable objet de recherche en lui restituant son épaisseur historique.
Paula Cossart retrace notamment l’importante mutation de la réunion politique dans l’entre-deux-guerres, quand le meeting politique a cessé d’être l’outil du contradictoire au service d’un idéal républicain pour devenir l’instrument des formations partisanes émergentes.
Menées au niveau local, régional ou dans d’autres cadres nationaux, d’autres recherches précieuses ont en commun de reposer sur un parti pris résolument ethnographique mais dont il est parfois difficile de tirer des enseignements généraux.
Je n’oublie pas les approches discursives, concentrées sur les candidats plus que le dispositif, qui montrent comment les discours, outil de légitimation politique, « se conforment à des attendus discursifs tacites tout en répondant aux impératifs de renouvellement de messages ».
Après un premier suivi en 2012, j’ai à mon tour approfondi ce terrain d’observation en 2017 pour comprendre comment cet outil incontournable d’un « faire campagne » contribue à la stature présidentielle et fonctionne comme espace de socialisation entre différentes instances.
Cette recherche n’est pas une chronique de la campagne 2017. Disons que l’élection de 2017 a offert un contexte privilégié pour observer les pratiques concrètes de la mobilisation, affiner notre compréhension des mœurs électorales à partir de l’objet meeting.
Du 29 janvier au 7 mai 2017, j’ai sillonné le territoire au rythme de l’agenda de campagne des candidats, munie d’accréditations presse. Avec mes collègues @pierrelefebure, @aborrell_compol, @pmansier, j’ai observé 26 meetings des principaux prétendants à la fonction.
À cet ensemble de données ethnographiques qui éclairent l’environnement des meetings s’ajoutent des entretiens avec des journalistes, l’analyse d’un corpus presse et l’exploitation des archives de la CNCCFP sur les comptes de campagne des cinq principaux candidats.
L’ouvrage issu de cette enquête cherche donc à restituer la matière vivante saisie durant l’observation, à mettre à jour comment, au-delà de la singularité du partage d’émotions propre à chaque rassemblement, les meetings électoraux obéissent à des phénomènes structurants.
L’observation permet de comprendre en effet dans quelles mesures ils reposent en partie sur la reproduction ou la rupture avec des modèles préétablis et des logiques instituées (cultures politiques, stratégies de communication, écosystème médiatique, pratiques journalistiques).
La première partie vise à dégager les enjeux stratégiques du meeting et ses usages formels par les candidats. On proposera dans un premier chapitre une typologie des fonctions de l’objet meeting dépassant largement le cas de la présidentielle de 2017.
Meeting de rassemblement, de conquête, de combat, de crise, de lancement de campagne, meeting symbolique, de proximité… : le meeting remplit des fonctions diverses, parfois cumulatives.
Pour autant, les effets attendus de ces choix stratégiques ne sont pas toujours au rendez-vous et la fonction initialement prévue d’un meeting peut se voir contrariée par la réalité de la campagne, soumise à l’épreuve des faits (ici meeting « de crise » du Trocadéro de Fillon).
Dans ce chapitre, on analyse également la façon dont les candidats utilisent et déploient cet outil pour faire campagne sur plusieurs mois, en jouant des contraintes territoriales, économiques, institutionnelles, médiatiques ou calendaires de l’élection.
L’analyse des comptes de campagne – archive compliquée à ordonner et analyser – montre un usage contrasté selon les candidats et une difficulté des équipes à évaluer les budgets selon le type de mobilisation (ici j’ai calculé le ratio coût / personne de certains meetings).
Examinant le dispositif du meeting à partir de ses éléments scénographiques, matériels et symboliques, le deuxième chapitre interroge la façon dont la réunion politique a surtout changé dans ses formes et demeure un lieu d’innovations.
Scénographie et attributs visuels et sonores du meeting, mobilisation et rôle des symboles, innovation et moyens de production : comment la formalisation matérielle et symbolique traduit l’existence ou le rejet des cultures partisanes ?
Le dispositif apparaît non seulement comme l’expression des choix stratégiques des candidats soucieux d’accroître leur visibilité mais, par l’emprunt ou la mise à distance de marqueurs symboliques, il porte également la trace des identités, mémoires et cultures partisanes.
Dans la deuxième partie consacrée aux acteurs du meeting, on examine les différents groupes sociaux enrôlés dans le dispositif, à la fois distincts et interconnectés dans l’espace-temps du rassemblement.
D’abord la figure centrale du candidat, dont la performance politique n’est pas réductible au discours. Comme la figure présidentielle (Mariot), le présidentiable se construit en partie en s’effaçant symboliquement, existant aussi dans les interstices de ses apparitions.
Le travail d’observation consiste alors à repérer et décrire comment ce jeu de présence-absence joue un rôle dans la dramaturgie du meeting et l’établissement de la relation située entre le candidat, au cœur du dispositif, et son public.
Le discours de meeting, pour sa part, possède des attributs spécifiques liés à son statut et son contexte de publicisation. On en repère quatre dimensions : argumentative, énonciative, médiatique et performative.
La réflexion se poursuit sur le rôle des entourages, politiques ou non. Les meetings ne donnent pas simplement à voir les atouts personnels du candidat mais visent à le montrer en leader d’une famille politique, en chef entouré par ses proches et soutenu par sa base partisane.
Alliés politiques, porte-parole, conjoint.e, militants : le meeting est un espace habité où se construisent, se négocient et s’exposent les positions hiérarchiques et symboliques du petit monde qui gravite autour du candidat.
L’avant-dernier chapitre s’intéresse aux comportements et à l’expressivité des publics, au cœur de la réussite de la mobilisation. Les émotions occupent une place importante dans les meetings électoraux, a fortiori plus forte raison présidentiels.
Par la mise en relation de différentes catégories d’acteurs (politiques, journalistiques, militants) travaillés par leurs propres règles, pratiques, normes et sensibilités, le meeting est un lieu d’échange, d’interactions voire de rapports de force entre différents groupes.
Comportements d’adhésion (applaudissements, cris, chants), négatifs (sifflets, huées) mais aussi de recueillements (prière, silence), de gêne ou d’ennui : le meeting se donne à voir comme un processus de monstration d’émotions pour partie recherchées et pour partie contingentes.
Si le meeting est conçu pour servir les intérêts d’un candidat dans une logique de persuasion émotionnelle, les équipes de campagne ne maîtrisent en réalité ni la production, ni la circulation, ni l’appropriation de ces émotions par les différentes catégories d’acteurs.
Nous avons ainsi pu identifier la mécanique des « deuxièmes publics », c’est-à-dire les publics situés hors de l’enceinte principale, qui suivent le discours par le truchement d’un écran et ne sont donc en contact direct ni avec l’orateur ni avec le reste du public.
Dans quelle mesure cette « externalité » produit-elle une rupture ou au contraire favorise-t-elle les réactions aux stimuli du candidat et le partage des émotions ? Là où cette configuration était observable (Macron et Mélenchon), les résultats sont différents.
Si une configuration analogue produit deux résultats différents, c’est donc que la personnalité du candidat et sa capacité à stimuler des émotions ainsi que la nature même du public qui le suit par écran interposé sont des éléments déterminants au-delà du seul dispositif.
Le meeting se présente aussi comme un espace de socialisation familial où les enfants, entourés de leurs parents, partagent avant tout bon gré mal gré un enthousiasme enraciné dans le foyer, mimant parfois l’entrain de leurs aînés, s’amusant avec les accessoires militants.
Quant à la pratique du selfie de meeting, acte de communication profondément social qui signe l’appartenance à un groupe, je l’observe de meetings en meetings comme étant commune au-delà des identités partisanes.
Le dernier chapitre envisage le meeting à travers ses enjeux médiatiques. Ni communiants, ni communicants, les journalistes sont pris dans un jeu de reconnaissance symbolique où l’accréditation apparaît comme le sésame de cet espace-frontière.
Cordon symbolique qui reconnaît une identité professionnelle, l’accréditation est une protection qui autorise l’accrédité.e à ne pas se comporter selon le même référentiel de normes que le public.
Ici, les « carrés presse », séparés ou mêlés aux publics.
Mais c’est aussi une exposition à l’égard de ce public qui, à la vue du badge, peut être incité à exprimer contre un journaliste un (res)sentiment plus généralement éprouvé à l’égard des médias. Apparentée à la presse, j’ai parfois pu subir ce media bashing (insultes, menaces).
Quant aux sociabilités journalistiques repérables, elles sont de 2 types :
-les relationnelles, façonnées par les solidarités qui se tissent à l’épreuve du terrain.
-les professionnelles, liées au travail de production/diffusion d’information à destination du public.
Nous mesurons ici la façon dont les pratiques reposent sur des cadres préexistants qui structurent les échanges avant même qu’ils ne se produisent (sociabilités de travail, règles du off, attribution des légitimités par l’accréditation, appropriation des espaces symboliques).
Dans cette section, on trouvera également des résultats inédits sur une enquête de réception menée par l’équipe @LCP_lab. Une des séances de notre panel consacrée à l’expérience téléspectatorielle visait à comprendre dans quelle mesure le meeting est une scène à multiples arènes.
La télévision n’est pas seulement une extension quantitative de l’audience des meetings : elle fonctionne comme une autre assemblée simultanée, composée d’un public qui n’est pas soumis à l’injonction de vivre l’événement comme un moment de communion.
En mettant à jour toute une gamme de comportements, on comprend que ce public téléspectatoriel du meeting fonctionne et réagit avec ses propres raisonnements, entre mise à distance critique et séduction.
Je termine sur le rôle du matériau photographique collecté, que j’ai voulu intégrer dans cet ouvrage (et ce thread) : si mes photos jalonnent l’écriture, c’est bien parce que l’image atteste et donne accès à une réalité du terrain. Et au-delà, à nos imaginaires collectifs.
Il resterait à apporter un peu de profondeur historique à cet objet, l’observer au moins sous la Ve République pour comprendre comment le meeting s’est transformé sous le coup des mutations politiques, institutionnelles et médiatiques…
Mais bon, on va s’arrêter là pour l’instant... 😉
You can follow @clairesecail.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled: