@kevin_arnoux a décrit dans le thread ci-dessous les coûts de production du parc nucléaire français.

Je vous propose maintenant une comparaison avec les États-Unis, pour vous donner une idée des (modestes) performances françaises. https://twitter.com/kevin_arnoux/status/1265006367833759744?s=19
Tout d'abord, les chiffres américains sont en dollars et les français en euros. Comme le taux de change est relativement stable depuis deux ans, je vous propose de prendre un facteur 1,10 pour la conversion (un peu bas pour 2018 mais bon).
Pour avoir une comparaison honnête (vous allez voir les compositions respectives), on enlève le loyer économique du coût français.
On a donc au total :

France : 42€/MWh (CdC 2014, ça ne s'est pas arrangé depuis)

US : 30,5 $/MWh soit 28 €/MWh (NEI 2020)
Une différence notable de 33% (un tiers) sur le coût total, ce n'est pas anodin.
Regardons la composition pour le parc français (repris du thread susmentionné) :
Et pour le parc américain (NEI 2019) :
Parc qui a produit 807 TWh en 2018.
Bon on voit bien que les catégories recouvrent pas exactement les mêmes choses, on va donc aller chercher dans les sous-catégories. Ici les dépenses d'exploitation françaises :
Déjà on peut voir (et c'est logique vu que c'est un marché global) que le coût du combustible est quasiment le même à l'arrondi près : 6€/MWh côté français, 6$/MWh côté US.
Donc les dépenses d'exploitation hors combustible sont de 18€/MWh pour la France. Ici les dépenses d'exploitation américaines. Les sous-catégories ne se recoupent pas forcément et la gestion du combustible est prise en compte.
Pour les dépenses de capital françaises :
Et US. Là aussi pas le même découpage.
Les fonds de démantèlement sont pris en compte.
Donc hors combustible :
- 26$/MWh soit 24€/MWh aux US
- 36€/MWh en France.

Une remarque :
- La gestion du combustible usé ne coûte quasiment rien aux US, contrairement aux 4€/MWh en France, liés au retraitement.
Il reste tout de même 8€/MWh de différence.

Qui s'expliquent principalement par la production anémique du parc français.

En effet, ce dernier a un facteur de charge de 68,5% en 2019 quand son équivalent américain tourne à 93,5%.
Ainsi les coûts américains hors combustible et retraitement seraient 25% plus faible car la production serait 25% plus élevé par MWe installé. Ce qui semble logique vu que le nucléaire hors combustible et retraitement, ce sont presque uniquement des charges fixes.
L'honneur est-il sauvé ? Pas si vite.
Si le facteur de charge français est si bas, c'est pas parce que l'on n'utilise pas la capacité disponible : le facteur de disponibilité est en effet de 71%, guère plus que le facteur de charge.
En effet le parc français est sous-performant :
- les cycles de production sont de 12 ou 18 mois au lieu de 18 ou 24 mois.
- la capacité des réacteurs n'est jamais augmentée à posteriori. Contrairement à la plupart des réacteurs dans le monde. Aux US, c'est 8 GWe d'uprate.
- Les temps de rechargement et maintenance sont de 80 à 100 jours en moyenne en France contre 25 à 30 jours aux États-Unis.
- Au delà même des différences volontaires de gestion, la perte de capacité non planifiée est de 12% en France contre 1% aux États-Unis.
Les performances économiques sont donc catastrophiques en France (la disponibilité est la plus basse de l'OCDE hors Japon après la Belgique et la Corée).

Mais peut être est-ce pour des performances de sûreté améliorées ? Apparemment non.
Vu qu'il n'y a quasiment jamais d'incident grave ou d'accident nucléaires, le meilleur estimateur disponible est de comptabiliser les incidents peu graves, classés niveau 1 ou 2 sur l'échelle INES.

Si l'ASN les comptabilise tous ainsi, la NRC préfère son propre système.
La NRC publie la totalité des Licensee Event Reports (LER), qui couvrent les évènements INES 1 et 2 mais aussi quelques 0 (événements significatifs mais pas d'incident). Le nombre de LER est donc supérieur au nombre d'INES 1 et 2.
Voici les tendances sur les dernières années :
On voit bien que le parc américain est aujourd'hui au moins aussi sûr que le français selon cet indicateur (un des rares quantitatifs possibles).

La baisse des LER et des coûts US vous paraît impressionnante ?

Elle est dû à ... La dérégulation et à la compétition
En effet, pour rester pertinents, les exploitants américains, désavantagés d'ailleurs par rapport à EDF sur le coût du travail et le fait qu'ils n'exploitent pour la plupart qu'une ou deux centrales, ont dû gagner en compétitivité face au gaz et aux EnRI subventionnées.
Pour les LER, la NRC a entrepris un changement d'approche basée sur plus de latitude pour les exploitants accompagné d'un contrôle renforcé des éléments critiques à la sûreté et des incitations et des protections adaptées pour les lanceurs d'alerte.
L'exploitation française (EDF) doit regagner en compétitivité et réaliser des audits et des comparaisons internationales. Elle n'est clairement pas sur une bonne dynamique. L'ASN se doit de réévaluer sa philosophie et ses méthodes qui dégradent la sûreté.
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