[Thread personnel]
J’ai toujours peur de dire “je” ici mais allons-y.
Ce qui s’est passé dans mon moi de jeune femme catholique apprenant la candidature d’Anne Soupa à l’archevêché de Lyon :
J’ai toujours peur de dire “je” ici mais allons-y.
Ce qui s’est passé dans mon moi de jeune femme catholique apprenant la candidature d’Anne Soupa à l’archevêché de Lyon :

(Parce que les débats théologiques et doctrinaux sont nécessaires mais je crois que ça peut être intéressant aussi d’explorer ce qui se passe psychiquement dans le for intérieur d’une fidèle lambda.)
D’abord, l’incrédulité : nooooon elle l’a vraiment faiiiiiit ?
Puis, la joie : la même que le jour où j’ai découvert que des évêques femmes, parfois ouvertement lesbiennes, existaient dans d’autres pays. La même émotion que lors de mon premier culte protestant guidé par une pasteure. Il est difficile de décrire ce sentiment.
Peut-être se résume-t-il en une phrase : “ça pourrait être possible”. Ou : “moi, femme, je pourrais”. Peut-être est-ce le même sentiment qu'ont éprouvé nos aïeules devant la première candidature féminine à une élection, ou les premières revendications du suffrage universel…
L’espoir aussi, pour mon Eglise dont le collapse approche et semble inévitable si elle n’ose pas s’ouvrir un peu plus.
Puis, le désabusement, en me souvenant : “les femmes n’ont pas le droit”. Au mieux, cette candidature sera vue comme un nouvel élan donné au débat… Au pire... Je vous laisse lire les réactions détestables qui se pressent déjà.
Et soyons honnête, je reste formatée. Exemple : la voix de la conseillère d’orientation de mon lycée privé résonne encore en moi. Le test d’orientation professionnelle me destinait à la théologie. “Il vaut mieux que tu oublies il n’y a pas de débouchés pour les femmes là-dedans"
Puis, un sursaut d’espoir : cette candidature nous appelle. Que faire ? Lancer une pétition ? Ecrire à la CEF ? Tracter à la sortie des églises ? Coller notre soutien sur les parvis ? Aller manifester Place St Pierre ? Avec qui ?
Avec qui, car la jeunesse catholique féministe française, à mon sens, peine encore à se reconnaître et s’unir. Certaines d’entre vous auront sans doute des expériences différentes à partager.
Des collectifs naissent ici et là. Des tables rondes sont lancées par certaines paroisses et associations. Les synodes diocésains nous offrent des respirations démocratiques bienvenues. Mais personnellement, j’ai encore peur d'amorcer certains débats avec à mes coreligionnaires.
Aujourd’hui, je peux même dire que j’ai moins peur d’assumer ma foi dans un cercle athée anticlérical que d’assumer mon féminisme et ma bisexualité dans un cercle catholique même non "tradi" (et là je prie pour que mes parents n’aillent jamais voir mon compte Twitter).
Souvenirs douloureux d’animateurs d’aumôneries étudiantes jugeants et stigmatisants. Soirées “débats” quittées en pleurs, terriblement en colère contre mon Église, et parfois Dieu. Mémoire de la parole féminine non entendue.
Par voie de conséquence : le découragement reprend le dessus, avec ce sentiment persistant : la théologie féministe catholique est bien vivante mais la base peine à suivre. Nous avons oublié de n’être pas que des fidèles mais aussi des citoyen·nes de l’Eglise.
Nous avons oublié d’être une ekklesia démocratique qui ne fait pas que lire de la théologie et aller à la messe mais revendique aussi ses droits de fidèles-citoyen·nes sur le terrain. J’ose dire le terrain de la lutte.
Si bien que oui, la progression paritaire de notre Église ne nous semble pouvoir se faire que par la voix haute, institutionnelle, la voix des livres, des archevêchés et des candidatures...dans les pas du cléricalisme patriarcal.
La théologie et les candidatures ne suffiront pas. Femmes cathos de la base, la balle est dans notre camp. Voilà fin du thread et bonne journée.
(Et si vous avez des idées pour exprimer un soutien à @anne_soupa autrement que sur Twitter ou dans une énième pétition, ça m'intéresse.)