[THREAD] “Et c’est ainsi que s’achevait l’esprit de Gazâ dans les beylicats turkmènes de la Mer Égée...”
Plan du thread :
I) INTRODUCTION SUR LES TURCS EN ANATOLIE
II) L’ESPRIT DE GAZÂ (GUERRE SAINTE) DES TRIBUS TURKMÈNES D’ANATOLIE
III) LA FIN DE CET ESPRIT DE GAZÂ DANS LES BEYLICATS DE LA MER ÉGÉE
IV) LE COMMERCE AVEC L’EUROPE
V) SOURCES

Durée moyenne de lecture : 6min.
I) INTRODUCTION SUR LES TURCS EN ANATOLIE

Les Turcs s’étaient installés en Anatolie après deux vagues de migrations importantes. La première vague de migrations s’était déroulé après la victoire de Manzikert (1071) qui opposait les forces turques du sultan Alp Arslan à...
... l’Empire byzantin. Ces Turcs étaient venus depuis l’Azerbaïdjan (où ils étaient installés depuis les années 1020). La deuxième vague de migrations était survenue avec les invasions mongoles du XIIIème siècle, qui poussaient les tribus turkmènes vers l’Ouest.
Depuis, ces Turcs étaient alors installés en Anatolie, sous forme de beylicats (émirats) et sous la direction des Seldjoukides. L’Anatolie était devenue le lieu de concentration des Turcs. En effet, dans les débuts...
... du XIVème siècle, l’historien arabe Aḥmad Ibn-Yaḥyā Ibn-Faḍlallāh al-ʻUmarī mentionnait 200.000 tentes (de Turkmènes) à Denizli, 100.000 à Kastamonu et 30.000 à Kütahya. On peut d’ailleurs aussi retrouver ces populations Turkmènes dans les sources byzantines.
Toutefois, après la victoire des Mongols sur le sultanat seldjoukide de Roum (Köse Dağ, 26 juin 1243), ces beylicats avaient pris une certaine forme d'indépendance. Ils étaient alors dirigés, indépendamment, par des Beys (un titre turc désignant la personne qui exerçait...
... son pouvoir sur le beylicat, l’équivalent du “Seigneur” européen).

(Carte des beylicats d’Anatolie vers 1330)
II) L’ESPRIT DE GAZÂ (GUERRE SAINTE) DES TRIBUS TURKMÈNES D’ANATOLIE

L’idée de djihad, de guerre sainte dominait l’esprit de ces Turkmènes d’Anatolie à cause des croisades de l’Ouest et les invasions mongoles de l’Est. En effet, c’était devenu une question de survie chez...
... ces Turcs de la Petite Asie. La Gazâ (la Guerre Sainte de l’Islam) était donc très importante au sein de ces royaumes turcs. Un riche de Bursa nommé Hodja Ibrahim avait, par exemple, envoyé 20.000 akçe (pièces d’argent de l’Empire ottoman) ainsi que 20 cavaliers au...
... sultan Mehmet II le Conquérant, lors de ses batailles contre les Hongrois. Au XIIIème et XIVème siècle, une littérature turque (qui volait la place de la persane), qui expliquait l'Islam, le soufisme ainsi que les règles de la Gazâ, émergeait en Anatolie.
Des ouvrages tels que Dede Korkut et Dânichmendnâme formaient les références de cette littérature. Ces récits expliquaient les buts de la Gazâ ainsi que les caractéristiques d’un Gâzi (la personne qui combat au nom de l’Islam).
En effet, pour accomplir la guerre sainte, le Gâzi devait respecter quelques règles : il devait être sincère dans son combat, le Gâzi ne devait jamais oublier qu’il combattait au nom de l’Islam et ne devait donc jamais combattre dans le but de s’enrichir.
Pour être un Gâzi, il fallait être courageux, indomptable et confiant. Il était nécessaire d’être fort, agressif lors des combats, résistant et persistant. Enfin, il devait être patient, il devait savoir chercher les opportunités lors d’un affrontement et devait être fidèle...
... à ses compagnons de guerre. L’Empire ottoman était né, le 27 juillet 1302 (Bataille de Bapheus), avec cet esprit de guerre contre les “Mécréants”. Les Ottomans se considéraient comme l’épée de Dieu… D’ailleurs, cette pensée était aussi très présente chez les Byzantins qui...
... voyaient les Turcs comme une punition divine (d’après le Saint de cette époque Grégoire Palamas).

(Beylicat d’Osman eu début de son règne)
III) LA FIN DE CET ESPRIT DE GAZ DANS LES BEYLICATS DE LA MER ÉGÉE

Un des personnages les plus importants de cette politique de djihad contre les Européens est l’émir d’Aydin, Umur Bey (1330-1345). On sait, d’ailleurs, que le sultan ottoman Orhan s’était allié à...
... ce bey, en 1330, contre l’Empire byzantin. Umur Bey se battait contre les forces européennes en tant que bey de Smyrne (Izmir). Pour contrer ce Turc, les Occidentaux avaient signé un contrat de croisade, le 6 septembre 1332. Ces derniers avaient réussi à détruire plusieurs...
... navires turcs dans la Mer Egée et les forces de Yakhshî Bey (1334). Ainsi, le port de Smyrne avait été capturé par les Chrétiens, le 28 octobre 1348.
Pour récupérer la région, le bey aydinide (que nous avons cité précédemment) avait lancé une dernière offensive mais a été tué lors des combats, en Mai 1348. Le frère d’Umur, Hizir Bey, qui avait vu le sort de ce dernier, avait décidé d’abandonner cette politique de guerre...
... contre le christianisme. Il avait mis en place une politique favorisant le commerce avec cet ancien continent (Amân-nâme, 17 août 1348). Et c’est ainsi que s’achevait l’esprit de Gazâ dans les beylicats turkmènes de la Mer Égée.
IV) LE COMMERCE AVEC L’EUROPE

Suite à la défaite de ces émirats turcs face aux Croisés de l’Europe, les Guzât f’il-bahr (nom donné par l’historien arabe al-ʻUmarī aux beys qui combattaient au nom de l’Islam) avaient perdu leur fonction de Gazâ.
Ils avaient, par la suite, préféré une politique de paix et de commerce en abandonnant la guerre. Les Turcs Ottomans étaient devenus les chefs de cette idéologie (djihad). Les villes, tels que Ayasoluk (Selçuk) et Balat (Milet) étaient de grandes villes de commerce et cela...
... n’avait cessé de croître après la fin de cette politique de guerre. L’Arabe al-ʻUmarī et l’explorateur marocain Ibn Battûta décrivaient les villes de la côte égéenne comme étant de grandes cités avec de “beaux quartiers, de beaux palais et de belles mosquées”.
D’après le Marocain, Denizli était “l’une des plus belles villes d’Anatolie” tout comme Bursa avec ses “beaux marchés et ses grandes rues”.
Il y avait énormément de commerçants qui circulaient dans ces régions. Des marchands venus d’Italie, par exemple, pouvaient y trouver du coton, du riz, du blé, du safran, de la cire, de la laine, une sous-espèce du cannabis (le chanvre), des raisins ainsi que des esclaves.
De plus, afin de faciliter le commerce avec l’Europe, ces beylicats avaient créé des pièces, qu’on appelle gigliato, comme celles de Naples, avec des lettres latines.

(Gigliato en bronze de Sarukhan, 1313-1348)
Enfin, il y avait une énorme croissance de la culture à l’Ouest de l’Anatolie. Ces émirats continuaient de vivre avec les anciennes traditions turques d’Asie centrale. Ils avaient déclaré le turc comme langue d’Etat (à la place de l’arabe et du persan) et avaient aussi...
... ordonné de traduire des œuvres persanes et arabes en turc. Cette croissance de la culture se traduisait aussi avec l’architecture qui florissait. Des constructions, telles que la mosquée Ulu Camii de Manisa (1366/67), la mosquée Isa Bey d’Ayasoluk (1375), la médersa...
... d’Ahmed Gâzi à Peçin (1375) et la Mosquée Verte d’Iznik (1379) formaient une nouvelle architecture avec le mélange de l’histoire byzantine et la nouvelle génération turco-musulmane.

La mosquée Ulu Camii de Manisa (1366/67).
La mosquée Isa Bey d’Ayasoluk (1375).
La médersa d’Ahmed Gâzi à Peçin (1375).
La Mosquée Verte d’Iznik (1379).
V) SOURCES

1. Devlet-i ‘Aliyye: Osmanlı İmparatorluğu Üzerine Araştırmalar - I, Halil İnalcık
2. Halil Inalcık'ın Merceğinden Osmanlı, Profil Kitap
3. Un choc de religions: La longue guerre de l'islam et de la chrétienté (622-2007), Jean-Paul Roux
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