"The Last Dance" est au documentaire sportif ce que "Secrets d'histoire" est au documentaire historique.
D'apparence, c'est dynamique, engageant, grand public, bref, très pro.
Dans le fond, c'est plus une mauvaise fiction historique qu'un documentaire.
Pour être honnête, je ne sais pas quel est le degré de réactance dans mon avis.
Je n'ai pas vécu cette période mais depuis que je suis la NBA, j'ai le droit tous les ans aux rappels du "Flu Game, "The Last Shot", "Labradford Smith Game", bref, tout ce qui est évoqué pendant 10h.
Donc l'aspect "rien de nouveau" ajouté au facteur "omniprésence médiatique" n'a sans doute pas aidé.
Je me justifie car je ne veux pas ignorer le côté "capsule temporelle" que tant d'observateurs ont apprécié, une nostalgie appréciable en ces temps pas si faciles.
Mais je ne comprends pas comment on peut appeler ça un documentaire. @MichaelWeinreb l'explique très bien ici :
Le plus dommage, c'est que Jordan mériterait amplement un documentaire de 10 heures. Son héritage s'entremêle tellement bien avec l'évolution culturelle et capitaliste états-unienne de la fin du 20ème siècle qu'il y aurait beaucoup de choses à dire.
C'est là que je ne peux que vous conseiller d'aller lire "Playing For Keeps" de David Halberstam qui dépeint très bien le personnage de Jordan dans son contexte, le fait qu'il soit autant le produit de son époque que l'inverse.
D'ailleurs, c'est le grand paradoxe que le meilleur ouvrage selon moi sur Jordan soit celui où l'auteur a du faire sans la moindre interview de MJ.
Mais de l'autre côté, quand on voit "The Last Dance", on est pas étonné d'un tel paradoxe.
Mais passons sur l'aspect "extrapolation de la carrière de Jordan", on est pas obligé après tout d'évoquer l'angle politique ou socio-économique même si l'angle mort peut paraître béant.
La quasi-absence de contradictions, d'aspects critiques dans les paroles de Jordan est un autre aspect gênant.
Son monologue lors de l'épisode 7 sur le leadership est par exemple un sujet très intéressant, évoqué ici ou là par certains : https://throwbacks.substack.com/p/youve-never-won-anything-1998-2014
Jordan a une carrière extraordinaire et il y a à peine besoin d'en rajouter pour avoir une histoire extraordinaire. On a tous les codes narratif du héro qui apprend, domine, bat son rival grâce à son mentor, part en exil suite à une perte, se recentre et redomine à nouveau.
Pourquoi du coup passer la brosse à reluire de partout. Pourquoi mentir sur l'affaire Isiah Thomas ? Pourquoi éluder sur le load-management de 1986 ? Pourquoi nous ressortir les vieux plats qui depuis 20 ans commencent à se périmer un peu ?
Une partie de moi à envie de penser que "The Last Dance" est l'exemple même de ce qui ne va pas dans la presse sportive, du besoin de mythifier certaines figures pour mieux vendre son produit ensuite. La couverture d'ESPN en a été une merveilleuse démonstration.
Michael Jordan fait quasiment figure de "mémoire historique" ou de roman national, du besoin d'utiliser l'Histoire pour servir une cause bien particulière, quitte à faire disparaître toutes les nuances, quitte à exclure tout ce qui ne rentre pas dans ce récit.
De l'autre côté, ESPN a montré en 2016 avec "O.J.: Made in America" qu'ils étaient capable d'apporter ses lettres de noblesse à l'exercice du documentaire sportif.
En réalité, "The Last Dance" n'était qu'une mise en exergue du paysage médiatique actuelle en NBA, pas plus différente qu'une couverture de Finals NBA. Il y a du bon et du moins bon un peu partout, chez les plus renommés comme chez les plus confidentiels.
Au passage, "The Last Dance" m'a fait beaucoup penser à l'une des vidéos de @Histony1 sur la compatibilité entre Histoire scientifique, la mémoire et la politique :
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