Les dates des concours enseignants viennent de tomber. Alors, pour les candidats et futurs collègues, un petit fil de conseils de vétéran des concours. En espérant ne pas pontifier du haut de mon statut de "vieux" et d'écrire quelques trucs utiles. ⬇️ 1/
Le premier ennemi est la panique. Le confinement pèse forcément et le réflexe humain est de se dire "c'est mort". Il faut balayer et plus globalement voir l'agrégation / le CAPES comme des moments où les émotions sont très mauvaises conseillères. 2/
Facile à écrire, moins facile à faire. Je peux d'autant plus l'écrire que j'ai manqué l'agrégation à la première tentative et ai passé en tout 4 concours dans ma vie. (NDLR : J'en ai réussi 3 pour mes trolls.) La vraie condition de la réussite tient en un mot : l'ataraxie. 3/
Pas de sentiment, pas d'impression, pas de jugements moraux. L'enjeu est dans la modération des ressentis. L'agrégation et le CAPES sont des épreuves intellectuelles qui consistent à nous faire comprendre cette évidence : faut faire le job, peu importe les circonstances. 4/
Le sujet que je ne voulais pas est tombé ? On s'en fout. Définition, problématique, plan. C'est bancal ? On s'en fout, la copie est terminée. La première fois, j'ai été déstabilisé par TOUS les sujets. L'année victorieuse, je prenais les sujets par un "Meh". Et je continuais. 5/
Perdre ses réflexes est le malheur des candidats et qui trace souvent la ligne de faille échec / réussite (écrits comme oraux). J'ai été très marqué par la phrase de mon vieux maître : "Un concours, ce n'est pas faire de l'excellent, c'est faire moins mauvais que les autres". 6/
Un concours consiste à anéantir le sentiment de surprise en soi. Il y aura des "surprises", le tout est de les gérer. Il m'a fallu du temps pour comprendre l'attendu : un résultat achevé, avec des failles mais qui tient la route. Ne pas se braquer par incompréhension surtout. 7/
Les mois de confinement auront sans doute fait perdre beaucoup de réflexes aux candidats. Sentiment de patauger dans le vide. Quand je repense à l'impatience de ma promotion à en finir mi-mai, j'imagine celle des candidats actuels. 8/
(A tel point d'ailleurs qu'on se trollait à partir du 10 mai les uns les autres, quelqu'un rentrait avec une tête paniquée dans la bibliothèque et murmurait "les résultats sont sur Publinet". S'en suivait un gros bordel de rush. Ça dédramatisait. Fin de l'anecdote.) 9/
Mais les mois de confinement doivent surtout à mon sens éviter l'accumulation sans fin de matière. Réviser, c'est réviser. Pas rajouter et couler du béton sur de la pierre. L'autre grand risque est que la panique entraîne les candidats à repartir de zéro, ficher, etc. 10/
A mon sens, le confinement remet à égalité les prépas concours. On a souvent cherché l'avantage de certaines grandes prépas concours : simple, le temps. Pas d'EDT chargé et 4 à 6 semaines de révisions. Certes, ça voulait dire, pas de vacances (sauf Noël) à partir du 1er sept. 11/
Mais quand je vois les EDT dans certaines universités où les candidats n'ont matériellement pas le temps d'aller à tous les cours... Une question, c'est 4h/semaine. La distinction CM/TD est par ailleurs peu opérante ici parce que les deux se mêlent. 12/
Un candidat doit avoir le temps de réviser. Un mois + pour tous, pour revoir ses fiches, recontacter son groupe de plans / entraînement. Drill drill drill. Un candidat doit pouvoir se lancer automatiquement sur "Fromages et religions à Rome" en donnant 3 déf du mot Fromages. 11/
Il y aura toujours des trous, toujours des manques, des sujets moins maîtrisés. Les "gérer" est dans le jeu des concours. Mais aller vers une matière indigérable en ajoutant toujours plus, c'est rendre ses épreuves impossibles. Restez dans l'ordre du "faisable". 12/
Un concours, c'est comme la tactique chez les militaires, minimum de moyens mais maximisation des effets. Le tout n'est pas d'avoir un exemple chiadé sur toutes les sous-parties, mais d'avoir le "truc", la "cavalerie", le "renfort", l'exemple qui emporte le moins bon. 13/
Il faut mieux avoir une matière utilisable qu'un aggloméré compact que personne ne pourra jamais apprendre. Un candidat au CAPES et à l'agrégation n'est pas un spécialiste de chaque question. La spécialisation est d'ailleurs un énorme biais. 14/
Détester comme sur-adorer une question de concours, c'est le même risque. N'y mettez pas d'affects, partez du principe que ce sera le sujet "le moins bon" pour vous afin de ne pas être déçu. 15/
Sur le plan matériel, il fera (peut-être) chaud mais il ne faut pas partir de là. Le tout est d'avoir un corps qui suit. Il suivra, les oraux se passaient déjà par 35°. Le tout est de se préparer, manger à chaque sous-partie, boire toutes les 1/2-h, pause pipi chaque heure. 16/
La pom-pote, la barre d'amandes (abricot ou "sans goût"), pas de chocolat qui tâche, une grande bouteille d'eau. On proscrit le thon-mayo. C'est ce que chaque candidat a à gérer chaque année. Là, ça devient stratégique. Bouffer régulièrement, et pas attendre une "pause dej". 17/
(D'ailleurs, mon vieux maître racontait qu'un candidat fin 60's dans sa salle avait sorti une terrine, un litre de rouge étoilé et une nappe à carreau à midi pile. Il a fini le litre en mangeant. La légende ne dit pas s'il a eu l'agrégation.) 18/
Enfin, ne penser pas à l'année prochaine. Pas encore. Après oui. Le stage ou l'échec, ces questions doivent être reportées. Même si l'enjeu matériel est important et parfois vital pour beaucoup de candidats, le tout est de se poser les questions utiles en temps et en heures. 19/
Le stage se passera, vous apprendrez là encore quelques techniques d'ataraxie. On finit parfois son cours de Seconde à 23h, y a pas 3 activités et il n'est pas aussi parfait que la fiche séquence demandée par votre tuteur. On s'en fout. 20/
Mais vous apprendrez à dépasser ça. Justement, parce que vous aurez appris un peu de l'ataraxie des anciens lors des concours. Rien n'est insurmontable, rien n'engage la vie ou l'intégrité des individus sur des échecs ou des réussites. 21/
Un cours, c'est comme une sous-partie de dissertation, y a parfois des moments de grâce, y a parfois des moments d’improvisation géniaux, y a des moments où faut colmater. C'est ça à mon sens qui fait le professeur à travers les concours. Apprendre à gérer l'incertitude. 22/
Je le dis d'autant plus en ayant préparer 4 programmes ma 1ère année dans le secondaire. Bref, chers camarades et futurs collègues : "improvise, adapt, overcome". Je vous souhaite de devenir stoïcien grâce aux concours comme je le suis devenu. Tranquillité de l'âme pour tous. 23/
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