"Merci Amazon", ou le fantasme du profiteur de crise

Avec ce #thread, faisons un retour sur un petit pamphlet anti- @amazon, qui masque mal derrière de jolis mots une totale incompréhension du sujet qu'il traite.

A dérouler⤵️⤵️⤵️
Cette chronique, signée du romancier/essayiste/consultant @paul_vacca, a été publiée le 23 avril dans le magazine belge Trends Tendances.
Elle est sobrement intitulée « Merci Amazon » : un titre dont on comprend vite l'ironie, car il s’agit - bien évidemment - de dénoncer.
La thèse ? Pour faire simple : le covid19 est le meilleur allié d’ #Amazon, un environnement "mieux que le business-as-usual", une "aubaine", un "écosystème idéal".
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Et accessoirement, Jeff Bezos est un salaud, concentré sur son business et sans souci pour le bien commun.⤵️
Ecrire un pamphlet anti-Amazon en avril 2020, c'est à peu près aussi novateur que d'écrire un livre sur le "phénomène littéraire" Michel Houellebecq 25 ans après la publication d' "Extension du domaine de la lutte", mais jusqu'ici... pourquoi pas ? ⤵️
Les problèmes commencent quand on tente d’étayer une thèse par des faits sans les comprendre.
La première erreur survient quand il prétend que l’arrivée du coronavirus a « amélioré la situation financière » d’une série d’entreprises dites du « Stay At Home ».⤵️
Ici, et mes échanges un peu houleux avec lui le confirmeront, il fait la confusion entre valorisation boursière et santé financière.
Quand le cours d'une action monte, c'est qu'un acheteur et un vendeur sont tombés d'accord pour l'échanger à un prix supérieur à celui d'hier.⤵️
En général, ni cet acheteur, ni ce vendeur ne sont l'entreprise concernée, dont la situation financière n'est donc nullement affectée par l'échange.
Ce qui l'affecte, c'est quand les clients paient, ou quand il faut payer les fournisseurs... ou le fisc.⤵️
Tout en s'en défendant, Paul Vacca me confirmera bien qu'il attend de bons résultats pour Amazon.
Ah oui, au passage, il me traite de blaireau, parce que bon... pourquoi pas ?⤵️
Le blaireau étant un animal prudent, il a attendu que lesdits résultats tombent, estimant que les auditeurs s'étant penchés sur les comptes d' #Amazon en sauraient plus que lui. Et que Paulo.

Regardons cela ensemble.⤵️
Au premier trimestre 2020, #Amazon a donc enregistré un bénéfice de 2,5 milliards de dollars (hou, bah, c'est bien ça), en baisse de 29% par rapport à la même période de 2019 (ah, moins bien, déjà).⤵️
Surtout, au début du communiqué, Jeff Bezos demande à ses actionnaires de... bien vouloir s’asseoir.

Et pour cause. Au lieu des 4 milliards de bénéfices attendus au 2e trimestre "dans un environnement normal", il leur demande maintenant de s'attendre à... des pertes. ⤵️
Il ne s'attend donc pas un environnement meilleur que le 'business as usual'.
D'ailleurs, si l'on s'écarte d'Amazon pour parler plus généralement du e-commerce, l'indicateur avancé d'inflation PriceStats de #StateStreet n'est guère rassurant pour le secteur.⤵️
Cet indicateur fondé sur les prix des produits sur internet a baissé brutalement (courbe bleue) au début du confinement. Cela indique une perte de 'pricing power' des sites internet confrontés à une baisse de la demande.
Tout sauf confortable !⤵️
L'incompréhension de Paul Vacca ne s'arrête pas là : il affirme ainsi que "l'effet d'aubaine" pour Amazon provient de la "mise à l'arrêt" des concurrents.
Pourtant, le confinement ne fait pas de différence : si les usines de Renault sont fermées, celles de Peugeot aussi.⤵️
Et si Amazon reste ouvert, ses concurrents aussi, non ? Bien sûr que oui.

Par exemple, dans sa publication du premier trimestre, la #FNAC se targue de l'excellence opérationnelle de ses plateformes web. On peut supposer que les clients ont donc reçu leurs colis !⤵️
Le problème, c'est que Paul Vacca ne comprend absolument pas qui sont les concurrents d'Amazon.
Cela devient évident lorsqu'il lance cet argument-massue.
Contrairement à #LVMH, à #AirLiquide etc. qui se sont évertués à fabriquer les produits manquants,
AMAZON N'A RIEN FAIT !⤵️
Non, Paul Vacca ne comprend pas qu'Amazon est un acteur de la logistique et du commerce, pas un industriel.
Pour fabriquer, il faut des usines et Amazon n'a que des entrepôts.
Carrefour ou Leclerc ont-ils fabriqué du gel hydroalcoolique ? Non.⤵️
Mis devant les faits, notre auteur/consultant/toussa ne s'avoue pas vaincu si vite et a encore deux cartouches à tirer, que voici, que voilà.⤵️
Alors, oui, Amazon a finalement fourni des masques.
Fourni, pas fabriqué.

Si la différence n'est pas claire, la manière dont Amazon l'a annoncé l'est peut-être. On y voit un avion cargo, gueule béante. Amazon a bien transporté des masques.⤵️
Et sinon, les produits Alexa ne sont pas fabriqués dans le garage de Jeff (très bon, ce trait d'humour, si, si) mais par #Foxconn qui assemble aussi des produits pour Apple par exemple.
Cela s'appelle la sous-traitance et ça existe depuis le siècle dernier à large échelle.⤵️
Nourrie de tous ces faits incompris, vient la magnifique conclusion, le couplet 100 fois entendu qui veut qu'Amazon triomphe en "éliminant la concurrence", notamment celle des pauvres petits libraires.⤵️
Sauf que la réalité est bien différente du mythe. Dans cette étude de #Xerfi pas si ancienne sur le marché du livre, on voit que la part de marché des plateformes en ligne st loin d'être dominante et même très inférieure à celle des grandes surfaces culturelles.⤵️
Ce qui 'tue' les libraires serait plutôt la perte d'appétit des Français pour le livre (même étude).⤵️
Quant à croire qu' #Amazon ait une mainmise naturelle, presque absolue sur la distribution en ligne, c'est un fantasme de plus.
D'après la #Fevad, rien qu'en France, le nombre de sites marchands a encore progressé de 15% en 2019.
Ils sont maintenant 190.000 !⤵️
Comment s'étonner d'une conclusion fausse lorsqu'elle se fondée sur des arguments qui le sont aussi.

Tout à sa volonté de dépeindre Jeff Bezos en patron aussi dévoué à ses clients qu'insensible au monde extérieur, notre auteur oublie aussi d'autres faits, comme celui-ci. ⤵️
En Don Quichotte moderne, il parte ferrailler contre des moulins.

Mieux, comme les enfants ont leur ami imaginaire, il s'est inventé un ennemi imaginaire parfait.
⤵️
Ce faisant, il tombe victime d'un virus qu'il dénonçais lui-même dans un papier précédent. Ce virus de l'expertise qui nous a donné ces derniers mois tant de néo-médecins, ou de néo-data analysts devenus subitement experts du covid19.⤵️
Peut-être ferait-il mieux d'en rester à ses domaines de compétence, comme la littérature, peut-être.

D'ailleurs, si vous ne trouvez pas les livres de Paul Vacca à la librairie du coin, ne vous inquiétez pas, il y a une solution simple à votre problème.⤵️
Car, bien évidemment, les livres de Paul Vacca sont en vente sur #Amazon !

Après tout, ce n'est pas parce qu'on crache dans la soupe qu'on n'a pas le droit aussi... d'y manger.
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