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Il y a 30 ans le 13 mai 1990 le Dinamo Zagreb recevait l’Etoile Rouge de Belgrade dans son stade Maksimir.

Un match qui n'aura jamais lieu et dont les affrontements dans le stade feront écho au futur éclatement de la Yougoslavie.

Retour sur cet épisode symbolique

Le contexte tout d'abord.

En 1990, cela fait près d'une décennie que les relations entre les républiques et provinces autonomes de la fédération de Yougoslavie se détériorent.

Pourquoi ?

Josip Broz Tito a rétabli en 1945 la Yougoslavie (République socialiste fédérative de Yougoslavie), composé de 6 républiques.

Durant près de 40 ans, cette fédération sera maintenue d'une main de fer par Tito, qui réprimera fortement les nationalismes.

Une situation qui inspira cette métaphore au général De Gaulle

"Il n'y a que des bouts de bois qui tiennent ensemble [la Yougoslavie] parce qu'ils sont liés à un bout de ficelle. Le bout de ficelle c'est Tito. Quand il ne sera plus là, les bouts de bois se disperseront."

Et en effet après la mort de l'autoritaire Tito en 1980, les relations entre les 6 républiques de la fédération se dégradent.

Plusieurs raisons à cela : la perte d'un pouvoir central fort et donc une relative autogestion des républiques ainsi que des difficultés économiques.

En 1990, l'unité fragile de la Yougoslavie va se détériorer.

Depuis la Chute du mur de Berlin en 1989, les envies d'indépendance sont grandissantes parmi les républiques socialistes et cela touche d'autant plus les républiques yougoslaves.

Par ailleurs Slobodan Milosevic, président de la république de Serbie depuis 1989, exacerbe le nationalisme serbe (se référer au discours du 28 juin 1989 au Kosovo) et il souhaite que la fédération de Yougoslavie soit encore plus centralisée autour de la Serbie.

Cette attitude va conduire à une rupture avec les républiques de Croatie et de Slovénie lors de la Ligue des communistes de Yougoslavie en janvier 1990.

Toutefois ce congrès va tout de même permettre d'abolir le système du parti unique et la tenue des premières élections libres.

Ces élections multipartites vont entraîner la chute des principaux partis communistes des républiques de la fédération.

Le 6 mai 1990, les Croates vont voter et porter au pouvoir l'Union démocratique croate, dirigé par l'indépendantiste Franjo Tudjman.

Une semaine plus tard, le 13 mai, le Dinamo Zagreb doit affronter, dans son stade de Maksimir, le déjà champion de Yougoslavie, l'Etoile Rouge de Belgrade.

Un match qui n'aura finalement jamais lieu.

Les deux clubs rivaux ont une identité politique et nationaliste forte, à commencer par leurs supporters.

Les + extrêmes au Dinamo, les Bad Blue Boys, ont grandement participé à l'élection du parti nationaliste croate de Franjo Tudjman.

Du côté de Belgrade, Milosevic a mis à la tête des supporters les + extrêmes de l'Etoile Rouge, Željko Ražnatović dit "Arkan".

L'objectif étant d'utiliser la popularité de ces ultras en faveur des thèses ethnico-nationalistes du régime de la République de Serbie.

Arkan va mettre en place une discipline quasi-militaire dans ce groupe de supporters, rebaptisé les Delije, où il sera considéré comme une sorte de gourou.

C'est parmi eux qu'il formera plus tard sa sanguinaire milice des "Tigres d’Arkan". @footballskiFR https://footballski.fr/arkan-tigre-balkans

Le jour du match, c'est près de 3000 Delije qui vont mettre sans dessus dessous la ville de Zagreb avant de prendre place dans le virage Est du stade Maksimir.

Une fois dans le stade, ils continuent les provocations en lançant des "Zagreb est Serbe", "nous tuerons Tudjman"

La tension ne cessera de monter et la bataille aura lieu lorsque les Delije parviennent à la tribune des Bad Blue Boys.

Symbole du chaos et de la passivité des forces de l'ordre, le coup de pied du capitaine du Dinamo Zvonimir Boban à un policier pour protéger un supporter bleu.

Une idée du chaos qui pouvait régner dans les tribunes et dans le stade

Bilan "officiel" : 138 blessés et 147 arrestations.

Selon les dires du journaliste V. Novak: "C’est un événement qui a contribué à mettre le feu aux poudres. C’était le signe que le pays allait s’effondrer. Concrètement, ce match, c’était une guerre dans un stade de foot."

Toutefois comme le rappelle le professeur @LTregoures cet événement est loin d'être le "coup d'envoi" la guerre en Yougoslavie. https://twitter.com/LTregoures/status/1260473725683675137?s=20

Par ailleurs, @LTregoures rappelle que les émeutes de Maskmir ne doivent pas occulter "le climat politique et le puissant travail de sape des théoriciens nationalistes de tous bords qui n’ont cessé d’exacerber les tensions identitaires".

@DialectikF
http://dialectik-football.info/le-football-dans-le-chaos-yougoslave-loic-tregoures/

Comme pour le match Honduras-Salvador en 1969 ("guerre du football"), les tensions étaient déjà présentes bien avant ce match et

L'exposition médiatique et la violence des images de Maksimir n'auront que mis en lumière un conflit rendu inévitable.

Pourtant cet événement reste encore pour les Croates un événement fondateur de leur nation.

Ainsi, à l’entrée du stade de Zagreb, une plaque rend hommage "Aux supporters de l’équipe qui, sur ce terrain, ont entamé la guerre contre la Serbie le 13 mai 1990".

D'autres événements footballistiques illustreront les tensions nationalistes avant la guerre.

A l'image du match de préparation du Mondial 90 le 3 juin entre la Yougoslavie et les Pays-Bas où l’hymne yougoslave sera conspué par le public scandant des "Croatie, Croatie !"

Ces événements ne seront donc non pas la raison, mais bien des points de départ "symboliques" de la guerre de Croatie, qui s’est déroulée entre 1991 et 1995 et causant la mort de plus de 20 000 personnes.

Quant aux participants des émeutes du 13 mai 1990 de Maksimir, ils s'affronteront sur le champ de bataille.

Côte croate, les Bad Blue Boys rejoindront en masse l'armée croate nouvellement formée.

Côté serbe, les Delije rejoindront en grande partie la milice des "Tigres d’Arkan"

Côté football, la belle génération de l'équipe nationale yougoslave ne pourra faire oublier les tensions nationalistes.

Elle tirera sa révérence en 1992, laissant place au triste spectacle des guerres de Yougoslavie, l'une des guerres les + meurtrières d'Europe.

FIN

Pour aller + loin je vous conseille le chapitre consacré à ce "match" dans le livre "Terrain Miné" de @CGhemmour où beaucoup d'anecdotes sont présentes
@FootLivres https://livres-de-foot.fr/terrain-mine-quand-la-politique-simmisce-dans-le-football/

Une partie est relaté dans son article de @sofoot
https://www.sofoot.com/le-jour-ou-zvonimir-boban-a-realise-son-high-kick-483242.html

Et pour aller encore + loin quoi de mieux que l'excellent "Football dans le chaos yougoslave" de @LTregoures

Pour tour savoir de l'histoire de la fin de la Yougoslavie et de sa recomposition, à travers et par le football, des années 1980 à 2000.

https://www.courrierdesbalkans.fr/boutique/.393-essai-le-football-dans-le-chaos-yougoslave.html