[Thread] Bon ! Comme j'ai vu plusieurs "influenceur" de la sphère sceptique évoquer la piste d'un scrutin pondéré, je me suis dit qu'il fallait peut-être expliquer un peu quels sont les problèmes d'une telle idée.

Oui, une idée pareille pose de nombreux problèmes. Parlons-en.
La proposition repose sur 2 points :
1/ La création d'un diplôme qui sanctionnerait l'acquisition d'une culture politique ;
2/ La pondération du vote en fonction de ce "diplôme", avec une voix pesant plus pour ceux qui l'ont réussi.

Contentons-nous du 1 pour aujourd’hui.
La création d'un diplôme décrétant si l'on est compétent ou pas comme citoyen pour décider sur des sujets politiques n'est PAS DU TOUT une nouveauté. Il existe déjà des versions sous différentes formes de ce "diplôme" un peu partout dans le monde et pour différences situations.
Restons alors en France. Il existe un brevet qui sert à plus ou moins dire si vous disposez des compétences de base pour être citoyen. C'est le diplôme national du brevet. Passé au collège, il sert à évaluer si les élèves ont acquis les compétences jugées les plus fondamentales.
Ce brevet n'a aucune conséquence juridique d'aucune sorte sur votre citoyenneté ou vis diplômes futurs. Il a davantage une fonction de rituel, comme une première étape d'accès à la vie de futur citoyen. Et une très forte pression sociale pèse sur les mômes pour l'avoir.
Ne pas l'avoir, c'est prendre le risque de passer pour des inadaptés ou des fainéants sans volonté. Ce n'est pas anodin, surtout quand on à entre 14 et 16 ans et que c'est la première épreuve rituelle que l'on vit. Les conséquences sociales sont réelles pour les ados testés.
Imaginez alors si nous décrétions que ce brevet engendrait désormais des conséquences sur votre citoyenneté. Vous serez toujours considéré comme citoyen certes, mais de "moindre" importance si vous ne l'obtenez pas. Votre avis compterait moins.
Vous voyez sûrement le problème : créer un diplôme de la sorte pénalisera presque automatiquement les catégories sociales modestes, ce qui revient à pondérer le suffrage non pas selon la compétence réelle du citoyen pour la politique, mais en fonction de son origine sociale...
Et la pondération du suffrage selon l'origine sociale, ça se faisait déjà au XIXème siècle dans plusieurs pays européens. La justification ? La richesse détermine l'aptitude à être citoyen. Ici, bien qu'on affirme que la richesse ne compte pas, le résultat serait le même.
De plus, le législateur peut se dire que la citoyenneté étant une chose exigeante, il peut relever le niveau de difficulté des tests afin d'être le plus sélectif possible. N'oubliez pas l'argument récurrent concernant le Bac : "Si tout le monde l'a, il ne vaut plus rien".
Le législateur sera tenté par la même logique, considérant que la citoyenneté est une chose précieuse et que distribuer à tout le monde ce brevet serait alors d'aucun intérêt, supprimant l'utilité même de la pondération du vote et revenant alors à la situation antérieure.
Autrement dit : pondérer un scrutin ne sert à rien si tout le monde a le brevet de citoyenneté. Il sera dans l'intérêt du législateur et des personnes obtenant le brevet d'empêcher de nouveaux entrants au maximum, en sélectionnant que les éléments jugés désirables et méritants.
Ceci est typiquement un mode de pensée aristocratique. Pour rappel, une aristocratie est un régime où l'on considère que seuls les meilleurs doivent régner ou apte à décider. Et il est assez fortement opposé à la pensée démocratique, où chaque voix compte à part égale.
Donc, si vous défendez cette solution en prétendant défendre la démocratie, vous vous plantez : restreindre le droit de vote d'une façon directe ou indirecte n'est jamais autre chose qu'une logique anti-démocratique et il est dangereux d'essayer de faire croire le contraire.
En revanche, si vous admettez que c'est aristocratique, alors c'est votre droit le plus complet. Toutefois, je doute qu'une telle logique soit acceptée, en plus qu'être d'une élite n'est PAS DU TOUT un gage de probité ou de compétence pour gérer les affaires publiques.
Notez enfin la suprême ironie : ceux qui défendent une telle solution ignorent souvent qu'une pondération du suffrage peut potentiellement se retourner contre eux et estimer qu'ils sont inaptes à la citoyenneté complète et dont leur voix doit être marginalisée.
Bref, ce sera tout pour cette fois-ci !

Peut-être m'attaquerais-je au second aspect une prochaine fois, car il est intéressant sur un plan mathématique et sur les stratégies que peuvent adopter les votants en fonction du poids que leur voix pèse.

Et surtout, portez-vous bien !
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