Le saviez-vous ? En 1988 Agnès Varda a sorti un film titré KUNG-FU MASTER. Et comme Karim Debbache en a jamais fait une vidéo et que je suis trop fainéant, je vais en faire un thread rigolo. Gamers et Cinéphiles TM : bienvenue en enfer. Alors :

Pour reprendre tout depuis le début, Jackie Chan a joué dans un film de kung-fu en 1984 appelé WHEELS ON MEALS connu en France sous le nom de SOIF DE JUSTICE. D’ailleurs c’est très sympa et je vous le conseille.

Là-dessus une adaptation en jeu-vidéo est sortie sur Arcade et sur NES titré SPARTAN X, qui est le titre du film au Japon. C’est un beat’em all a scrolling horizontal et il est considéré comme l’un des précurseurs du genre du beat’em all.

Le beat’em all étant un genre extrêmement influencé par le cinéma d’action, notamment The Warriors et Streets of Fire, deux films de Walter Hill, que je conseille aussi chaudement.

Enfin bref la borne d’arcade SPARTAN X sort en France au milieu des années 80 sous le nom de KUNG-FU MASTER, un titre incroyablement générique déjà utilisé des dizaines de fois mais paradoxalement pas par le film qu’il adapte, ni même ses nombreuses traductions de par le monde.

Et là-dessus arrive Agnès Varda et son Kung-Fu Master qui raconte comment Mary-Jane (Jane Birkin) (40 ans) tombe amoureuse de Julien, un gamin de 14 ans (Matthieu Demy). Et là vous allez me dire « mais c’est quoi le rapport entre Agnès Varda et Jackie Chan ? » bonne question :

Julien passe ses journées à jouer à la borne d’arcade Kung-Fu Master et son arc dans le film ça va être littéralement de finir le jeu, d’où le titre, alors que l’arc de Birkin est de savoir si elle cède a ses pulsions pédophiles et se tape le gamin ou pas. Place au malaise.

On pourrait arguer en riant que c’est le pire film de kung-fu au monde vu la promesse du titre mais c’est pas vraiment plus reluisant comme film sur la pédophilie féminine (sujet rare au cinéma) ou comme film sur la jeunesse des 80’s.

Certes, on pourra saluer le courage du sujet ou le fait d’aborder sérieusement la vie d’un gamin qui joue aux jeux-vidéos à une époque où on estimait que c’était un jouet débile, mais c’est là que Varda (qu’on aime et qu’on respecte) se prend les pieds et la frange dans le tapis.

Déjà parce que Jane Birkin joue de façon tellement éthérée que son personnage paraît plus récité que joué, parce que les dialogues sont tartes à mourir et que le rythme général fait passer les 1h20 du film pour 12 heures aussi palpitantes qu’une cuillère en bois.

Ensuite parce que la représentation qu’on fait du jeune gamer de 1988 n’est pas un regard empathique mais condescendant et plein de pitié envers le gamin aliéné et enfermé dans l’illusion maléfique du pixel que seule la gentille pédophile peut sauver en l’amenant à la mer.

Et si le film se garde bien de tout jugement moral sur son héroïne, présentée comme le personnage le plus humain, intelligent et gentil du film, il ne s’en prive pas pour dénoncer le monde du faux qui est le monde du jeu-vidéo. Et c’est là où ça devient craignos.

Parce que Varda (qu’on aime et qu’on respecte, bisous RIP) en tire une hiérarchie des aliénations, des enfermements, et qu’elle force (par des effets de parallélisme) à comparer le jeu-vidéo et la pédophilie comme des fléaux du même ordre.

Et même si le film conclut sur le fait qu’il vaut *peut-être* mieux que les gamins jouent à des jeux-vidéos plutôt que de se faire tripoter, il y a quand même une grosse part d’interrogation hallucinante.

Alors attention, ça ne dit pas que le jeu-vidéo est l’œuvre du diable, on est quand même pas au niveau de Télérama et les Cahiers du cinéma de l’époque, et c’était il y a 32 ans, ok, mais le propos n’en reste pas moins un peu puant. Varda ou pas.

Fin mot de l’histoire ? Dans les années 2000, Jackie Chan a vraiment sorti un film titré Kung Fu Master. Et ça n’avait aucun rapport avec le film d’origine. Ou le Varda. De quoi donner des bonnes migraines aux futurs historiens du cinéma. Fin de thread.