En l'honneur de "lag baomer" et de son traditionnel pèlerinage à Meiron, sur la tombe de Rabbi Shimon bar Yohaï, quelques mots sur les origines populaires de ce pèlerinage… judéo-arabe.
Judéo-arabe, parce que les sources historiques les plus anciennes (10e siècle) parlent d'un pèlerinage mené par les juifs-arabes (le moustarabim) et auquel participent également leurs voisins arabes musulmans et druzes. Coutume qui a d'ailleurs perduré jusqu'au 20e siècle.
Au début, ce n'est pas Bar Yohaï qui est au centre, mais les tombes d'Hillel et Shamaï, également à Meiron. On s'y rend entre Pessah et Shavouot, et plus particulièrement à Pessah sheni (4 jours avant lag baomer) et un rituel se déroule autour d'une source d'eau sortant du caveau
À cette époque, ce pèlerinage, comme bien d'autres, est un culte populaire. Certains rabbins le désapprouvent ouvertement, d'autres le tolèrent. On peut comparer cela à la situation en Afrique du Nord, et notamment au Maroc, où le culte des saints était très ancré chez le peuple
Généralement, les cultes populaires dérangent les élites religieuses précisément parce qu'ils échappent à leurs autorités.
Bref, en Galilée on commence à prier sur la tombe de Bar Yohaï aux alentours du 13e siècle, en plus de celle d'Hillel et Shamaï. Au 16e siècle, le culte de Bar Yohaï est devenu dominant – toujours entre Pessah et Shavouot, mais pas forcément à lag baomer.
Pourquoi Bar Yohaï ? Les avis divergent. Certains y voient l'influence de l'école kabbaliste qui s'est installée à Safed et pour laquelle Bar Yohaï est central. D'autres y voient un concours de circonstances historiques.
Pourquoi à lag baomer ? La question est trop vaste pour ce post, mais notez que certains, et notamment le 'Hida, soutiennent que ce n'est pas la date de décès de Bar Yohaï. Ce lien serait dû à une erreur d'impression d'un manuscrit de R. Haïm Vital.
À mes yeux, le pèlerinage à Meiron est un exemple d'institutionnalisation d'un rite populaire. Le pèlerinage et ses coutumes (notamment le feu et la coupe des cheveux) sont des rituels qui se sont développés en-dehors de la sphère rabbinique, parfois en dehors de la sphère juive
Mais aucune critique ne fait baisser la ferveur populaire. On commence alors à réinterpréter, réajuster, pour rendre le tout plus acceptable et l'intégrer comme il se doit au mainstream juif.
Paradoxalement, l'adoption quasi-totale de ce culte par le monde hassidique lui a à la fois permis de s'intégrer au calendrier juif, mais a effacé le caractère local de ce culte (qui, une fois encore, a longtemps été commun arabisants – juifs, musulmans et druzes – de la région)
Pour l'anecdote, les hassidim ont au moins gardé la trace d'une coutume arabe locale – la fameuse 'halaké, la coupe de cheveux des enfants. Le mot חלאקה vous semble peut être venir du yiddish, en réalité c'est un emprunt direct à l'arabe - حلاقة – rasage en français.
En photo: Lag Baomer à Meiron en 1920 – hassidim, juifs séfarades, musulmans et druzes pélerinent ensemble.
Malheureusement impensable aujourd'hui.
Bonus pour les plus curieux. L'excellent article d'Abraham Yaari sur les origines et évolutions de ce pèlerinage.
https://www.jstor.org/stable/23590969?seq=1#metadata_info_tab_contents
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