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Histoire de ne pas avoir été totalement inutile pendant le confinement, je vous propose une introduction aux merveilles du Yémen antique, de l’Arabie Heureuse !
#CultureChezVous #TeamPat #TeamArcheo

Coincée entre la Perse, la Mésopotamie et l’Egypte antique, la péninsule arabique a longtemps été la grande oubliée du Moyen-Orient préislamique.

« L’Arabie est un cul-de-sac où ont été abandonnés d’anciens fragments oubliés de l’humanité, mis hors circulation par des hommes plus vigoureux et plus civilisés venus du Nord » - Carleton S. Coon, anthropologue américain, 1943.
Aïe.

3 millions de km² désertiques ou semi-désertiques, pluviométrie presque nulle, pas de fleuve… Il faut avouer qu’aux premiers abords, l’Arabie semble bien inhospitalière.

Pourtant, depuis les périodes les plus reculées de l’histoire d’Homo sapiens, l’Arabie n’a paradoxalement jamais cessé d’être parcourue et habitée par de nombreux peuples et civilisations (mini florilège de leurs vestiges, en vrac : )

Le sud-ouest de la Péninsule (l’actuel Yémen) jouit d’une topographie et d’un climat particulier. Une bonne partie de cet espace se compose de haute-terres montagneuses. Le climat y est plus frais et la végétation plus abondante : c’est le « Yémen vert ».
C'est beau, hein ?

Les premières traces de peuplements humains dans la région remontent au Paléolithique. Entre environ le VIIIe siècle avant et le VIe siècle de notre ère, le Yémen voit naître une civilisation originale que l’on qualifie généralement de « civilisation sudarabique ».

Monuments, écritures et langues élaborées, artisanat raffiné, etc. …
La « civilisation sudarabique » (on reviendra sur cette formule plus loin) est riche et prospère ! Deux ressources clés font la richesse du Yémen antique : l’encens et la myrrhe.

Bien protégé derrière ses kilomètres de désert, on sait peu de chose sur le Yémen dans l’Antiquité.
Mais que ce soit les Égyptiens, les Assyriens, les Babyloniens, les Grecs, les Romains : TOUS connaissent et utilisent l’encens et la myrrhe.
(Brûle-parfum, fresque de Pompéi)

En Egypte, on parle du mystérieux et exotique « Pays de Pount » d’où viendrait l’encens que l’on utilise pour notamment le kyphi, parfum sacré et occulte.

Les grands empires mésopotamiens ont également cherché à s’accaparer les routes de l’encens (de manière tout à fait pacifique, comme vous noterez sur ce bas-relief assyrien…)

Apparemment Alexandre le Grand aurait envisagé de conquérir l’Arabie avant sa mort…

… et mention spéciale aux Romains qui, sous Auguste, tentent une véritable incursion à travers le désert pour atteindre l’ « Arabia Felix ». Très mal préparés et guidés, 10 000 hommes y restent.
Coup dur pour la #TeamRomains.

Bref : l’Arabie Heureuse fascine les anciens, qui y voient un pays de Cocagne, mythique.
« Une senteur règne sur toute la côte, qui procure aux arrivants un souvenir divin et ineffable », nous dit Pline.

Mais concrètement, à quoi ressemblait le Yémen à cette époque ? Quelques très grandes lignes (parce que ce thread est déjà long) :

Premièrement, la « civilisation sudarabique » n’est pas un entité politique unie. C’est une aire culturelle constituée d’une poignée de royaumes concurrents : Hadramout, Qataban et, surtout : Saba, d’où viendrait la fameuse reine biblique contemporaine de Salomon !

Ces royaumes caravaniers parlent différentes langues mais partagent la même écriture : l’alphabet sudarabique.
Fun fact : certains textes sudarabiques se lisent alternativement de gauche à droite, puis de gauche à droite. C’est ce qu’on appelle un boustrophédon.

Leur panthéon était également commun, même si chaque royaume avait son dieu dominant : Almaqah, dieu-Soleil, pour Saba par exemple.

Dans les premiers siècles de notre ère, le polythéisme disparaît peu à peu au Yémen, alors sous la coupe d’Himyar (un petit royaume local devenu gros empire, débordant jusqu’en Ethiopie). Les rois himyarites se convertissent au judaïsme.

Les royaumes sudarabiques ont également développé des trésors d’ingénierie hydraulique.
Le barrage de Marib, ~700/750 av. notre ère, est le plus ancien du monde ! Il est encore observable aujourd’hui (a priori).

La redécouverte de ce patrimoine oublié de tous a constitué un véritable vecteur d’unité pour la jeune république yéménite.
Depuis 2014, tout cela vole en éclat.
(Shibam, la "Manhattan du désert", avant la guerre)

La guerre au Yémen est une catastrophe humanitaire dont on ne parle pas assez. Mais c’est aussi un désastre patrimonial. De nombreux sites, musées et monuments ont été endommagés, voir rayés de la carte par les bombardements.

Quelques exemples en vrac : musées archéologiques de Dhamar, de Zinjibar, temple de Nakrah à Baraquish…
(voir J. SHIETTECATE, « Yémen. Un patrimoine vandalisé dans un pays en proie au chaos » 2019, pour une liste précise)

L’emblématique cité de Marib et son barrage ont également été la cible de bombardement… alors même que le site est excentré et non-peuplé…