Le #10mai, Journée commémorative du souvenir de l' #esclavage et de son abolition, est l’occasion de revenir brièvement sur l’histoire du « Havre-négrier », longtemps restée méconnue malgré son importance. Un #thread

La traite havraise se situe durant les trois siècles qui séparent la deuxième moitié du XVIe jusqu’en 1840. Avec 585 voyages en traite armés avec l’aide du port d’Honfleur, Le Havre occupait le deuxième rang des ports négriers français, derrière Nantes et ses 1 714 expéditions.
Depuis trente ans, les travaux engagés par de nombreux chercheurs ont permis cependant d’en améliorer la connaissance, d’en saisir l’originalité également. Ainsi, l’on sait aujourd’hui que la traite havraise se divise en cinq temps.
Entre 1679 et 1721, le commerce colonial se substituant progressivement à la pêche à la morue, il laisse déjà une place non négligeable à la traite (30 voyages).
L’éphémère Compagnie des Indes Orientales a cédé son monopole à la Compagnie du Sénégal et Le Havre est devenu tôt, loin derrière La Rochelle cependant, le deuxième port négrier du royaume.
En 1716, Rouen obtient le droit de commercer librement dans la mer des Antilles et ce droit est également accordé au Havre d’où seules peuvent partir les longues bières flottantes, cinq ans plus tard.
Mais, dans ce port moyen, le commerce négrier ne profite pas de l’autorisation royale et s’essouffle au profit de la droiture, plus accessible aux petits négociants, jusqu’à la fin de la Guerre de Sept Ans.
Ce n’est qu’à partir de 1763 que le commerce colonial havrais surmonte sa fragilité structurelle, la traite jouant son rôle de complément de la droiture, croissant très lentement jusqu’en 1777, avant de mieux l’imposer dans les années 1780.
Aidée par la crise cotonnière rouennaise et les primes d’encouragement de l’Etat, la part de la traite négrière dans le commerce maritime havrais augmente significativement : elle passe de 12 à 20 % entre 1763 et 1793.
Durant les dix dernières années, Le Havre connaît alors son apogée négrier : 192 expéditions sont armées. Puis, le commerce triangulaire ralentit brusquement du fait de la Révolution en cours à Saint-Domingue, la colonie où se concentre la grande majorité des intérêts normands.
Tandis que Napoléon rend la traite illégale par décret en 1815, elle est encore pratiquée au grand jour jusqu’en 1848 mais au Havre comme ailleurs, tout au long de la première moitié du XIXe siècle, le commerce du coton se substitue progressivement à celui négrier.
Alors, pourquoi l’histoire de la traite havraise a-t-elle été (trop) longtemps refoulée ? C’est le constat qu’a fait Éric Saunier dans un article publié par le passé : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00467846
« Dans le contexte général des difficultés que montrent toutes les sociétés portuaires concernées à assumer leur passé négrier, Le Havre doit être surtout regardé comme le port de traite où la défaillance mémorielle atteint un paroxysme. »
L’auteur a mis en évidence plusieurs raisons pour lesquelles la mémoire de la traite havraise fait particulièrement défaut : des actions associatives et culturelles peu nombreuses ;
un silence médiatique assourdissant quant à l’évocation du Havre lorsqu’il est question d’histoire de la traite française ; le bombardement de la ville en septembre 1944 empêchant les habitants de pouvoir se représenter leur passé négrier ;
et surtout la construction tardive de l’Université du Havre ralentissant de facto les recherches sur le sujet. Concernant l'estampe illustrant ce #thread, il s'agit du "Port du Havre - Vue du port et des chantiers du Havre".
Disponible aux Archives municipales de la ville du Havre (cote 5Fi3), on peut voir dans cette "vue fantaisiste [...] au premier plan, des charpentiers [qui] s’affairent. Au
second plan, à gauche, un navire radoubé par des calfats ; à droite, l’avant-port avec des bateaux.
second plan, à gauche, un navire radoubé par des calfats ; à droite, l’avant-port avec des bateaux.
En arrière-plan, à gauche, la ville et ses fortifications ». D’après le style, on peut supposer que l’estampe a été réalisée par Nicolas Ozanne, ingénieur de la Marine, dans le cadre de sa collection des ports de France dessinés pour le Roi en 1776.