LE JOUR OÙ J'AI COMMENCE À COMPRENDRE CE QUE REPRÉSENTAIT CE METIER DE MÉDECIN.

Je suis appelé en salle de garde pour un enfant qui est amené en urgence par sa mère, un enfant de 2ans. Il était tout pâle, extrêmement fatigué, n'arrivait même plus à pleurer et poussait des

gémissements dans lesquels on ressentait la souffrance et l'agonie. Il avait une anémie sévère à cause d'un paludisme. Les prélèvements ont été faits, on a commencé immédiatement les soins et il fallait lui mettre le sang
Même quand le sang est disponible il faut compter entre

45 minutes et une heure, le temps de faire les tests et ramener le sang à température normale pour être transfusé. On a fait vite, on a pu lui mettre le sang, mais je sentais que ce serait très difficile puisque dans les conditions de travail je ne pouvais pas faire plus.

Pendant que je le surveillais, j'ai plongé mon regard dans le sien, j'ai vu ce petit s'accrocher à la vie, se battre, j'ai vu son souffle partir, impuissant. Il m'a dit beaucoup de choses dans ce regard:

-- Je ne dois pas mourir, c'est injuste

-- ce n'est pas la faute de ma mère, elle ne savait pas que ça évoluerait aussi vite
--je n'arrive plus à me battre, je n'arrive plus à bouger, je n'arrive plus à crier.
--Vous êtes sûr que vous ne pouvez plus rien faire pour moi ?!!

Il fallait maintenant expliquer à cette

mère qui avait mis son enfant dans mes bras et pour qui j'étais le dernier recours, et que je n'ai pas pu lui offrir ce qu'elle attendait de moi.
Elle était derrière moi, le regard pesait dans mon dos, le souffle coupé, quand je me suis arrêté, elle me parlait:

--Docteur

c'est comment ?!!
--Docteur pourquoi vous vous arrêtez !?
-- Docteur ne me dites pas.
J'ai mis une minute à me retourner, une minute interminable.

Vous imaginez les pleurs dans la salle, le silence glacial. J'ai essayé de la consoler, sachant que je n'arriverais pas à la

consoler.
Je suis sorti de la salle au bord des larmes, et en sortant je vois un autre parent qui amène son enfant dans les bras, tout trempé. L'enfant serait tombé dans un puits. L'enfant est arrivé déjà décédé, je regarde le père et je lui dis qu'il n'ya plus rien à faire.

Il tombe dans mes bras en disant: je vais dire quoi à sa mère, elle a voyagé ce matin. Docteur je vais lui dire quoi ?

Deux décès en moins de 15 minutes.
Je suis sorti et je me suis demandé ce que je faisais là ?
Je vous passe l'état d'esprit dans lequel j'ai continué mes

consultations et la difficulté à sourire aux malades qui suivaient, en core mons l'état d'esprit dans lequel j'ai fini ma garde et ma semaine.

Eh bien quand vous voyez un professionnel de santé agressif, ça peut être quelqu'un qui n'est pas professionnel, ou un monstre, ou un

insensible. Mais cette agressivité peut aussi être un cri de détresse et un appel au secours
Les médecins dépriment, les médecins se suicident.Derrière cette force apparente des fois se cache quelque chose de brisé, que vous patients pouvez réparer avec de petites attentions.

Mon quotidien n'est pas gai, mais je me bats à garder le sourire et donner la bonne humeur et l'espoir autour. Sinon mon combat serait vain.

Face à cette situation je ne peux pas me laver les mains encore moins respecter la distanciation sociale, c'est mon quotidien.

Aimez, partagez, identifiez vos amis, pour que ce message arrive la ou il doit arriver.

Dr Ngou Patrick
Pédiatre