🇲🇦 MAROC ⚽

En 2019, le Maroc s’est hissé à la 1ère place des pays arabes exportateurs des joueurs professionnels.

🔍 L’occasion d’étudier la façon dont le royaume utilise le football comme un outil d’influence politique depuis des décennies.

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par @samythll
L’émergence d’une diplomatie du football au Maroc est indéfectiblement liée à Hassan II.

Cette passion du défunt roi pour le football est née au début des années 50.
Prince héritier à l’époque, il se rend incognito au stade pour supporter le Wydad Casablanca, club porte-étendard du nationalisme.
En 1956, il crée la Fédération marocaine de football, puis l’Association sportive des Forces armées royales, ou FAR Rabat en 1958, avec l’objectif de redorer le blason du football vert et rouge.

Mohamed Chtouki, légende du Wydad, est chargé de préparer une équipe compétitive.
Dans un contexte africain où affirmer sa puissance est essentiel à l’époque, le nouveau club de la capitale domine les compétitions nationales puis s’affiche au monde.

Il bat le grand Real Madrid de Puskas et Di Stefano lors de la Coupe Mohammed V de 1962.
Engagée dans les qualifications à la Coupe du Monde 1962, l’équipe du Maroc peut ainsi compter sur le soutien du fils du roi Mohammed V.

A l’époque, l’Afrique ne peut espérer être au Mondial que par le biais d’un barrage contre l’Europe : le Maroc est défait par l’Espagne.
Vexé, Hassan II transmet un courrier à la FIFA pour demander une place à part entière à l’Afrique.

Le début d’un long lobbying qui participera à l’établissement d’une vraie place pour l’Afrique et à la première qualification du Maroc pour la Coupe du Monde à Mexico, en 1970.
Mais le parcours chaotique de l’équipe éteint ses espoirs de voir le Maroc se distinguer.

Pire, en 1974 c’est le Zaïre, champion d’Afrique, qui se qualifie pour le Mondial. Mobutu, son dirigeant, tient l’arme pour s’affirmer comme LE représentant de l’Afrique à l’international.
Le vent va pourtant tourner: après le gain de la CAN 1976, Hassan II ne lésine pas sur les moyens pour préparer le Mondial 86.

Au menu: 3 mois de stage en Suisse. Au Mexique, les Bouderbala, Timoumi et autres Zaki réalisent un exploit inédit en atteignant les 1/8e de finale.
Merry Krimau, auteur d'un but historique, raconte :

« Hassan II nous suivait de très près et voulait savoir ce qu'on faisait, il regardait le match, nous appelait au téléphone. Il nous avait à l'oeil parce qu'il aimait cette équipe nationale. Nous n'étions pas seuls. »
Grisé par son coup d’éclat, Hassan II décide de déposer la candidature du royaume à l’organisation de la Coupe du Monde 94.

Pourtant soutenu par une bonne partie de l’Afrique, l’édition est attribuée aux Etats-unis, sur fond de soupçons de corruption.
A la fin de son règne, Hassan II tient finalement sa compétition internationale, en organisant son propre Tournoi Hassan II en 1996 et en 1998.

Le Maroc devient le pays hôte d’une compétition de football intercontinentale, comme le souhaitait son monarque.
Après 40 ans de règne, Hassan II laisse à son fils un pays structuré, ouvert sur l’international et prêt à affronter le XXIème siècle.

Pourtant, difficile de croire que le jeune Mohammed VI puisse vraiment compter sur le football pour s’affirmer sur le plan international.
Dans les années 2000, l’équipe du Maroc peine à s’affirmer.

En 10 ans, son fait d’armes reste une finale de CAN 2004 perdue contre la Tunisie de Roger Lemerre.

La génération dorée des Chamakh, Mokhtari et Youssouf Hadji traverse la décennie sans glaner une grande compétition.
Cela ne l’empêche pas de poursuivre son offensive pour organiser une Coupe du Monde : candidate en 2006 et 2010, le Maroc passe à 4 voix d’organiser le premier Mondial africain, remporté par l’Afrique du Sud.
C’est le moment choisi par Mohammed VI pour lancer la stratégie du tourisme « Vision 2020 ».

L’objectif : établir une offre touristique compétitive dans les régions, en créant 8 pôles d’attractivité, dans des domaines tels que le balnéaire, le culturel, la nature ou… le sport.
La logique ?

Le sport déclenche le tourisme, et donc, les investissements étrangers et l’emploi.

Le souverain parie sur la mondialisation : par une politique sportive ambitieuse, on favorise la multipolarisation des événements et la réduction des monopoles traditionnels.
Cette stratégie dite du « marketing mondial du positionnement » s’illustre pour le royaume par l’organisation d’une avalanche d’événements sportifs.

En 2013 et 2014, le Maroc accueille ainsi le Mondial des Clubs, puis le Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) en 2018.
Le football est donc l’une des vitrines de projection de l’image du Maroc en Afrique et dans le monde.

Mais le royaume n’a pas les capacités du Qatar, et pour asseoir sa marque, il doit réaliser un travail de fond plus conséquent.

C’est là qu’intervient Fouzi Lekjâa.
Président de la Fédération marocaine depuis 2013, il ravit en 2017 le siège de l’Afrique du Nord au comité exécutif de la Confédération africaine de Football (CAF).

Pourtant outsider, il obtient ses soutiens en promettant des aménagements de terrains dans toute l’Afrique.
Des tournées dans tout le continent, en parallèle de celles réalisées par Mohammed VI, permettent de nouer de multiples partenariats bilatéraux.

Le but ? Alléger par le sport les relations diplomatiques avec les pays comme le Botswana tout en étendant sa sphère d’influence.
En interne, la Fédération et le Palais font sortir de terre en décembre 2019, à Salé, le Complexe Mohammed VI de football, un Clairefontaine marocain destiné à accueillir les équipes nationales.

L’Académie Mohammed VI établit la même année un partenariat de prestige avec l’OL.
Cette politique porte ses fruits : le pays obtient l’organisation de Coupe d’Afrique des nations de futsal.

Elle se joue en janvier 2020 à Laâyoune, en plein Sahara occidental.

Une ville au coeur du territoire revendiqué par les indépendantistes du Front Polisario depuis 1976.
En pleine polémique, l’équipe du Maroc de futsal remporte la compétition face à l’Egypte.

Un pied de nez à l’Algérie, soutien du Front Polisario englué dans la révolte du hirak, et à l’Afrique du sud, son ennemi footballistique sur le continent, qui boycotte la compétition.
L’amélioration des infrastructures et de la gestion économique (création d’une DNCG) se voit également dans les clubs :

En 2020, 4 équipes marocaines figuraient en demi-finales de la Ligue des Champions africaine et de la Coupe de la confédération.
Mais malgré ses efforts, le Maroc a pu mesurer le chemin à parcourir lors de sa candidature à l’organisation de la Coupe du Monde 2026.

Défait de 80 voix, c’est surtout le soutien du Lesotho, du Zimbabwe, du Botswana, de la Namibie et du Mozambique aux Etats-Unis qui passe mal.
Un manque de stature? Peut-être. Mais Mohammed VI a une arme : le temps long.

Non soumis aux aléas des élections, le monarque peut se permettre de lancer des politiques de développement sur plusieurs décennies, comme sa stratégie écologique « Génération Green 2020-2030 ».
Ce n’est donc pas un hasard si le Maroc a relancé l’idée d’une candidature pour le Mondial 2030, avec l’Espagne et le Portugal.

Et même si l’idée semble avoir du plomb dans l’aile, il est probable que tant d’évolutions finissent par convaincre que l’heure du Maroc est venue.
Il pourra quoi qu’il arrive compter sur un acteur de poids pour concevoir la future diplomatie du football du royaume :

Moulay El Hassan, le fils du roi, fan revendiqué du Barça et de Messi, qui avait lui-même remis à Iker Casillas le trophée du Mondial des Clubs, en 2014.
🇲🇦 FIN ⚽
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