Que se cache-t-il derrière les mythiques couvertures du New Yorker ? 🗞

Petit thread (illustré) dans les coulisses d'une légende médiatique ⤵️
Ces couvertures, on les partage, on les commente. Elles sont toujours dans l’air du temps, souvent ironiques, parfois polémiques.

🇫🇷 Une française y est pour beaucoup: Francoise Mouly, directrice artistique du New Yorker depuis 27 ans.
Mais d’abord, rapide retour en arrière.

Depuis la fondation du magazine en 1925, la tradition veut que chaque numéro arbore une œuvre signée en couverture.

Vous avez sans doute déjà vu celle du premier numéro: le dandy qui reluque un papillon à travers son monocle. 🦋
Le New Yorker est conçu comme un magazine de haut-standing, à l’image de son lectorat.

Il mêle humour raffiné, journalisme de qualité, poésie, fiction et dessins.

La couverture est un élément indépendant dont le rôle est crucial.
Chaque semaine, elle raconte l’évolution des mœurs américaines, les particularités de l’époque, les tendances sociales.

Regardez par exemple ces couvertures des années 30 qui montrent ce que c’est de vivre au temps de la Grande Dépression. 📉
Jusqu’aux années 50 le New Yorker cultive un regard subtil sur l’époque.

Puis il s’endort au cours des sixties, seventies, eighties.

A tel point qu’on se retrouve parfois avec des peintures de porches en couverture. C’est… contemplatif. 🥴
Voilà pourquoi le New Yorker déniche la frenchie Françoise Mouly.

Venue du monde de l’illustration et de la BD, elle prend la direction artistique en 1993 malgré sa méconnaissance du magazine.

Elle amène un vent de fraîcheur et une nouvelle génération de dessinateurs. ✏️
Mais surtout, Françoise Mouly renoue avec l’esprit impertinent des couvertures des années 30 et 40.

À nouveau, le New Yorker occupe une place de premier plan: à la fois témoin et moteur de l’évolution de la société américaine.

Ces couvertures sont scrutées comme peu d’autres.
Un exemple particulièrement révélateur: l’engagement du magazine dans le débat sur le mariage gay. 🏳️‍🌈

La couverture du 13 Juin 1994 montre un couple d’hommes derrière une pièce montée.

La polémique est intense: à l’époque on envisage à peine l’éventualité d’un mariage gay.
Au milieu des années 90, le gouvernement américain introduit la politique du « don’t ask don’t tell ».

Les personnes homosexuelles sont désormais autorisées à servir dans l’armée, à condition de ne pas révéler leur orientation sexuelle et de ne pas parler d’homosexualité.
Françoise Mouly et le dessinateur Barry Blitt décident d’appuyer là où ça fait mal.

Ils veulent provoquer le débat, que tout le monde parle de ce sujet qui dérange.

La couverture du 17 juin 1996 détourne la célèbre photo d’Eisenstaedt: elle montre deux marines qui s’embrassent.
À l’époque c’est un scandale.

Le NY Post estime que cette couverture “déclenche une nouvelle guerre“.

Pour Eisenstaedt, l’auteur de la photo originale, “les gays n’ont rien à foutre là“.
15 ans après, la situation a bien évolué.

2011: le mariage gay légalisé à New York.

2012: le président Obama se prononce en faveur d’une légalisation nationale.

Les couvertures du New Yorker témoignent de ces avancées historiques.
2011 marque aussi la fin de la politique du « don’t ask don’t tell ».

L’étau se desserre: les photos de baisers de soldats gays deviennent virales et sont célébrées sur Facebook.

15 ans plus tôt, une telle couverture du New Yorker faisait scandale.
En juin 2013, la Cour suprême autorise le mariage gay en Californie.

Pour marquer le coup, le New Yorker représente Ernie et Bert (marionnettes stars d’une émission pour enfants) enlacés devant une TV qui montre les juges de la Cour suprême.

Rebelote: nouvelle polémique…
Les plus conservateurs condamnent une couverture “scandaleuse”.

C’est parfois complètement lunaire.

Regardez cet extrait: le président de l’American Family Association (équivalent de Sens commun) en roue libre.
Bref, voilà comment le New Yorker a montré les évolutions et alimenté le débat sur le mariage gay pendant 20 ans aux USA.

Les exemples d’évolutions de mœurs dont la couverture se fait le témoin sont légion.

Maintenant, intéressons-nous plutôt à la conception des couvertures !
Comment ça marche la mise au point d’une couverture du New Yorker ? 📰

Ce qui est hors-normes c’est que les artistes sont très libres.

On leur transmet un calendrier indicatif des temps forts de l’année, puis ils sont libres de proposer ce qu’ils veulent pour la couverture.
En temps normal, le New Yorker a ses thèmes fétiches:

- Changements de saisons
- Fêtes des mères, de Noël, d’Halloween
- Mariages, couples, baisers
- Animaux de compagnie
- Livres, musées, cinéma

En somme, les scènes de vie et les mœurs de New York.
La création d’une couverture prend souvent des semaines, parfois des mois ou des années.

La DA, Françoise Mouly, est en dialogue permanent avec plein d’artistes.

Lorsqu’un concept est intéressant, elle échange avec l’artiste sur ses croquis jusqu’à perfectionner l’idée. ⬇️
Autre exemple.

Les tâtonnements avant d’arriver à l’une des couvertures les plus mythiques du New Yorker, la scène du métro par Anita Kunz. ⬇️
Même si le New Yorker traite rarement de l’actu brûlante, il est obligé d’adapter sa couverture face aux événements exceptionnels.

Ce fut par exemple le cas après le tsunami de 2011 au Japon. 🇯🇵

Voici quelques couvertures proposées au New Yorker, puis celle retenue.
Voilà le mur de Françoise Mouly lorsqu’elle choisit la couverture.

Elle estime que pour “chaque couverture publiée, elle en refuse trente”. 🗑

Ouais, c’est pas mal sélectif.

Pour un artiste, la couverture du New Yorker c'est un peu l'équivalent des Jeux Olympiques.
Mouly incite les artistes à chercher l’impertinence, l’irrévérence.

Le plus trash n’est pas publié, ”ça reste entre elle et l’artiste”.

Mais c’est souvent un passage obligé pour arriver à un concept cinglant.

Petit florilège de couvertures impertinentes qui ont fait scandale.
Certaines idées sont franchement excellentes.

Comme cette image de la préparation d’un cocktail coca-mentos, alors que ces vidéos pullulaient sur YouTube à la fin des années 2000.

Pour Françoise Mouly, c’est drôle car ça rit de la paranoïa des américains après le 11 septembre.
Cette couverture est finalement annulée.

Pas parce qu’elle est jugée trop trash… mais simplement car le magazine redoute que son lectorat n’ait pas la référence du coca-mentos.

Au New Yorker, on n’a pas peur que la couv fasse des vagues tant que le lecteur capte la malice.
Avec Françoise Mouly, le New Yorker se politise progressivement.

Pour la première fois en 2004, le magazine prend parti lors de la présidentielle en faveur de John Kerry.

Puis il le fera à nouveau en faveur d’Obama en 2008 et 2013, puis de Clinton en 2016.
Bref, tout ça pour dire que le New Yorker est devenu un monument de la pop culture ces trente dernières années, et particulièrement ses couvertures.

A tel point que les posters se vendent comme des petits pains et que le tote bag “New Yorker” est un argument de vente. 💸
Le magazine est même entré au panthéon de la pop culture puisqu’il apparaît dans les Simpson en 2002 !
Voilà un petit tour rapide des coulisses du New Yorker.

Il y a encore beaucoup à dire sur ce sujet, je travaille dessus !

Je me pose la question du format, vous avez une préférence ?
En attendant j’ai créé un compte avec lequel je partage chaque jour une couverture tirée des archives du New Yorker: @NewYorkerCovers
Voilà c'était chouette de travailler sur ce format.

Si vous avez aimé, n’hésitez pas à RT ! :)
Un chouette complément, merci @paulhbaptiste ! ⤵️ https://twitter.com/paulhbaptiste/status/1259185583131328519?s=20
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