Thread sur les émeutes et le massacre de Mai 1967 en Guadeloupe ⬇️⬇️
Incidents parfois méconnus du grand public, ce que nous appelons « Mé 67 » a grandement marqué les mémoires des Guadeloupéens ainsi que des Antillais en général. Mais avant, contextualisons tout cela. Tout commença le 20 Mars 1967 dans la ville de Basse-Terre.
Vladimir Srnsky, riche propriétaire blanc, lance son berger allemand sur Balzinc, cordonnier noir handicapé qui avait installé son commerce en face de celui de Vladimir. Ce dernier aurait dit à son chien « dis bonjour au nègre » avant de l'envoyer attaquer le pauvre vieillard.
Srnsky était le responsable local de l'UNR, le parti gaulliste. Il était un proche de Jacques Foccart, homme de main de De Gaulle, connu aussi sous le nom de « Monsieur Afrique ». Ces deux là furent d'ailleurs les 1ers acteurs des atrocités commises lors de cette période.
Secrétaire général de l’Elysée aux affaires africaines et malgaches de 1960 à 1974, Jacques Foccart est à l'origine du concept « FrancAfrique ». Il effectuait les basses besognes pour le gouvernement et fut le fondateur du SAC, police parallèle du régime.
À la suite à cette agression raciste, une révolte populaire éclata mais fut sûrement réprimée. On compte une cinquantaine de blessés et des dizaines d'arrestations. Srnsky sera exfiltré et ne sera jamais jugé. Le préfet Bolotte, futur architecte de la BAC, le couvrira.
Ces tensions entraînèrent en partie le grève des ouvriers du bâtiment à partir du 24 Mai 1967. La grève reçois un soutien total de la part des Guadeloupéens. Les ouvriers demandent une augmentation de salaire de 2,5% et l'égalité des droits sociaux par rapport à l'hexagone.
Mais le patronat refuse toute négociation. Le gouv. craint une insurrection et accuse le GONG (Groupe d'organisation nationale de Guadeloupe) de fomenter la grève. Il s'avèrera que ce soulèvement était spontané et n'avait rien à voir avec le GONG, bien qu'il soutenait la grève.
Le 25, les ouvriers décident l'arrêt complet du travail. Le 26 Mai au matin, ils sont rassemblés devant la Chambre du commerce, place de la Victoire, où ont lieu les négociations. Ils sont rejoints par les étudiants et les lycéens.
La tension monte. D'autant qu'un syndicaliste explique à la foule que Georges Brizard, président du syndicat des entrepreneurs du bâtiment aurait déclaré « lorsque les nègres auront faim, ils reprendront le travail ».
C'est là que tout part en vrille. Les manifestants jettent de nombreux projectiles. Les CRS répliquent avec des jets de lacrymo, des coups de matraque et de crosse. Une armurerie aurait même été dévalisée par les manifestants.
C'est avec l'aval du pouvoir central que va se dérouler un crime d'État. Vers 15h, les CRS tirent. Jacques Nestor, militant populaire du GONG, s'effondre, une balle dans le ventre. Il a été délibérément visé. Un autre manifestant, Ary Pincemaille, prend une balle en pleine tête.
Le soir, une véritable chasse à l'homme commence. Les « képis rouges » (garde-mobiles), appelés en renfort nettoient la ville et tirent sans sommation. Des blessés et même des morts sont enlevés dans les hôpitaux. Ils disparaîtront purement et simplement.
Le libraire Hubert Jasor, sévèrement tabassé et emmené dans la cour de sous-préfecture, confierai avoir entendu :
« Les morts on les fout à la darse (bassin du port où accostent les cargos) ou à la gabarre (le pont séparant Grande Terre de Basse Terre) ».
Ce même jour les ouvriers grévistes obtiennent finalement une augmentation de 25%... Mais à quel prix ?
Cette répression sanglante s'est aussi soldée par de nombreuses arrestations. En Février 1968, 18 Guadeloupéens sont jugés devant la Cour de Sécurité de l'État pour « atteinte de l'intégrité du territoire national »...
Parmi les témoins de la défense auditionnés : Aimé Césaire, Jean-Paul Sartre ou encore Michel Leiris. 13 sont acquittés, les autres écopent de peine de prison de 3 à 4 ans de prison avec sursis. Ces tueries de Mai 1967 doivent être replacées dans un contexte plus large.
Cette répression sanglante des mouvements sociaux ultramarins n'est pas une 1ère.
En Février 1952, 4 personnes sont tuées au Moule. En Décembre 1959, des émeutes se sont soldés par 3 morts en Martinique.
Enfin, le contexte international a également pesé. Celui de la décolonisation des années 1960, de l'accession de Castro au pouvoir à Cuba et de l'émergence de mouvement des non-alignés sur une ligne anti-colonialiste.
En Janvier 1966, le Parti Communiste Guadeloupéen et le GONG ont assisté la conférence tricontinentale de la Havane et ont signé une motion sur l'indépendance de l'île. Le pouvoir, 1er rang Jacques Foccart, craint que le statu quo départemental ne soit remis en cause.
D'ailleurs à l'époque, le livre Peau Noire Masque Blanc de Frantz Fanon, figure de l'anti-colonialisme et du tiers-mondisme est saisi par la police.
Mais quand est-il du bilan de ce massacre ?
Le bilan officiel communiqué par la police le 30 Mai 1967 fait état de 7 morts. Le 20 Juin de la même année, la police reconnaît 8 morts. Mais dès le procès des indépendantistes en 1968, on parle de dizaines de victimes.
Le gouvernement Mitterrand déclare en 1985 que le bilan serait de 87 morts, mais sans que les noms des victimes soient révélées. En 2008, des associations parlent de 100 à 200 morts.
D'après le rapport de l'équipe d'historiens de Benjamin Stora « nombreux sont ceux qui avancent que des familles auraient elles-mêmes directement récupéré des corps sans prendre le risque de les déclarer par peur des représailles ».
« Un parallèle peut être fait avec la répression delà manifestation des Algériens de 17 octobre 1961 à Paris et en région parisienne »
Les archives de l’Etat, inaccessibles pendant cinquante ans, sont désormais ouvertes depuis Mai 2017. Mais certaines resteront encore inaccessibles pendant 50 ans de plus. Des documents précieux concernant les hôpitaux et certaines mairies ont disparu.
L’UGTG, Union générale des travailleurs de la Guadeloupe, a porté plainte contre l'État français, le maire de Pointe-à-Pitre de l’époque, ainsi qu’un gendarme ayant participé au massacre.
Mais de nombreux responsables, jamais jugés, sont aujourd’hui décédés. Notamment Jacques Foccart en 1997 et le préfet Bolotte en 2008. Les associations regroupées au sein du collectif « Doubout pou Mé 1967 » demandent vérité, justice et réparations envers les familles de victimes
Mé 67 fait sans doute partie d'un des évènements les marquants dans la lutte moderne pour l'émancipation dans les Antilles Françaises. Quoi qu'il en soit nous devons nous rappeler de ces frères Guadeloupéens, morts pour avoir exiger leurs droits et le respect qu'ils méritent.✊🏾
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