▶️ LES FEMMES DANS LES GUERRES DE VENDÉE (1793-1796)

De nombreux mythes, et notamment celui des « amazones guerrières », entourent les femmes ayant pris part aux soulèvements de l’Ouest royaliste contre la Convention. Au-delà de ces mythes, il s’avère qu’elles ont bel et bien -
joué un rôle réel dans les affrontements des guerres de Vendée, rôle qui a pu prendre différentes formes.
Passant premièrement par la contestation des réformes religieuses et de la Constitution civile du clergé, où elles ont joué un rôle très important et de premier plan, -
les femmes ont ensuite poursuivi la lutte aux côtés de l'Armée Catholique et Royale, auprès de laquelle elles ont défendu « la Cause » au même titre que leurs homologues masculins. Leur foi et la volonté de défendre les valeurs religieuses était certainement ce qui a le plus -
motivé les femmes dans leur engagement. Une place peu importante est accordée aux vendéennes dans l’historiographie des guerres de Vendée. Il y a effectivement un grand manque d’ouvrages qui leur sont entièrement consacrés. Néanmoins, on retrouve beaucoup d’écrits qui les -
évoquent, notamment des mémoires de contemporains et de contemporaines de la période (les plus célèbres et les plus lues sont certainement celles de la Marquise de La Rochejaquelein).
Certaines femmes ayant pris part aux guerres de Vendée se sont effectivement faites dépositaires du souvenir des événements. Par la rédaction de leurs mémoires, elles ont créé une vision originale de la guerre : en tant que survivantes et veuves des héros, elles sont devenues -
les gardiennes d’une mémoire collective, mais ont également transcrit une expérience de la guerre qui s’avère plus typiquement féminine.
🟣 Le mythe des amazones vendéennes

Le mythe le plus connu des guerres de Vendée est certainement celui des « amazones vendéennes », ces femmes qui auraient porté les armes et auraient même certaines fois conduit les armées royalistes au combat contre les troupes de la -
Convention. Ce mythe est notamment évoqué par la Marquise de La Rochejaquelein dans ses mémoires et elle s’évertue à le nuancer. Cependant, la présence de femmes soldats au sein de l’Armée Catholique et Royale est reconnue, et bien qu’elle soit relativement anecdotique, elle ne -
demeure néanmoins pas négligeable. Certaines vendéennes ont effectivement porté les armes. Des demandes de pension datant de l’époque de la Restauration l’attestent, ainsi que des témoignages de contemporains. Parmi eux, celui du commissaire civil aux armées de l’Ouest -
Antoine-François Momoro. Il exprime la présence de vendéennes portant les armes en ces termes : « On peut donc considérer comme ennemie toute la population du pays, y compris les femmes qui leur servent d'espions, et de soldats au besoin, même de canonniers ; car on en a tué -
plusieurs, soit dans les rangs, soit aux pièces, dont on a reconnu ensuite le sexe déguisé. » Cette citation met aussi l’accent sur une autre caractéristique des femmes qui décidaient de prendre les armes ; elles se travestissaient en hommes.
La plupart des femmes devaient -
probablement prendre les armes occasionnellement. Cependant, un petit groupe de soldates semble avoir été permanent, les « Amazones de Charrette », des femmes nobles de l’armée du Marais (l’Armée Catholique et Royale comptant au sein de ses rangs des femmes de toutes conditions)-
La plus célèbre d’entre elle est certainement Céleste Bulkeley, dont l’illustration a pendant longtemps figuré dans les manuels d’Histoire du XIXème siècle. Des biographies romancées du personnage sont également parues.
Bien qu’elles furent un phénomène particulièrement marginal au sein de l’Armée Catholique et Royale, certaines vendéennes ont donc bel et bien porté les armes. Les femmes semblent avoir aussi joué le rôle d’espionne. Pour exemple, Marie Lourdais, auprès de François Charrette de -
La Contrie. Elles ont aussi pu servir d’intermédiaires lors de négociations secrètes (Mme Gasnier). Elles ont aussi joué le rôle de messagères (Marie Greland, François Després, la veuve Foucher…).
Il existe de nombreuses légendes autour les soldates vendéennes. Une véritable -
hagiographie en découle. Parmi les plus célèbres figures qui font office d’héroïnes, on trouve notamment celle de Renée Bordereau (dite Langevin), qui aurait tué de sa main une vingtaine de républicains. On y trouve également Mlle Regrenil, que l'on appela La Hussarde, Jeanne -
Robin, qui se battait, suivie de son grand chien roux, Chanzeaux, mais aussi l'épicière Laîné, à qui l'on donna le surnom de chevalier Adam. Ces grandes figures sont représentées dans l’iconographie associée aux guerres de Vendée, et nombre d’entre elles ont rédigé des mémoires -
qui relatent les événements qu’elles ont vécu.
🟣 Rôle majoritaire des femmes dans les guerres de Vendée

Au-delà du rôle militaire occupé par certaines femmes dans l’Armée Catholique et Royale, la plupart d’entre elles semblent cependant avoir cependant agit davantage au sein des sphères religieuses et privées. Elles ont -
également eu un rôle très important voir indispensable dans le domaine de la logistique (notamment à travers le ravitaillement, en travaillant par exemple comme cantinières, ou encore en fabriquant des munitions). Elles servaient aussi de soutiens moraux aux soldats. Certaines -
femmes suivaient également l’Armée Catholique et Royale dans le but de travailler comme prostituées (ce qui étaient particulièrement mal vu dans le camp royaliste, elles étaient accusées d’être des sources de débauche). On trouve également des femmes qui occupaient le rôle -
d’infirmières, et ce qu’elles soient laïques ou religieuses, indépendamment de leur condition sociale.
Elles mènent notamment des oppositions aux prêtres assermentés dans les campagnes blanches, participent aux processions nocturnes qui défient les autorités dans toute la région-
à partir de 1792, ou bien elles défilent contre les prêtres réfractaires et les religieuses dans les villes. Certaines encouragent aux règlements de compte ou participent à des assassinats de « bleus ». Elles peuvent également participer à la dissimulation de soldats vendéens ou-
de prêtres réfractaires, au péril de leur vie. Les femmes contre-révolutionnaires obtiennent également une reconnaissance plus importante de leurs actes militants que les révolutionnaires.
Instigatrices des révoltes, certaines se retrouvent pendant un temps dans les premiers comités contre-révolutionnaires, créés après mars 1793 qui remplacent les municipalités, même si les sources ne détaillent nullement leurs interventions ni leur nombre
Leur rôle se limitait -
parfois à être des compagnes de soldats (elles suivaient l’armée avec leurs enfants). Beaucoup se sont contentées d’occuper cette place, pensant y trouver protection contre les interrogatoires et les arrestations. D’après les combattants vendéens, elles furent un fardeau pour -
les armées lorsqu’elles les suivaient en très grand nombre. Beaucoup d’entre elles périrent d’ailleurs, notamment durant la Virée de Galerne. D’autres virent leurs proches périrent sous leurs yeux. La plupart des femmes se révèlent suivre seulement leurs maris et subir les -
événements. Elles ont souffert de la guerre tout comme les hommes. Elles furent soumises à la répression au même titre que les hommes, ce qui prouvent que les républicains les redoutaient tout autant. Alors que les insurgés vendéens semblent s’être livrés à très peu de violences-
à l’égard des femmes, il n’en fut pas de même avec les armées de la Convention, où les viols étaient monnaie courante (surtout dans les endroits où l’autorité locale avait disparu). Les prisonnières les plus belles peuvent également échapper à la mort si elles épousent un -
révolutionnaire.
🟣 Historiographie : point de vue républicain et royaliste sur les femmes dans les guerres de Vendée

L’image donnée du rôle des femmes est complètement opposée en fonction des partis pris et orientations politiques des ouvrages historiques. Cela est caractéristique de la -
dualité d’une historiographie militante. Les vendéennes peuvent être anges ou démons. Cette dichotomie se retrouve également dans l’iconographie et la littérature. -
Les femmes occupent une place plus importante dans la littérature contre-révolutionnaire que révolutionnaire. Elles sont notamment utilisées comme des figures de martyrs ou d’héroïnes. Elles sont vues, pour certaines d’entre elles, comme de grandes figures résistantes de la -
Contre-Révolution (reprise du mythe des amazones vendéennes évoqué précédemment) et comme des « gardiennes des idéaux religieux susceptibles d’orienter la vie publique ». Les femmes militantes contre-révolutionnaires obtiennent une reconnaissance de leurs actes bien plus -
importante que les révolutionnaires. Cela s’explique par le double paradigme qui caractérise deux visions opposées de la femme ; tandis que sous la période dite « d’Ancien Régime » la femme avait une place dans la sphère publique, les révolutionnaires, s’inspirant de la morale -
bourgeoise, veulent relayer la femme à la sphère privée. Chez les contre-révolutionnaires, il y a une véritable reconnaissance d’un héroïsme militaire féminin, bien que celui-ci apparaisse comme exceptionnel et soit parfois mal vu par certains.
-
Dans la tradition historiographique républicaine, à contrario, la femme est vue comme l’une des pièces essentielles du complot clérico-nobiliaire par lequel on a coutume d'expliquer la révolte. Les républicains font souvent état d’un fanatisme féminin et tiennent bien souvent -
les femmes responsables de tous les complots voir même du soulèvement vendéen lui-même (une thèse qui fut bien sûr nuancée par les historiens qui montrent qu’au contraire, bien des femmes ont essayé de dissuader leurs époux de partir à la guerre). Les républicains associent -
également étroitement les femmes et le clergé réfractaire, les accusant de connivence dans des complots qui visent à contrer la Révolution. -
Dans une lettre du 11 décembre 1793 au Comité de Salut Public, Carrier parle des vendéennes en ces termes « Il est bon que vous sachiez que ce sont les femmes qui avec les prêtres ont fomenté et soutenu la guerre de la Vendée, que ce sont elles qui ont fait fusiller nos -
malheureux prisonniers, qui en ont égorgé beaucoup, qui combattent avec les Brigands et qui tuent impitoyablement nos volontaires quand elles en rencontrent quelques-uns détachés dans les villages. ». -
Dans les mémoires de Durocher, on trouve également l’illustration de ce lien étroit qui est fait entre les femmes et le clergé dit « réfractaire » dans l’imaginaire républicain. « Les prêtres réfractaires s'étaient emparés du sexe le plus faible et le plus séduisant (…) ». -
En conclusion, le rôle des femmes dans les guerres de Vendée apparaît aussi important que celui de leur homologue masculin, même s’il est parfois différent. La participation de ces femmes s’inscrit aussi dans un imaginaire et dans une historiographie postérieure aux événements, -
qui comme de nombreux autres éléments, est instrumentalisé politiquement, à la fois par les républicains et par les royalistes. Les vendéennes furent aussi les gardiennes d’une mémoire, notamment à travers les récits qu’elles ont fait des évènements vécus. L’historiographie des -
guerres de Vendée traite encore très peu de cette thématique, bien que des historiens comme Jules Michelet ou encore Emile Gabory aient à une époque, consacré des travaux aux vendéennes.
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