Ce qui est aussi insupportable dans cette idée du #coronavirus comme préfiguration du changement climatique, c'est notre aveuglement quant à la temporalité : ça fait des années que le changement climatique est là, et qu'il aurait dû nous avertir. Mais on ne veut pas le voir. 1/.. https://twitter.com/Gemenne/status/1254017961922347008

On le voit comme un adversaire futur, parce que les morts ne sont pas à nos portes. Ce sont des Africains, des Arabes, des Asiatiques. Et donc, vu d'Europe, on s'en fiche. Si on le voit comme la "prochaine catastrophe", c'est d'abord parce qu'on est obsédés par nous-mêmes. 2/..

La réalité, c'est que le changement climatique est déjà là, depuis des années. Chaque année, il y a des millions de victimes, des millions de déplacés. Mais à part ça, le coronavirus est un "avertissement", hein... Je n'en peux plus de cet égoïsme, de cet aveuglement. 3/..

Le résultat, c'est qu'on ne parle plus que de nos trajectoires d'émissions de gaz à effet de serre, et plus du tout de l'urgence de l'adaptation. Je ne dis pas que nos trajectoires d'émissions ne sont pas importantes. 4/..

Mais les impacts du changement climatique que subiront les jeunes et leurs enfants sont déterminés par nos émissions passées, bien plus que par nos émissions futures. Si on veut leur garantir un avenir, ça se joue dans l'adaptation et le développement. 5/..

Mais on ne veut pas voir ce qui se passe au-delà de nos frontières. D'ailleurs on veut surtout les fermer en ce moment, et on se dit qu'on pourrait aussi arrêter de prendre l'avion, tant qu'à faire. Comme ça on prendra des nouvelles de l'Afrique par visioconférence. 6/..

Je suis très inquiet de cette écologie où on joue à qui sera le plus dogmatique, et où l'horizon s'arrête aux destinations qu'on pourra rejoindre par train de nuit, à travers des bio-régions auto-suffisantes. 7/..

Ceux qui voient le coronavirus comme un 'avertissement' font la même erreur que les collapsologues : ne se tracasser de l'effondrement que pour nous-mêmes; parler des risques futurs pour masquer notre aveuglement aux réalités présentes, mais situées au-delà de nos frontières. 8/.

Aujourd'hui, ce qui me tracasse encore plus que la fermeture des écoles, des magasins et des restaurants, c'est la fermeture des frontières. Et je vois monter cette écologique qui voudrait les garder fermées, qui voudrait se débarrasser de la mondialisation et de l'avion. 9/..

C'est le plus sûr moyen de préparer un monde nationaliste, replié sur lui-même. La grande alliée du nationalisme, ce pourrait être l'écologie de l'avocat : verte à l'extérieur, mais avec un noyau brun. 10/10

PS: Sur l'avion, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : bien sûr que le rythme de croissance du trafic aérien est insoutenable, bien sûr que les compagnies aériennes doivent en faire plus, bien sûr que certains vols sont injustifiables. Mais ce n'est pas tout. I/..

A ceux qui voudraient qu'on laisse tomber Air France ou Brussels Airlines et leurs travailleurs : c'est quoi l'alternative ? Soit on laisse Ryanair opérer tous les vols (bon courage pour réduire les émissions), soit on garde les frontières définitivement fermées. II/..

A tout prendre, je préfère une compagnie nationale dont on pourra un peu orienter les choix. Et je préférerais que ceux qui disent fièrement qu'ils ne prendront plus jamais l'avion se tracassent un peu plus des activités de Bolloré, Total ou Lafarge en Afrique. III/..

Parce que s'ils veulent trouver de vrais salauds et de vrais 'criminels climatiques', c'est là qu'ils vont les trouver. Pas chez AirFrance ou Brussels Airlines. Mais c'est plus simple de fermer les frontières et de ne pas les voir, évidemment. IV/IV