On dit et on parle beaucoup des CHSLD. Je viens de terminer ma première semaine là-bas pour répondre à l’appel de l’État. 6 jours en ligne pour 50 heures de travail. De professeur d’université, je suis passé à préposé aux bénéficiaires et aide au ménage.

J’applique la maxime de Lichtenberg : savoir beaucoup, non pas pour le montrer, mais pour s’en servir. Mon CHSLD se trouve en Outaouais. Il est en milieu rural et pas (encore) touché par la COVID 19. Le Centre compte une trentaine de résidants.

À 95 %, ce sont de femmes qui y travaillent. Des femmes magnifiques et, à maints égards, héroïques. Pour une moyenne de 22 $ de l’heure moins impôts, elles soignent, lavent, nourrissent et aiment vos grands-parents.

Elles sont obligées de tout faire cela, mais pas de les aimer. Et pourtant… Elles blaguent avec eux, leur font des câlins, se préoccupent de leur santé. Cette semaine, un résidant est mort (pas de la COVID 19).

Grand chagrin pour ce vieil homme simple et de peu de mots. « Il nous remerciait avec les yeux ». Elles, ces femmes, le voyaient, pendant que la plupart regardent sagement ailleurs.

J’ai travaillé 50 heures à mettre des dentiers, habiller des gens, désinfecter des bains, distribuer des repas, plier le linge, chercher la poupée perdue d’une dame atteinte d’Alzheimer et qui était inconsolable de cette perte.

À ma pause, à 9 h 15., je lisais sur twitter combien de personnes s’ennuyaient chez eux. Pourtant, malgré cela, nul ne songeait à aller changer des culottes de rétention aux CHSLD le plus proche, distanciation oblige, sans doute…

Il n’y plus personne dans cette nation pour laisser séance tenante ce qu’il ne fait pas, pour aller prendre soin de ceux qui ne peuvent plus rien faire.

Il est certain qu’avec 2000 $ par mois pour plusieurs, et 1700 $ pour les étudiants, pourquoi ferait-on quoi que ce soit ? Cet argent achète une réélection au prix d’une génération qui ne rapporte plus rien.

Du reste, pourrait-on reprocher à ceux qui n’ont personne en CHSLD de ne pas soucier de ceux qui sont déjà, trop souvent, délaissés par leurs propres enfants ? Il y a une DPJ. Il est l’heure d’avoir une DPV (Direction Protection Vieillesse).

Le CHSLD où je retournerai travailler lundi, pour une autre semaine de 50 heures, n’est pas encore touché par la COVID 19. Mais ce n’est peut-être qu’une question de temps.

Au fond, il semble que l’on s’en moque bien. Sauf mes camarades de travail, si courageuses, qui sont à fleur de peau, qui pleurent pour un rien, qui sont « à boutte ».