Voici enfin le début de l'analyse de ce bouquin ! Tout analyser ne sera pas possible car il est assez long, je vais me pencher sur certains chapitres.
Pour commencer en beauté, un peu d'histoire de l'amélioration végétale !⬇️⬇️⬇️ https://twitter.com/Hcomosa/status/1242391813387935745
Cet article a été écrit en grande partie par Jean-Pierre Berlan, ancien économiste à l'INRA. Il s'appelle sobrement "Clones, clowneries, cloneries: La sélection industrielle, des origines aux clones chimériques brevetés".
L'article commence par rappeler comment fonctionne le monde semencier aujourd'hui. Une variété doit faire l'objet d'une validation (certification d'obtention végétale) qui exige 3 critères : (1) distinction de la nouvelle variété de ce qui existe déjà;
(2) homogénéité au sein de la nouvelle variété et (3) stabilité au cours du temps.
Il commence par vivement critiquer ce système, blâmant le manque de diversité au sein d'une variété donnée qui en découle. D'ailleurs il réfute le terme 'variété' pour l'appeler 'clone'.
Ainsi, on 'remplace' une variété-population (qui contient une diversité de génotypes/phénotypes) par un clone du meilleur d'elle-même (= une sélection des meilleurs caractères de la population). Il voit ceci comme érigé en dogme aujourd'hui, et qui "cache une mystification".
Il aime bien le terme "mystification", il reviendra plusieurs fois.
Donc en se basant sur ce concept de "variété-clone", il part sur l'histoire récente de la sélection végétale en 3 phases, toutes basées sur l'obtention de "clones".
1. "Clonage homozygote" au XIXe
2. "Clonage hétérozygote" au XXe
3. "Clonage transgéninque breveté" au XXIe
Commencons par le clonage homozygote.
C'est ce qu'il définit par l'action de sélectionner la meilleure plante du champ, puis de multiplier uniquement celle-là.
Ce qui mène à l'abandon de la diversité génétique de tout ce qui n'a pas été conservé. C'est le principe de la sélection classique depuis la domestication des espèces, la div. gén. est réduite car on garde uniquement les traits les + intéressants et ainsi améliorer la culture.
Comme nous l'explique le @gnis, la variété homogène, contrairement à la var. population, permet en outre (1) une homogénéité bien utile pour la culture et la récolte (particulièrement mécanique !) et (2) une adaptation
Donc les variétés population, c'est vraiment pas optimal car hétérogène ! Et puis n'oublions pas que la diversité génétique n'est pas perdue, vu qu'elle est stockée dans des banques de graines, la plus connue étant au Spitzberg (image Wikimedia Commons, User:Huntster).
Ce sont des stocks où il est possible d'aller puiser des gènes pour n'importe quel nouveau programme de sélection.
En plus, les méthodes modernes permettent de ré-augmenter la diversité génétique des espèces cultivées, comme ici chez la tomate. https://twitter.com/agritof80/status/1250525122840190976
Cependant, le point de vue de l'auteur est que c'est homogène → il y a moyen de déposer un droit de propriété dessus → c'est le MAL.
Mais, je cite, "Pour les transnationales agrotoxiques qui ont pris le contrôle de l'industrie des semences, ce système est caduc".

On passe donc au niveau supérieur au XXe avec le "clonage hétérozygote", alias los famosos hybrides F1 !
Cette section commence par raconter l'histoire de Georges Shull, qui a contribué à développer les premiers hybrides F1 en mettant au point une méthode pour créer des variétés homogènes à croiser, chez le maïs.
Dans les grandes lignes :
- Sélection des meilleurs génotypes dans les variétés population et autofécondation successive pour augmenter l'homozygotie (=proportion d'allèles sous la forme homozygote) chez les 2 parents. Cela permet d'obtenir des lignées pures et donc stables.
- Croisement des parents pour obtenir les semences hybrides.
Le croisement entre génotypes éloignés permet d'obtenir une plante qui a un phénotype particulièrement intéressant, plus que la somme des parents, c'est ce qui s'appelle l'"hétérosis" ou "vigueur hybride". https://twitter.com/DurocYann/status/1206637453194547200
Ce mécanisme, encore assez mal compris, peut s'expliquer par (1) la "dissimulation" d'allèles délétères récessifs; (2) certains loci où l'hétérozygotie est avantageuse = overdominance (p. ex le cas bien connu drépanocytose vs résistance à la malaria chez les humains);
(3) mécanismes d'épistasie (= interaction entre allèles à différents loci).
Source: Fu et al. (2015)
Dans le bouquin cependant, c'est toujours le MAL² parce que la variété hybride, en plus d'être homogène, donne une descendance hétérogène car les caractères des parents se redistribuent aléatoirement chez les individus de la génération suivante.
Donc les agriculteurs doivent racheter leurs semences !
"Shull a inventé le premier Terminator"; "en finir avec la gratuité de la vie"; "Est-il exagéré de qualifier la trouvaille de Shull de plus grande escroquerie scientifique de l'histoire", etc...
Pourtant, l'hétérosis est un énorme avantage...! Mais le bouquin le balaye en le qualifiant de "diversion" et de "mystification de la réalité".
Je cite : "Aussi juste que soient ces considérations biologiques sur l'hybridité, l'hétérozygotie, l'hétérosis, la vigueur hybride, aussi élégant et convaincant que soit le raisonnement de Shull, aussi fascinante du point de vue scientifique que soit la vigueur
hybride, etc., tout ceci n'est qu'une diversion. En réalité, Shull a découvert une méthode permettant de fabriquer des clones de maïs pour étendre la technique d'amélioration de La Gasca/Le Couteur** à une plante hétérozygote".
**La Gasca/Le Couteur ayant mis en avant les variétés homogènes (mais homozygotes).
Donc en résumé, l'hétérosis c'est intéressant et reconnu, mais OSEF parce que les variétés sont homogènes.
On passe maintenant à la 3e section, avec les, je cite, "soi disant OGM ou clones chimériquement brevetés".
Bon déjà il part du principe que OGM = breveté. Quid du riz doré ou la papaye de Hawaii ou les nombreux autres projets que les institutions de recherche publique voudraient développer ? Ou les non-OGM brevetés ? https://twitter.com/DurocYann/status/1241307839013978112
Ceci dit, on commence par un propos très intéressant: "Les êtres vivants sont constamment "génétiquement modifiés" puisqu'à chaque génération ils sont le fruit d'un brassage unique de gènes. Le terme "Ogm" n'a donc aucun sens précis".
→ OUI EXACTEMENT !
Mais c'est vite oublié et ont part dans de l'essentialisme en considérant les OGM comme des "chimères fonctionnelles".
On a une petite explication de la découverte de la structure de l'ADN et de la formulation du dogme central de la biologie moléculaire (gènes (ADN) → ARN → protéines).
L'auteur suppose que ce dogme est le principe de base des OGM (il parle de transgenèse), car on supposerait qu'un "gène étranger particulier sera précisément répliqué lors de chacune des milliards de divisions cellulaires". Ça ne lui semble pas crédible.
OK, mais ce raisonnement s'applique tout autant à des caractères obtenus par sélection classique...
Plus loin, on apprend que "notre espèce ayant 3x à 10x plus de protéines que de gènes, les biotechnologies n'ont plus de fondement scientifique" (SIC).
Ben si, parce que quand on a l'intention de faire un transfert d'un gène, on l'étudie en profondeur pour savoir comment il est régulé & exprimé...
"C'est oublier que personne n'échappera à l'agriculture et l'alimentation chimérique et qu'un risque minime que l'on fait prendre sans les consulter à 6 Mds d'êtres humains et à leur descendance implique des catastrophes à une échelle sans précédent".

Rien que ça.
Pour finir, il rappelle encore que OGM = breveté, ce qui est toujours faux.
Allez, une petite perle pour finir : "les généticiens, sélectionneurs, agronomes scientifiques, prisonniers des illusions de la "méthode scientifique"** (sic) et incapables de comprendre que l'objectivité résulte d'un processus de réflexivité critique, se sont
constament trompés en nous trompant (re-sic), mais sans jamais se tromper sur les intérêts qu'ils devaient servir. Faut-il dès lors continuer à leur faire confiance ?"

**aah ces "intégristes méthodologistes"... 🙄
Il y a ensuite une conclusion qui rappelle plus largement la "décadence" de l'agriculture moderne. En citant la dégradation des sols, l'irrigation importante. Puis il cite un exemple d'association de plantes qui protège d'un insecte.
A ce propos je rappellerais ceci ↓ https://twitter.com/agritof80/status/1253280511021154305
Pour conclure, j'ajouterai que ceci donne une vision très simpliste de l'amélioration végétale. Il n'y est pas cité (ou marginalement) les modes de sélection "massale", l'introgression, la sélection assistée par marqueurs, les évènements de
polyploïdisations et tout ce qui rend l'amélioration végétale si complexe et puissante.
Voilà c'est tout pour ce chapitre, merci pour la lecture ! Et merci à @DurocYann pour la relecture et les suggestions.
La prochaine fois on parlera de climato-négationnisme (oui oui).
Sources :
- Fu D, Xiao M, Hayward A, Jiang G, Zhu L, Zhou Q, Li J, Zhang M (2015) What is crop heterosis: new insights into an old topic. J Appl Genetics 56: 1–13
- Priyadarshan PM (2019) Plant Breeding: Classical to Modern. doi: 10.1007/978-981-13-7095-3
Pour tous ceux qui avaient l'air intéressé : @RobinDu03590523 @LChaffouin @MichaelMickha @Codename5281 @LucienMarin @saprinti @GermainAlbespy @roidetoulouse. Ça intéressera sûrement aussi : @AnnaLiseron @TocSheldonToc @agritof80
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