On parle beaucoup du masking autistique, mais j'ai envie de parler du masking quand on est fou. Je sais pas si mon expérience parlera à certain-e ou si je suis un cas isolé mais la façon dont je vis ma folie est loin d'être simple.

Hors crise j'ai pas l'air fou, ou presque, et pourtant.
Depuis le début de mes crises psychotiques et autre symptôme on m'a vite fait comprendre que c'est quelque chose de répréhensible, qu'il faut cacher. J'étais jeune donc je l'ai vite intégré.

[Violence]

A l'époque où je faisais encore des crises spectaculaires il en résultait que je me faisais crier dessus, menacé d'être frappé, menacé d'être puni, culpabilisé. Alors j'ai appris à cacher cette part de moi, j'ai appris à cacher ma folie et à l'exprimer autrement.

Ça passait beaucoup par l'écrit ou le dessin, combien on ne m'a pas dit "tu as beaucoup d'imagination" alors que je cherchais juste à canalyser du mieux possible tout mes démons.
Ça passe aussi par beaucoup, beaucoup de négociation avec les voix.

"Ok, maintenant tout le monde se tait, c'est pas le moment que les gens sachent que vous êtes là"
Cette phrase je dois la répéter une dizaine de fois par jour. C'est épuisant, frustrant, pas toujours gérable. Et parfois ça explose et je perds le contrôle.

[Selfharm]

Avant ça se traduisait par beaucoup de mutilation, les voix me disait "fais toi mal" et j'obéissais. Elles me le dise toujours en ce serait mentir de dire qu'en ce moment je suis pas tenté. Mais là aussi on m'a tellement fait culpabiliser que j'ai dû étouffer ça.

Mais faut pas croire, des moyens de me faire du mal elles en ont trouvé plein, j'ai des voix très ingénieuse. Seulement ça se voit moins. Idem pour les crises. Je tank si fort, tellement fort quand je suis en crise pour pas exploser et tout détruire autour de moi.

Je dois lutter de toutes les forces pour pas frapper tout ce qui se trouve à ma porter, pour pas hurler, pour rester le plus silencieux possible, pour disparaître et prendre le moins de place possible parce-que c'est ce qu'on m'a appris à faire. C'est vraiment épuisant.

Dans la rue quand je suis seul même combat : "ne parle pas tout seul, marche droit, ne secoue pas la tête", sortir seul c'est un vrai combat même si j'ai énormément progressé.
Parfois ça marche pas, je me souviens quand je me suis retrouvé pris dans une manif par exemple.

Je suis juste figé, je me balançais et je parlais tout seul parce-que je pouvais plus masquer et je savais pas réagir et j'étais terrifié à l'idée qu'on me fasse du mal.
En fait, c'est surtout pour ça que je masque si fort : parce-que j'ai peur.

Je masque parce-que je suis terrifié par les autres, ce qu'on peut me faire si je le fais pas, parce-que sinon je serais vulnérable. Même avec mon copain j'ai encore du mal à pas le faire alors que je lui fais 100% confiance.

C'est aussi ça la réalité de la folie, vivre dans la peur permanente que tes troubles soient trop visible et des conséquences que ça peut avoir