25 avril oblige, ce 5e thread sur l’histoire de l’immigration portugaise en France est consacré à la révolution des Œillets et ses conséquences sur les 800 000 Portugais qui vivent alors en France.
25 de Abril sempre (même en confinement)
Je reviendrai dans un autre thread sur l’énorme courant migratoire des années 1957-1974.

En moins de 20 ans, 900 000 Portugais viennent en France, plus de la moitié irrégulièrement

Le 25 avril 1974, presque 10% de la population portugaise vit en France !
Pour comprendre la révolution des Œillets qui met fin à 48 ans de dictature, il faut revenir un peu arrière.

La raison immédiate du 25 avril : les guerres en Afrique. Le conflit commence en 1961 en Angola et s’étend en Guinée-Bissau en 1963 et au Mozambique en 1964
Pour conserver les colonies, Salazar envoie l’armée et, à partir de 1968, le service militaire dure 4 ans

40% du budget passe dans la guerre (la mobilisation est plus importante que celle des USA au Vietnam).

Une bonne partie de l'armement est achetée à la France et à la RFA
Officiellement, la dictature prétend qu'il n'a pas de guerre.
Ce sont des actes de terrorisme menés par des agents de Moscou et de Pékin.
La dictature prétend conquérir les « cœurs et les esprits » et améliorer les conditions de vie d'une population africaine durement exploitée
Eusébio, la star du football du Benfica et de la Sélection nationale née au Mozambique, est approprié par la propagande comme le symbole de ces Africains qui veulent rester Portugais. On médiatise son service militaire (à la Elvis Presley ou à la Johnny Halliday...)
Mais au-delà de cette propagande, la guerre est ponctuée par des atrocités : l’armée portugaise utilise du Napalm et l’action de l’armée est parsemée d’exactions et de massacres (comme celui de Wiriyamu au Mozambique dénoncé dans les journaux anglais en 1973)
En 1966, Luis Cília, né en Angola et exilé en France, chante "a bola" (le ballon) : la tête coupée d'un africain dans laquelle frappent des soldats portugais
(je ne mets pas de photos... je préfère mettre un extrait de la chanson de Cilia)
En 1961, seul le Parti Communiste défend l’indépendance des colonies. Le projet colonial est profondément ancré au sein de l’imaginaire national depuis le 19e siècle et rares sont ceux qui contestent l'envoi de l'armée en Afrique
Toutefois, la guerre devient de moins en moins populaire : pour preuve, la proportion de réfractaires augmente. Au début des années 1970, 20% des jeunes se dérobent au service militaire. Beaucoup partent en France pour trouver un emploi, continuer leurs études
Des comités de déserteurs et réfractaires se forment en France, en Belgique, en Suède. Ils dénoncent la guerre, les soutiens que le Portugal obtient et appuient les mouvements anti-coloniaux. Certains appellent les soldats à déserter avec leurs armes pour préparer la révolution
Avant le 25 avril 1974, il y a une forte effervescence politique de milliers de Portugais en Europe qui refusent la guerre et se mobilisent pour que les pays occidentaux – comme France – ne vendent plus d’armes au Portugal.
Le chiffre de 100 000 déserteurs en France en 1974 est souvent avancé. Une partie d’entre eux est aidé par des associations comme la Cimade. Très peu sont reconnus comme réfugiés par l’OFPRA (mais beaucoup ne demandent pas le statut craignant d’être repérés par les polices)
Au début des années 1970, la guerre est de moins en moins populaire. Elle apparaît sans fin car l’armée portugaise semble ne pas pouvoir la perdre mais toute victoire définitive est peu concevable non plus
L'idée que la guerre est sans fin est renforcée par l'action de Marcelo Caetano le successeur de Salazar arrivé au pouvoir en 1968.
Lui non plus ne veut pas négocier avec les mouvements anti-coloniaux, notamment avec le PAIGC dirigé par Amilcar Cabral.
L'impopularité de la guerre provoque donc une hausse du nombre de réfractaires (notamment parmi les étudiants) mais aussi une baisse du nombre de jeunes qui vont à l’académie militaire.

Dès lors l'encadrement en sous-officiers devient problématique.
En 1973 pour pallier le problème, le ministère de la défense rédige un décret-loi sur la carrière militaire qui provoque la révolte des officiers de métier qui se sentent lésés.

C’est le début des réunions du Mouvement des Forces Armées (le MFA).
Mais, très vite, d’une revendication corporatiste, certains militaires du MFA veulent la fin de la guerre et, donc, de la dictature

Beaucoup de militaires sont fatigués d’une guerre qu’ils savent ne pas pouvoir gagner et qui peut durer indéfiniment
Ils reprochent aux « politiques » de ne pas avoir le courage d’entamer des négociations.

Les militaires suspectent les politiques d’attendre une défaite militaire, comme ce fut le cas à Goa en 1961 et de faire des militaires des boucs-émissaires commodes
Fin 1973, début 1974 des dizaines d’officiers se réunissent et préparent un coup d’état.

2 des généraux les plus prestigieux, Antonio de Spinola, ancien gouverneur de la Guinée-Bissau et Francisco Costa Gomes, ancien chef de l’armée en Angola, sont au courant et laissent faire
Spinola contribue d'ailleurs à la décrédibilisation de la politique coloniale en publiant, début 1974, un livre qui avance une solution politique à la guerre. Il propose un commonwealth portugais
Caetano démet Spinola de ses fonctions à l'Etat-major ainsi que Costa Gomes qui a accepté la publication du livre.

Caetano propose même sa démission au président de la République - le très moqué leader des ultras-salazaristes - qui refuse
La crise politique est profonde et beaucoup pensent à l’époque que c’est l’extrême droite militaire qui va prendre le pouvoir (comme les ultras de la dictature militaire brésilienne l’ont fait en 1968)
Après un coup raté le 16 mars 1974, la révolution, préparée notamment par Otelo Saraiva de Carvalho, qui a combattu en Guinée sous les ordres de Spínola, commence le 24 avril 1974 au soir
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