Depuis la semaine dernière j'ai répondu présent à un mail de l'ARS demandant des renforts médicaux pour des consultations dans un squat de Roms. Bin c'est vraiment déstabilisant et très source de colère à plein de niveaux.

Donc l'asso locale de PASS s'est battue pour mettre un place une consultation médicale sur le site. Avec très peu de moyens comme d'hab. La mairie a consenti a monter 4 petits barnums (montés le matin, démontés le soir même on sait jamais aveccesgenslà).

L'ARS missionne son personnel médical et paramédical pour faire les prélèvements nasaux pour la PCR covid sur le site.

Donc on a des médecins et ide qui n'ont pas vu des patients depuis 20ans (dixit eux-mêmes) qui prennent en charge les patients qui dès le poste "accueil" sont étiquetés "covid fort probable" pour les prélever. Patients qui ne verront donc pas les médecins généralistes présents.

Il est censé y avoir une orientation possible vers un logement en vue d'un isolement si le test est positif. En pratique, le patient est informé de cette possibilité, sans savoir vers quel centre ils sera dirigé.

Comme il y en a plusieurs en IDF et que l'ARS décide de l'orientation après réception du certificat médical confirmant la demande de prise en charge, pour le patient ça revient à "voulez-vous quitter vos proches et aller par vos propres moyens on ne sait où en IDF ?"

Dans la tente "médicale", on est 2 médecins à bosser côte à côte. Confidentialité 0, intimité pour l'examen physique 0. Evidemment comme les gens n'ont pas vu de médecin depuis des mois, on fait plein d'autres truc que du covid.

De la cystite au renouvellement de traitement pour le diabète ou l'HTA qu'il n'avait plus depuis 3 mois au bébé qui est clairement hypotonique avec probablement un problème congénital.

Le tout dans des conditions difficiles, sous la tente en plein soleil, avec le FFP2 sur le nez et la surblouse, avec le bruits environnant (la musique, les discussions, les collègues qui bossent, les enfants qui jouent...),

La discussion se fait en russe. Enfin discussion, c'est un bien grand mot. Il y a un service d’interprétariat par téléphone mais c'est long et pas pratique du tout. Alors on fait avec google translate. Ça permet de choper les mots clés et de faire semblant de se comprendre.

Aujourd'hui j'ai vu un enfant de 7 mois à J5 de fièvre et anorexie, avec un petit tirage sus-sternal et xiphoïdien sans foyer. J'ai géré avec le 15, tout se passe nickel, la régulatrice me souhaite bon courage, ils envoient les pompiers.

Le gros con de chef d'équipage sort de son camion et me dit qu'ils sont pas taxi, qu'il va voir avec sa régul à lui s'il faut le transporter aux urgences parce que le 15 ils sont bien gentils mais bon. Je lui ai dit que cet enfant devait aller à l'hôpital, avec ou sans lui.

Il engueulait la jeune mère de l'enfant en criant qu'il ne parlait pas russe, alors qu'on continuait à discuter paisiblement avec nos google translate.
Il m'a fait poireauter 15 minutes et a finalement emmené cet enfant. C'était une belle prise en charge efficace bienveillante

Le 1er jour, quelques jeunes sont venus pour demander du tramadol, sans problème le justifiant. Je n'en ai pas revu depuis. La plupart des gens qu'on voit a besoin de soins de MG avant tout, et on n'est clairement pas dans les bonnes conditions pour bien les prendre en charge.

On pourrait faire beaucoup mieux en les voyant tranquillement au cabinet. Là il faut voir plein de monde en peu de temps et sans pouvoir bien discuter et les examiner.

La plupart des bénévoles sont des retraités ou pas loin. Certains ont une attitude un peu ambivalente. Ils sont là pour aider, ça on ne peut pas leur retirer, mais parlent un peu comme des côlons.

Ce thread n'a aucun sens et est tout décousu. En définitive, je suis assez déstabilisé par le sentiment que des problèmes très simples prennent parfois des proportions importantes, et que je pourrais bien mieux prendre en charge ces patients dans d'autres conditions.

Ah oui : quand les pompiers étaient là, la municipale est passée, et se sont arrêtés. Les mecs sortent, avec le flashball en main tenu sur la poitrine. Comment mettre à l'aise tout le monde alors qu'il n'y avait strictement aucune insécurité ou même agitation sur le site.