Bon, je me lance dans le racontage de mon audience d'hier car ça m'a interpellée et que les avis/ressentis/expériences de toute personne capable de s'exprimer sans insulter ni généraliser m'intéressent.
J'étais en audience de comparution immédiate, avec le prévenu par visio en raison des circonstances sanitaires actuelles. Je précise que j'étais dans le public, je n'ai pas eu connaissance du dossier autrement que par ce qui s'est dit à l'audience.
Le contexte du dossier est important : il s'agit d'un JH de 30 ans, poursuivi pour avoir menacé de mort son ex-compagne, mère de ses deux enfants dont il est séparé depuis quelques mois (j'y reviendrai) ...
et à l'égard de laquelle il a été condamné pour des violences habituelles sur conjoint à une peine comportant un SME avec interdiction de contact et de soins, puis pour laquelle une ordonnance de protection a été ordonnée et un TGD lui a été donné (à Mme hein, vous suivez ?).
Je reviens sur la date de séparation car la première condamnation pénale est intervenue en fin d'année 2019 / en début d'année 2020 visiblement le couple a repris une vie commune d'un commun accord / le TGD a été donné début 2020 également en raison de menaces de violences.
En l'espèce (ça faisait longtemps que j'avais pas écrit ce mot, j'en frissonne) : le prévenu ne conteste absolument pas les faits. En revanche, il explique que les menaces qu'il a envoyées à une amie commune du couple n'étaient pas destinées à être transmises à son ex.
Il explique qu'il pensait que cette amie avait été bloquée par son ex, et qu'elle ne pouvait donc plus communiquer avec cette dernière. Il ajoute qu'il s'est donc "lâché", qu'il a "vrillé" mais qu'il ne voulait pas atteindre son ex.
Dans la salle de la maison d'arrêt, il se trouve loin de la caméra. Alors on le voit mal depuis la salle d'audience, on ne voit pas ses expressions du visage. Mais on entend qu'il tente de s'expliquer et qu'il ne minimise pas les faits.
Toutefois, il explique que dans son groupe de parole (obligation de soins), les psy les encouragent (eux, les condamnés pour VIF) à exprimer leurs émotions, y compris les plus violentes, à condition que cela ne sorte pas du groupe.
Et voici tout le premier paradoxe : il se rend bien compte qu'un groupe de parole et une amie commune, ce n'est pas pareil. Mais, précise-t-il, à cause du confinement, il n'y a plus le groupe de parole... Alors quand il s'est senti vrillé, il s'est dit qu'il allait s'exprimer.
Son avocat lui précise que c'est une infraction, en dehors d'un groupe de parole, de dire qu'on va tuer son ex-compagne... Il acquiesce. A aucun moment il ne niera les menaces (qui, de toutes façons, sont matérialisées par des échanges Messenger).
Bref, je partage tout cela avec vous car, à considérer que son explication est sincère, je me suis fortement interrogée sur la dangerosité d'un individu qui menace son ex-compagne dans le contexte que j'ai rappelé (conda pour violences, TGD etc)...
& qui, en même temps, explique son acte (constitutif d'une infraction) par un travail thérapeutique qu'il engage en ce moment-même, à la demande de la Justice qui plus est.
Par ailleurs, je me suis beaucoup énervée intérieurement à l'annonce du motif de l'énervement initial : Monsieur voulait que Madame se justifie sur des relations amoureuses passées, existantes ou non. BREF la possessivité maladive habituelle de nombreux violents conjugaux.
Et sur ce point, les avis m'intéressent aussi, mais le mien est clair : on a encore du chemin pour que les hommes comprennent qu'on leur doit rien 🙃 mais c'est un autre débat aha.
Voilà, je sais pas si vous verrez pourquoi ce dossier m'a interrogée peut-être plus qu'un autre. Le mélange de gravité du contexte, de l'explication inédite, du travail thérapeutique engagé mais qui tourne à la nouvelle expression de violence, la possessivité sous-jacente...
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