Thread.

On disait pouvoir séparer l& #39;homme et l& #39;artiste.
C& #39;est-à-dire juger une œuvre sans tenir compte de la personne qu& #39;est son auteur : un mec bien, un salaud, etc.
Là-dessus, il y avait consensus.

Mais ceux pour qui il faut condamner les œuvres AVEC l& #39;artiste disent: non. https://twitter.com/EtienneBoillet/status/1234428762588172289">https://twitter.com/EtienneBo...
... Et disent :

Attends, Polanski, on lui file 25 millions pour faire son film.

Une femme, on lui file pas de fric, elle peut pas faire d& #39;aussi bons films, et donc tout le système est pourri.

Despentes dit :
"Lui", c& #39;est un puissant, c& #39;est un violeur, et il est financé par "eux", qui sont des puissants, et les puissants aiment les violeurs, parce qu& #39;au fond ils sont des violeurs.

Et "nous", on est des dominés, des humiliées.
Bon.
On peut peut-être voir les choses autrement.

Polanski, si on lui a filé 25 millions, c& #39;est parce que c& #39;est un réal de 85 ans ultra-confirmé.
Le bal des vampires, Le pianiste, The ghost writer...

Donc oui, du coup, il peut faire des films. Appelons-le un puissant.
Mais bon, Despentes, si elle a Libé comme tribune, plutôt que d& #39;écrire un thread comme vous et moi, c& #39;est parce qu& #39;elle est une "puissante" comme Polanski, non ?

Parce que, comme lui, elle l& #39;est devenue.
Par son film. Ses livres.
Alors c& #39;est sûr que la meuf abîmée par la vie, par les mecs, les salauds, par elle-même qui s& #39;auto-détruisait, n& #39;avait rien d& #39;une puissante.
Mais c& #39;est fini.
C& #39;est le passé.

Si Grasset est OK pour te publier, et te tire à 100000, ça y est.
Tu es une puissante.
C& #39;est comme ça la vie. Les rôles ne sont pas figés.
Pas éternellement.
Pas pour tout le monde.

Un puissant, le Polanski à qui on finance "J& #39;accuse" ? Oui.

Le Polanski qui abusait de son succès pour abuser de trop jeunes filles ? Pour violer Samantha Geimer ? Oui.
Mais...
Un puissant, le petit Raymond, rebaptisé Roman, qui vit dans le ghetto de Cracovie ? Dont les parents et la sœur sont déportés dans les camps ?
Dont la mère meurt à Auschwitz ?

Non.
Polanski non plus n& #39;était pas puissant. Lui aussi l& #39;est devenu.

A-t-il été un mec bien ? Sans doute.

A-t-il été un salaud ? Assurément.

Et quand, riche, célèbre, il a retrouvé sa femme, enceinte (comme sa mère déportée), tuée par la bande de l& #39;immonde Charles Manson...
C& #39;était qui, Polanski, à ce moment-là ? C& #39;était un puissant ?

(tiens, dans les bonnes âmes qui voulaient boycotter "J& #39;accuse", parce que l& #39;art aussi est politique, certaines avaient peut-être acheté des CD de Marylin MANSON) (c& #39;est pas pareil ?) (faut pas confondre ?) (en effet)
On ne regarde/juge pas le film du gamin seul et orphelin, victime des nazis.

Ni le film du jeune veuf dont la femme a été trucidée.

Ni le film du type qui a violé une fille de 13 ans.

On regarde l& #39;œuvre d& #39;un réalisateur (+acteurs +responsables costumes, casting, prod., etc.)
Haenel : son vécu de victime la fait réagir. Sa sortie, aux Césars, est compréhensible.

Sciamma : elle part, par loyauté, attachement, envers son ex.

Des choix respectables.

Mais pas des normes à suivre ou à rejeter.
Y a pas à dire : il FALLAIT/FALLAIT PAS partir.
On n& #39;est pas forcé de les juger. De gueuler "OUAIS !" ou "C& #39;EST NUL !"

De même, on a vraiment besoin de juger les amis de Polanski qui le soutiennent ?
"EUX NON PLUS J& #39;IRAI PAS VOIR LEURS FILMS !"

Emmanuelle Saigner, sa femme, on va lui reprocher de le soutenir, de l& #39;aimer ?
Vous aurez compris que ça me laisse perplexe, cette histoire de classer les gens en puissants ou en dominés.

Surtout pour dire que les puissants c& #39;est des violeurs qui aiment les violeurs. Parce que c& #39;est des puissants.

Oh et puis ça va si c& #39;est pas vrai on va pas les plaindre.
Ils ont qu& #39;à pas être puissants. Bref.

Y avait un truc bien avec les films. Avec les livres. Avec l& #39;art.
C& #39;est qu& #39;on pouvait en parler, avec envie, avec passion, avec intérêt. En parler, les juger.

Et ce qui était reposant, quand on jugeait les œuvres...
C& #39;est qu& #39;on échappait à notre manie de juger les gens. Tout le temps. Sans répit.
Nos proches, nos collègues. L& #39;autre, là, tu sais. La radine. L& #39;hypocrite. Le gros con. Etc.

Et surtout les célébrités. Les "puissants".

Quand on jugeait les œuvres, on jugeait pas les gens.
On avait tout un espace où on neutralisait notre tendance à juger les gens, et ça faisait du bien.

C& #39;était bien. Et ça continuera.

Parce que, non, c& #39;était pas une bonne idée, les cinémas ou collectivités qui ont censuré un film, pour un fait grave, mais sans rapport avec.
Et on s& #39;en rendra compte. Avec le temps.

Ou alors non.

Et on va censurer d& #39;autres films, pièces, livres, on va décrocher des tableaux dans les musées.

Avant de les raccrocher. Pour en décrocher d& #39;autres.
Parce que les valeurs et les indignations suivront d& #39;autres modes.
QUOI ?!

Une mode, l& #39;indignation contre les violences faites aux femmes et aux mineur.e.s ?

Et, au-delà, une mode, la lutte contre le sexisme, les inégalités entre hommes et femmes ?

C& #39;est ça que vous dites ?

Non. Ce que je dis :
1. Vu la tendance actuelle à élire des Trump, Orban, Bolsonaro, Salvini... Le Pen ? https://abs.twimg.com/emoji/v2/... draggable="false" alt="😖" title="Confounded face" aria-label="Emoji: Confounded face">

C& #39;est pour d& #39;autres raisons que des œuvres et des artistes risquent d& #39;être boycottés dans la France de 2030...

Et il faudrait alors s& #39;insurger.
2. Les féminicides sont une réalité.

L& #39;inégalité H/F aussi.

La culture du viol aussi (& #39;ça va elle l& #39; avait cherché aussi avec sa robe ras la touffe& #39;).

Aucun de ces phénomènes réels aux causes profondes ne va disparaître rapidement, parce qu& #39;on va censurer "J& #39;accuse".
Ou dire que les "puissants" des Césars aiment les violeurs et sont des violeurs.

Cette dernière idée, c& #39;est de l& #39;accusation par association, de l& #39;amalgame. C& #39;est bête et méchant.

On ne défend pas les victimes passées, présentes et futures par la confusion et la mise au pilori.
Mettre au pilori, ça sert juste à ce que Mr ou Mme X se prenne pour qq de bien en crachant sur les coupables qu& #39;on lui a désignés.

Sans trop s& #39;attarder sur les faits.
Fin.

Ce thread est le 2e d& #39;une série de trois :

1. Réflexion sur la distinction entre artistique et juridique, à partir de la vanne du boulanger violeur

2. Réaction à la tribune de V. Despentes dans Libé

3. Comparaison affaires Polanski / Allen / etc. : à venir bientôt
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