Des illusions perdues émerge le rageux #AmericanLife, le 9eme album studio de #Madonna a cultiver autour de lui une image souvent faussée de charge anti-Bush, alors qu'il va bien au-delà de la simple incarnation politique.

Alors plongeons dans les méandres de cet opus.

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11 Septembre 2001. Madonna est en pleine tournée avec son Drowned World Tour, il lui reste 3 dates à Los Angeles, et comme tout le monde elle assiste a ce spectacle d'horreur. Un événement qui comme beaucoup d'américains la pousse dans ses retranchements.
Retourner en studio pour Madonna a ce moment là est comme une sorte d'analyse de ce qu'elle est, comme artiste, comme femme mais également un questionnement profond sur son pays et l'American Dream dont elle est une pure incarnation.
Durant les premieres sessions, Madonna et Mirwais ont de longues conversations sur la politique, la religion, la philosophie, Mirwais pousse l'artiste dans ses retranchements et ils trouvent ici la matière idéal pour son nouvel opus.
Mirwais a conscience que le musique électro est omniprésente à l'époque, avec plus ou moins de réussite. Il tient a retourner aux fondamentaux en faisant du texte le moteur des mélodies, un aspect dont la critique oubliera totalement l'importance.
Pourtant dans American Life, Madonna y déploie quelques unes de ses meilleures compositions textuelles. Elle y délaisse la poésie macabre de son ROL pour embrasser un certains dépouillement, mais également une ironie comme à l'époque de son Material Girl.
Musicalement parlant, Madonna est obsedée a cette époque par les derniers albums de Massive Attack et Lemon Jelly ce qui influence ici et là l'album, mais c'est bel et bien au sein des sessions en studio que le son American Life va naitre.
En effet, pour cet opus Madonna écrit et esquisse des mélodies à la guitare, Mirwais en tire une démo souvent très brute. En témoigne quelques unreleased de l'époque:

It's so cool:



ou encore The Game:
Notons également deux autres morceaux que j'aime beaucoup:

Miss You:



Et Set The Right -un morceau clairement plus avancé dans la prod.
Assez naturellement l'album prend des contours assez folk qui viennent s'acoquiner aux obsessions sonores de Mirwais, voix bégayantes, boucles sonores, manipulation vocales et ose même gelé la voix de Madonna sur Im so Stupid faisant croire à un bug sonore.
L'album contient également des parties rappées. C'est là encore Mirwais qui, face à la rupture instrumentale de American Life soumet l'idée à Madonna, de façon spontané elle enregistre le passage, elle le retravaillera en demandant conseil à Missy Elliot.
Quant au titre de l'album, on annonce dans un premier temps le titre Ayn Sof, signifiant "le néant" en hébreu, par la suite c'est le titre Hollywood qui circule avant de finalement se nommer American Life et se draper dans une imagerie révolutionnaire.
Voilà pour la genèse, à suivre comme d'habitude l'analyse de cet album.

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Alors évacuons de suite l'essentiel du mythe autour de American Life. Est-il un album politique? Oui, mais pas seulement et surtout pas de la manière dont on pu le croire, affublé d'être une charge anti-Bush, Madonna n'y dissèque pas le président mais bien le climat de son pays.
American Life est avant tout un album sur la perte de sens dont le titre éponyme se fait le porte étendard, est-ce que tout cela fallait la peine? Y-a-t-il une telle chose que le "American Dream"? Madonna y répond par son "I just realized that nothing is what it seems".
Mais, Madonna est depuis toujours politique. Oui, dans American Life elle est plus frontale, mais quand elle simule une masturbation sur scéne, elle est politique. Quand elle glisse un tract informatif sur le SIDA dans les exemplaires de Like a Prayer, elle est politique.
Quand elle embrasse une incarnation du Christ noir, elle est politique. Quand elle publie le SEX book et Erotica, elle est politique. American Life ne fait que s'inscrire dans ce long cheminement. Cela dit passons à l'album pur et dur.
Avec American Life, Madonna inspecte sa vie, ses choix, ses croyances, elle autopsie son rêve américain et se dresse en figure bien moins évidente a démêler. Comment, elle, l'incarnation même cet idéal et de surcroit riche peut-elle prétendre remettre en cause le système?
Si Bruce Springsteen peut être riche et de gauche, Madonna ça passe moins. Pourtant, American Life est un album qui évoque un fait, l'Amérique a perdu ses repères depuis le 09/11 et ses valeurs sont périmées, Madonna force le mainstream a s'en rendre compte.
L'album s'ouvre sur "Do I have to change my name ? Will it get me far ? Should I lose some weight ? Am I gonna be a star ?" Madonna acerbe y pointe du doigts a quel point l'idéal américain est fait de compromis avec soi-même.
American Life et son beat infernal, mi-sale mi-rageur qui vient s’effondrer dans les bulles d'illusions que sont les refrains "I live the American dream" mais Madonna s'émancipe alors que des voix agonisantes prennent le contrôle. Le rêve américain vient de mourir.
Hollywood est un splendide trompe l’œil, puisant ses origines dans le disco sur lequel se prélasse la chaleur d'une guitare, Madonna électrise les corps alors qu'elle mitraille la platitude qui gagne le mainstream.

"I'm bored with the concept of right and wrong"
Sur I'm so Stupid est quant à lui l'explosion de son "fuzzy dream", avec la brutalité de son beat, Mirwais extirpe toute la violence de cette prise de conscience au travers d'une mélodie en perpétuelle percussion comme si Madonna luttait pour garder les yeux ouvert sur la réalité
Vient alors Love Profusion, première rupture, au milieu de ce champ de ruine qu'est l'Amérique, des colères parcourant sa chair et des illusions agonisantes, Mirwais compose un instant de chaleur, comme si on pouvait sentir la chaleur d'un corps "Only you make me feel good"
Mais le pivot de l'album c'est bien Nobody Knows Me, transition entre la virulence et l'apaisement, Madonna s'évoque au travers des magazines, "No one's telling me how to live my life. But it's a setup, and I'm just fed up", au sein d'un écrin électrisant.
Morceau haché, ne cessant de percuter les sons dans un trip gluant où la voix de Madonna est trituré comme pour illustrer les nombreuses fausses vérités sur sa vie et elle-même dans la presse.

"Nobody knows me" et c'est bien ce que va illustrer la suite de l'album.
Sur le splendide Nothing Fails tout semble disparaitre, Madonna renait dans une simplicité déconcertante, comme à nue elle est devant nous évoquant l'amour, celui qui rend naïf mais qui pourtant semble être la seule chose vraie dans cette remise en cause de ces croyances.
Intervention poursuit son exploration intime "I got to save my baby because he makes me cry" évocation des difficultés de la vie et de comment la perte de sens autour d'eux n'a rien d'éffrayant, mais juste un nouveau jour qu'ils peuvent traverser.
Cette trilogie sentimentale prend fin dans le délicat X-Static Process, dont il émerge un débouillement total où Mirwais ne fait que superposer les voix de Madonna, illustration sonore de la perte de qui elle est.

"But in the process I forgot, that I was just as good as you"
Dans son exploration de l'intime, Madonna réouvre la plaie qu'est la perte de sa mère, après avoit tenter d'y échapper dans Mer Girl, elle en exprime le besoin de s'en délester "I've got to let it go, I've got to give it up" car ce traumatisme renferme une partie d'elle-même.
Le morceau raméne la voix de Madonna à son enfance, comme si elle était de nouveau cette petite fille, là où les refrains la raméne a celle qu'elle est aujourd'hui, dans les délices électroniques, l'émotion se fraye un chemin aux travers la douleur des paroles.
La douleur c'est bien ce qui habite Easy Ride, ultime morceau dont les violons déraillent dans une ambiance presque apocalyptique où Madonna s'empare d'une guitare pour donner corps à ses propres paradoxes et sa sensation qu'elle ne trouvera sa place qu'une fois morte.
American Life est un album fait de ramification, où Madonna explore ses fêlures autant qu'elle déglutie ses coléres. L'album enferme bien quelque chose de politique, mais pas dans le sens qu'on pourrait croire, ce qu'esquisse Madonna ici c'est son existence éclatée.
Ce qu'elle extirpe et qu'elle affirmera dans Madame X, c'est sa dimension multiple, de comment elle s'est depuis longtemps émanciper des carcans de l'image pour embrasser toutes les images, American Life c'est aussi ça. Elle est une mére, une épouse, une révolutionnaire.
Elle n'est jamais totalement l'une ou totalement l'autre, elle est toutes ces images et dont elle est habitée par les paradoxes illustrer ici par les ruptures entre les ivresses électro et le dépouillement folk qui s'entrechoquent en permanence.
Au travers de la politique, de l'état de son pays, des inquiétudes dans le futur elle s'analyse comme pour tenter de donner du sens à tout cela, comme pour tenter de comprendre ce qui ne va pas dans le monde et dans sa vie.
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