Série de threads à venir sur la #guerreseigneuriale aux Xe-XIIIe siècles. Pour les Xe-XIe siècles D. Barthélemy a bien montré à partir de Flodoard et Richer comment ça fonctionne : il s& #39;agit non pas de détruire l& #39;ennemi ou de conquérir des territoires, que d& #39;obtenir des avantages
pour la négociation qui s& #39;ensuivra inexorablement. Il s& #39;agit en effet d& #39;une société visqueuse (au moins jusqu& #39;au XIIe), dans laquelle les liens interpersonnels (vassalité, fidélités, amitié, parenté) font que tous les protagonistes sont liés entre eux. Surtout, quand l& #39;un d& #39;eux
prend l& #39;avantage, les autres vont progressivement cesser de le soutenir et vont tendre ces liens afin de le freiner et l& #39;empêcher d& #39;obtenir une victoire totale. Il s& #39;agit de règles du jeu non écrites (qui sont remises en cause à partir du XIIe siècle, avec l& #39;émergence de
puissances proto-étatiques) que les acteurs respectent en général (avec des exceptions, comme le meurtre de Guillaume Longue Épée), du moins tant qu& #39;il n& #39;est pas question de vengeance de sang (là ça peut déraper nettement). Le résultat est que la guerre (qui ne se fait qu& #39;au
printemps et en été) revient très régulièrement. D& #39;où l& #39;impression d& #39;une société anarchique (ce qui est faux, il y a des règles) et violente (ce qui est moins faux). Mais cette violence ne remet jamais en cause la connivence entre dominants. Concrètement, la guerre se fait
sous forme d& #39;expéditions militaires de petites troupes (quelques dizaines) qui visent parfois à s& #39;emparer des châteaux adverses (par surprise, par trahison, plus rarement par siège) et plus fréquemment à ravager les terres de l& #39;autre (parce que cela porte atteinte à son statut
de seigneur et donc le force à réagir soit en combattant, soit en négociant). Les combats sont rares, d& #39;envergure peu limitée et peu sanglants. Quant aux chevaux, ils sont encore de petite taille et appréciés surtout pour leur vivacité qui facilite l& #39;escrime et surtout la fuite
si nécessaire (voir ma thèse https://tel.archives-ouvertes.fr/file/index/docid/853564/filename/Fray_Sebastien_2011_these.pdf">https://tel.archives-ouvertes.fr/file/inde... p. 818-820). Le destrier puissant ne semble émerger qu& #39;à partir de la seconde moitié du XIe siècle. La guerre est l& #39;occasion de s& #39;illustrer (par ses qualités équestres, sa maîtrise martiale mais aussi sa ruse), de s& #39;imposer
comme faisant partie des dominants (guerroyer fait partie du statut seigneurial, on y reviendra) et de s& #39;enrichir (par le pillage, voire les rançons si capture de chevalier il y a eu). En ce sens, elle reprend les usages francs antérieurs, en particulier ceux
des VIIIe-IXe siècles de la guerre comme déprédation (voir la thèse de Keller, en ligne, http://www.theses.fr/176917209 )">https://www.theses.fr/176917209... mais la déprédation ne se fait plus aux dépends d& #39;autres peuples mais aux dépends des autres seigneurs (à savoir leurs dépendants). Au passage, il arrive que les
petites armées pillent des gens qui n& #39;ont rien à voir (elles vivent sur le pays). Le château est à la fois un objectif de guerre possible mais il est surtout le lieu de rassemblement des troupes avant les expéditions. On retrouve ça dans les graffiti de l& #39;église de Moings
(vers 1130-1140) qui représentent des cavaliers en armes sortant de châteaux opposés : https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1986_num_130_3_14423.">https://www.persee.fr/doc/crai_... Ce qui est intéressant, c& #39;est qu& #39;ils avaient été recouverts d& #39;enduits dès l& #39;époque médiévale, comme si le sujet ne plaisait pas trop au clergé (cc @ChardonnetSylv).
Bon là je me suis placé surtout du point de vue des seigneurs (le mieux renseigné dans les sources et aussi l& #39;historiographie). Demain, je reviendrai sur le rapport entre statut guerrier et seigneurial. Et puis on essayera de voir dans un 3e fil ce que ça peut faire aux paysans.