Nouveau #ThreadLinguistique ! Quittons un peu la grande théorie grammaticale pour revenir sur un sujet (un peu) plus simple : la ponctuation. Car oui : ponctuer, et la typographique en général c'est aussi de la linguistique...
Soyons cependant précis : les signes de ponctuation ne sont pas à mettre sur le même plan que les structures grammaticales. On est davantage dans le régime du para- ou du péri-linguistique : utile à la compréhension, écrite notamment, elle n'en est pas moins contingente.
Ce n'est cependant pas un argument pour l'ignorer puisque certains mots, comme les connecteurs type "néanmoins", "cependant", etc. peuvent aussi être supprimés sans engager la compréhension d'un texte ⏬

https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1993_num_93_4_28716
Ce qui est certain, c'est que la ponctuation, ou les ponctuèmes comme on les appelle parfois, est une convention culturelle avant toutes choses : ces symboles ont une riche histoire, des débuts de l'écrit à nos jours.
Leur stabilisation varie même selon les époques, les langues et les civilisations et même aujourd'hui, l'usage est loin d'être stabilisé même si de grandes tendances traversent les écrits contemporains. Je vais m'arrêter alors sur quelques grandes étapes de la chose...
Déjà, il convient de distinguer deux grandes catégories de ponctuation : la ponctuation blanche, et la ponctuation noire.

(i) La ponctuation noire, c'est tout ce qui est de l'ordre des symboles type points, tirets, etc. ;
(ii) La blanche, ce sont les alinéas, les espaces, etc.
Pourquoi distinguer ? Eh bien, d'une part, parce qu'historiquement, c'est tout d'abord la noire qui apparaît, quand elle existe ! Dans l'antiquité par exemple, il n'était pas rare d'avoir tous les mots collés les uns aux autres, sans démarcation, la "scriptio continua".
La tendance se poursuivra jusque dans notre ère. Ici, par exemple, un extrait des "Géorgiques" de Virgile dans le "Vergilius Augusteus", seconde moitié du 4e siècle :
Progressivement cependant, des démarcations apparaissent, tout d'abord avec de la ponctuation noire, comme des points. On les voit bien ici par exemple sur cette inscription de la Basilique San Silvestro in Capite à Rome (8e/9e siècle).
C'est aussi le cas dans les manuscrits médiévaux, bien que progressivement la ponctuation noire finissent par laisser sa place à la blanche pour la séparation des mots. La noire finira par surtout marquer des divisions notables du texte, fin de phrases, les chapitres, etc.
Ici, une page du "Très Ancien Coutumier" de Normandie (13e siècle), un beau livre. On voit les points qui ferment les grandes idées et qui sont toujours suivis par des et tironiens (⁊), tandis que les Capitulum, ouverts par des pieds de mouche, annoncent les chapitres.
(Si vous ne connaissez par les notes tironniennes ⏬)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Notes_tironiennes
Cependant et tout comme pour l'orthographe, les conventions typographiques sont laissées à discrétion des copistes. De grandes tendances apparaissent certes, ainsi que différents signes (comma positura, punctus, virgula suspensiva...) qui connaîtront un certain succès...
...mais il faudra attendre la Renaissance, et l'imprimerie, pour que les premiers grands traités de ponctuation se mettent en place.
L'imprimerie change effectivement beaucoup la donne, ne serait-ce qu'en termes de composition de la page. Tandis que les copistes étaient tenus de rentabiliser l'espace, coûteux, de la feuille, l'imprimerie permet de mieux répartir les zones de texte.
On voit alors apparaître, doucement, des conventions de ponctuation blanche : l'alinéa et le paragraphe, on joue avec les marges, les entêtes, les pieds de page... Tout cela, qui fait partie de la ponctuation au sens large du terme, reconditionne l'accès au texte.
Les auteurs néanmoins, et pour reprendre un mot de Voltaire, considèrent encore la ponctuation comme "de l'épicerie" et laissent souvent les éditeurs et les imprimeurs faire comme bon leur chante, considérant qu'il ne s'agit que d'un ornement.
Raison pour laquelle, avant le 19e siècle, il est impossible de parler de "ponctuation d'auteurs", à part pour de rares exemples où l'on a trace d'un travail sur la ponctuation, comme chez Montaigne, qui veillait à ce que l'imprimeur respecte son écriture à la virgule près !
Les choses changeront cependant avec Nicolas Beauzée, grammairien de l'Encyclopédie de Diderot, qui fera un article élogieux de la "métaphysique très subtile" (sic !) de la ponctuation, qui fera date. Après lui, grammairiens et auteurs se positionneront sur la question.
Toutes choses égales par ailleurs, le système sera globalement fixé à la fin du 18e siècle pour la langue française. Il y aura quelques ajustements de fait, mais le gros du travail est là.
Voilà pour l'histoire de la ponctuation, à sauts et à gambades ! Mais on n'a pas fini : la ponctuation alors... Ça sert à quoi ? 🤔

Réponse tout à l'heure, avec la suite de ce thread ! Bisous 😘
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