Il semblerait, Ô lecteurs assidus, que certains d’entre vous ont quelques difficultés avec les notions de Produit Intérieur Brut et de croissance. Dans mon immense bonté (et parce que je n’avais rien d’intéressant à faire hier soir) j’ai commis un #Thread
Supposez, par exemple, que votre petite entreprise fabrique des masques en tissu et que, cette année, vous en avez vendu 1 million à 5 euros la pièce, ça vous fait donc un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros.
Évidemment, pour pouvoir fabriquer ce million de masque en tissu, vous avez dû acheter tout un tas de trucs — du tissu, de l’énergie etc... Par hypothèse, on va dire que vous en avez eu pour 2.9 millions d’euros.
Ce qu’on appelle valeur ajoutée, c’est la richesse économique produite par votre entreprise ; c’est-à-dire votre chiffre d’affaires moins la valeur de ces consommations intermédiaires. Dans notre exemple, ça fait 2.1 millions d’euros.
Si vous faite la somme des valeurs ajoutées de toutes les entreprises de France (et neutralisez les effets des impôts et subventions sur les produits) sur l’année, vous obtenez le Produit Intérieur Brut (PIB).
Par exemple, en 2018 :
Somme des VA : 2 090.9
+ Impôts sur les produits : 283.9
- Subventions sur les produits : 21.8
= PIB : 2 353.1 milliards d’euros.
Ce qu’on appelle « croissance », c’est la variation du PIB d’une période (une année ou un trimestre) à l’autre.

Par exemple :
PIB 2017 : 2 295.1
PIB 2018 : 2 353.1
Croissance : +2.53%
(Notez qu’ici on utilise des données en euros courants, c’est-à-dire non-corrigées de la perte de valeur de l’euro. En euros constants - après correction de l’inflation -, ça donnait plutôt une croissance de +1.21%.)
C’est ce PIB que nous allons nous partager sous forme de revenus.

En comptabilité nationale, on distingue (chiffres de 2018) :
Rémunération des salariés : 1 231.9
Excédent brut d’exploitation & revenus mixtes : 798.9
(la différence ce sont des impôts nets de subventions).
Notez que, par « rémunération des salariés », on entend leur véritable salaire c’est-à-dire le salaire net augmenté des cotisations dites ‘salariales’ ET des cotisations dites ‘patronales’ (le « salaire brut » n’est qu’une fiction comptable.)
Notez aussi que l’excédent brut d’exploitation n’est en aucune façon le profit des actionnaires : après ça, il reste à payer tout un tas de trucs comme des charges financières et, bien sûr, des impôts (genre l’IS) avant de gagner quelque chose.
Notez enfin, que les « revenus mixtes » sont ceux des entreprises individuelles (parce que, quand vous êtes votre propre patron, on ne sait pas distinguer votre salaire de vos profits, vous vous auto-exploitez en sommes).
Et c’est la valeur de ce même PIB que nous allons pouvoir consommer.

Données 2008 :
Consommation finale : 1 819.4
Formation de capital : 551.9
Exportations – importations : -18.2
Bref, ce que mesure le PIB, c’est la quantité de richesse économique que nous créons en une année (ou un trimestre), richesse que nous allons pouvoir nous distribuer sous forme de revenus pour pouvoir consommer. La croissance, c’est la variation du PIB.
Conceptuellement, c’est une excellente mesure — raison pour laquelle tous les pays du monde l’utilisent (sauf, peut-être, la Corée du Nord) — mais en pratique, elle pose parfois des problèmes assez épineux.
Le principal, c’est le calcul de la valeur ajoutée des 'services non-marchands' (c’est-à-dire, principalement, des services publics). Comme il n’existe pas de prix de marché (c’est financé par nos impôts), on en sait pas calculer leur valeur ajoutée.
Faute de mieux, l’approche habituellement retenue c’est celle de la ‘valeur-travail’* c’est-à-dire qu’on considère qu’ils valent ce qu’ils coûtent.

(*) Concept dépassé que Smith avait refourgué à Marx mais passons.
C’est-à-dire que si l’État dépense 1 milliard pour payer des fonctionnaires à creuser des trous le jour et un autre milliard pour en payer d’autres à les reboucher la nuit, ça fait officiellement 2 milliards de PIB en plus. #lolilol
Ce qui, vous en conviendrez, n’est pas sans poser quelques problèmes d’ordre conceptuel.
La réalité, c’est qu’on n’en sait rien : personne ne peut dire ni même estimer la VA des services non-marchands. Or, mine de crayon, on parle de 467.5 milliards (en 2018) soit plus de 22% de la valeur ajoutée de l’économie française (un bon cinquième du PIB). #Fin
Pour celles et ceux qui cherchent les données historiques, ne cherchez plus :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4131360
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