Il était une fois... Jean Collin!

Qui était réellement Jean Collin? Quel était son rôle au sein de l'Etat sénégalais? Qu'est ce qui le rendait détestable dans le landerneau politique ?
Portrait d’une figure emblématique et énigmatique.
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Jean Collin: L’évocation de ce nom peut paraître anodine pour ma génération, mais ce choix de parler de cet homme est loin d'être fortuit. Il est empreint de sens et porteur de significations multiples et rappelle un pan très important de l'histoire politique du Sénégal..
Elle a duré plus de 30ans.
JC et le Sénégal,c'est une histoire de cœur et de courage d'un homme controversé dont le parcours atypique ne laissait personne indifférent. Homme politique sénégalais d'origine française:Maire, député, haut responsable du PS, plusieurs fois ministre.
Originaire de la Normandie,il est sorti de l'École nationale de la France d'outre-mer et de l'École des langues orientales.Après des services dans l'administration coloniale au Cameroun & à Diourbel & un bref intermède au Radio-Dakar,il est nommé chef de subdivision de Tivaouane.
Il aspirait à devenir gouverneur du Sénégal car on disait que si l’on s’entendait bien avec les chefs religieux de Tivaouane,on était bien noté avec de fortes chances de faire une belle carrière.Mais la loi-cadre de 1956 allait instituait le premier gouvernement dirigé par Dia.
Il sera nommé chef de cabinet. Et au référendum 1958 proposé par le général de Gaulle, il se distingue en se prononçant pour le NON.
Après un bref passage comme gouverneur de la région du Cap-Vert (actuel Dakar), il fut nommé Secrétaire Général du gouvernement.
Coup du destin, à ce poste il aura comme adjoint un jeune administrateur civil: Abdou Diouf.Ce dernier avoue dans ces mémoires avoir beaucoup appris avec JC sur le plan de la connaissance de l’administration,des hommes,de l’histoire humaine;«il a vraiment complété ma formation».
Les péripéties du tandem Diouf-Collin!
Durant le magistère de Diouf, c'était JC qui allait au charbon en vrai patron de l'Etat.Manigances, complots et coups bas étaient son quotidien. Il faisait et défaisait des carrières au premier rang de toutes les grandes décisions de l'Etat.
Opportuniste, stratège, téméraire, cet homme avait tout pour être adulé et détesté à la fois !
Il faut noter que Jean Collin était auparavant avec Mamadou Dia mais au moment des événements de décembre 1962, quand il a vu la façon dont les choses tournaient, il a démissionné.
L'équilibre des forces entre Senghor et Dia ne lui laissait pas une grande marge de manœuvre pour choisir un cheval sur lequel miser,il n'avait pas voulu prendre de risque.
Quand Senghor fut sorti victorieux de ce duel politico-institutionnel,il fut rétrogradé comme DG de l'OCA.
Abdou Diouf révèle le grand rôle joué par JC pour son retour aux affaires après les suspicions de Senghor de son soutien à Dia dans un conteste d'épuration idéologique.Ils reviennent ensemble à la présidence comme les 2 plus proches collaborateurs de Senghor JC SG et AD comme DC.
Au regard du contexte, on voit que cette situation n'était pas anodine. Cette proximité était orchestrée par JC pour le long terme,car ayant décelé tôt l'affection que portait Senghor pour ce jeune cadre.
Par la suite, il remplace Daniel Cabou en 1964 comme ministre des finances.
Mais cette nomination ne sera pas du goût des membres du parti dominant dans un système parti-Etat,c'est le premier épisode d'un désamour. La présence d'un autre Blanc après André Peytavin dans le gouvernement du jeune État sénégalais était difficilement envisageable pour eux.
Malgré ces remous, il conservera cette fonction jusqu'en 1971, date à laquelle on lui confiait le ministère de l'Intérieur, ministre d'État & numéro 2 du PS, de quoi attiser davantage les controverses. Fidèle à sa réputation, il va construire son réseau et exécuter de ses plans.
Jean Collin, artisan de l'ascension d'Abdou Diouf!

Abdou Diouf avoua qu’il fallut toute la force de persuasion de JC, pour faire comprendre à Senghor qu’il était resté trop longtemps au SG de la Présidence, et que le moment était venu de lui confier un ministère plus important.
Ainsi en 1968, il contribua à la première nomination de Diouf comme Ministre du Plan, de l'industrie et des mines. Il apparaîtra comme un bouclier, un mentor pour le jeune prodige appelé à un bel avenir dans l'Etat sénégalais.
Pour la succession de Senghor, JC fera tout pour que ce soit son poulain Diouf au détriment d'André Senghor et de Boubacar Ba. Il a veillé à ce que cette décision de Senghor soit irréversible. Senghor avait déjà mûri son plan pour être remplacé par Diouf. Mais comment ?
Parmi les solutions proposées, celle de JC sera retenue avec une révision constitutionnelle & la reconduction du poste de Premier Ministre après sa suppression en 1964. Il proposait une nouvelle disposition pour qu'en cas de vacance du pouvoir, le PM devait terminer le mandat.
Ainsi donc, le 26 février 1970, Abdou Diouf devenait le PM de Senghor selon les volontés et les tractations du tout puissant Jean Collin. Ce dernier continuait d'être Ministre de l'intérieur, disposant ainsi de la gendarmerie où veillait un de ses fidèles, le général Wally Faye.
Ce tandem a eu à manœuvrer pour écarter de prétendants à la succession de Senghor (André Senghor et Babacar Bâ).Diouf se sentait redevable envers ce stratège politique à tel point que durant une décennie, il s'est considéré comme maître absolu du pays,les ayant tous à ses ordres.
En réalité, personnellement, JC a marqué d'une manière indélébile l'Etat sénégalais plus qu'aurait pu le faire Diouf. Il aura construit son influence et sa mainmise sur l'appareil étatique en servant d'écran entre Diouf et les autres : opposition et membres du Parti socialiste.
Tacticien et fin stratège,il a combattu tous ceux qui étaient susceptibles de porter ombrage à Diouf ou qui manifestaient certaines velléités d'autonomie comme Habib Thiam avec son limogeage au poste de PM et la fin de ses velléités d'autonomie et de liberté de résistance à l’AN.
Il a aidé Diouf à consolider son pouvoir personnel basé sur la peur d'être viré. Il va écarter Daouda Sow alors n2 du PS lors d'un congrès extraordinaire en contraignant son rival à la démission après une Motion de défiance mise en service par des députés du PS alliés de JC.
Sans oublier les combines impliquant Djibo Ka menées contre Moustapha Niass pour qu'il soit viré du gouvernement, entre autres faits détestables. Cette posture intrépidement machiavélique de Jean Collin se verra davantage face à l'opposition.
Jean Collin face à l'opposition!
Etant français et donc incapable de prétendre à la succession de Diouf comme PR, Jean Collin réunissait en sa personne les conditions requises pour gérer les réalités du pouvoir sans inquiéter Diouf qui en était constitutionnellement détenteur.
Il va en profiter pour s'opposer farouchement à un rapprochement entre Diouf et l'opposition avec notamment à son chef Abdoulaye Wade, SG du PDS dont il va contenir les assauts avec des répressions policières et judiciaires. Entre ces deux, régnait alors un désamour total.
Abdou Diouf était souvent en retrait des débats politiciens car ayant un lieutenant capable de se battre sur tous les fronts. Pour l'organisation des élections 1989, Wade accepta la discussion avec une condition : la démission de Collin qu'il va accuser de fraudes électorales...
De la disgrâce de Jean Collin..
Le 27 mars 1990, coup de théâtre !Jean Collin fut démis de ses fonctions après un remaniement ministériel.Abdou Diouf se sépara ainsi de son homme sûr longtemps considéré comme un intouchable au sein du gouvernement et le remplaça par André Sonko.
Cette décision inattendue fut accueillie avec satisfaction par une bonne partie de l'élite politique sénégalaise à qui son influence déplaisait fortement. Il quitte aussi toutes ses fonctions au sein du PS. Pourquoi ?
Il est difficile de trouver une réponse certaine.
Les causes réelles de cette séparation constituent l'un des secrets les mieux gardés de la république. Le tandem Collin-Diouf avec, à la clé une collaboration quasi ininterrompue de trente ans n'a certainement pas pu résister à l'usure du temps.
Le duo Collin-Diouf une collaboration de 30ans n'a pas pu résister à l'usure du temps.Diouf,dans ses Mémoires, évoque la mauvaise influence de Marianne Collin sur son époux l'épisode d'un incident truculent durant la kermesse de Ziguinchor,où elle «manque de respect» à Elisabeth.
Pour d’autres,c’est Jean-Claude Mimran,riche homme d'affaires propriétaire de la Compagnie Sucrière Sénégalaise qui avait demandé et obtenu les têtes de JC et de Mamoudou Touré,l'ombrageux ministre des Finances d'alors.Ce dernier appuyé par JC était contre le monopole de la CSS.
Quoi qu'il en soit, la séparation était inéluctable. Ils se séparent élégamment. Le puissant ministre d'Etat qui règnait sur la patrie mourut en 1993 à Bayeux à l'âge de 69 ans et inhumé au Sénégal, à Ndiaffate, village proche de Kaolack d'où était originaire son épouse Marianne.
Le Sénégal post-Collin...
Le retrait de Jean Collin de la vie politique marque la fin d'une époque.
Surnommé « Le toubab », il fut un personnage très controversé à telle enseigne que sa mise à l'écart va contribuer à un dégel dans les relations entre pouvoir et opposition...
Ceci peut être interprété comme une collision stratégique ou gentleman agreement entre un Président officiel et celui officieux,le Pr de la république et celui de la Rue publique. La mise à l'écart de JC sonne comme un compromis entre les deux leaders du pays Diouf et Wade.
Leurs intérêts contradictoires au départ seront ainsi surmontés pour aboutir à ce deal.Le pouvoir voulait maintenir ou combler le gap de légitimité dû aux effets néfastes des PAS et rompre le cercle vicieux des contentieux électoraux avec leur climat délétère induit par Wade...
FIN.

Pour creuser il y a les livres : Roland Collin, Le Sénégal Notre pirogue : Au soleil de la liberté et Abdou Diouf, Mémoires.

Merci, bonne lecture et désolé pour la longueur !
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