Avant d'être hospitalisée, j'avais mis de côté des exemples tirés de mes consults pour illustrer mon thread sur l'injonction à la productivité. Je viens de les retrouver griffonnés sur une feuille. On va parler de maternité, de télétravail, des profs, d'autisme, de la pression
du développement personnel et de féminisme.

Alors voici :
- Une maman de 3 enfants scolarisés dans 3 niveaux différents qui est censée suivre leur scolarité (ils ne sont pas autonomes) tout en télétravaillant et en s'occupant de la maison. A la fin de la journée, lors du rdv,
je la récupère en pleurs. Elle me dit que si elle n'y arrive pas, c'est qu'elle doit être une mauvaise mère, une incapable. Alors que, non ! Il est juste impossible de mener toutes ces tâches de front ! Personne ne pourrait y arriver. Sauf que c'est ce qui nous est demandé et
qu'on finit par se détester de ne pas y arriver, à se dévaloriser de n'être pas à la hauteur. Voilà une belle injonction destructrice.

- Un prof qui me dit que ses cours n'étaient pas du tout adaptés à l'enseignement à distance et qu'il les a tous refaits pour être plus
interactif. Il sait que cela fait ressortir de lourdes inégalités parmi ses élèves : certain.e.s n'ont pas d'ordinateur ou un seul pour toute la famille et pas d'endroit pour travailler au calme. Il reste toute la journée devant l'ordinateur pour répondre au compte goutte aux
questions des élèves mais il sent bien qu'il y en a qui lâchent. Il a l'impression que c'est de sa faute, qu'il aurait dû trouver une autre méthode et s'épuise au travail sans faire attention aux horaires. Alors que oui, les inégalités existent et se sont encore les mêmes qui
trinquent et que non, l'éducation nationale ne possède pas du tout d'outils dignes de ce nom pour faciliter la tâche. On en parle des bugs de l'ENT ? Pourquoi ce serait à lui de porter cette culpabilité ?

- Une jeune femme autiste qui me dit que normalement le confinement
devrait être facile pour elle parce qu'elle déteste sortir mais que pourtant il y a des jours où elle ne peut même pas se lever. Elle passe la journée au lit à jouer à Animal Crossing parfois même sans plaisir. Elle s'en veut parce que ça aurait dû être le moment où pour une fois
elle n'aurait pas eu un handicap par rapport aux autres. Sauf que l'angoisse est bien là, parfois même sans qu'on la ressente et le quotidien est quand même perturbé. On n'est pas tou.te.s égaux face à notre capacité à gérer l'angoisse. On ne va tou.te.s le manifester de la même
façon. Pourquoi sa façon à elle devrait être source de dévalorisation ?

- Une jeune femme qui me dit qu'elle a la chance d'être en bonne santé et que dès qu'elle ouvre les réseaux, elle voit des gens qui mettent à profit leur temps de confinement. Ils se font des programmes avec
du sport, une alimentation saine, leur maison est rangée, ils apprennent des choses. Elle me dit qu'elle n'arrive pas à lire une ligne, qu'elle erre toute la journée incapable de se mobiliser et qu'elle s'en veut. Mais il faut faire attention au discours du développement
personnel qui nous invite à "rentabiliser" ce temps, à faire une introspection, à devenir "une autre version de nous", le développement personnel reste un produit du capitalisme qui prétend détenir une vérité sur ce qui serait bon pour nous et qui nous promet une recette magique
pour devenir plus adéquat à une norme. Cela reste une pression !

Et vous remarquerez que tous ces exemples sauf un concernent les femmes. Pourquoi ? Parce qu'elles sont significativement plus bombardées d'injonctions, parce qu'elles portent encore beaucoup de la charge mentale
du foyer et que c'est là que se passe le confinement !

Alors, faites ou ne faites pas, retrouvez vous dans la norme ou pas, l'important c'est comment vous vous sentez. Si vous êtes dans une souffrance qui vous pèse, c'est le seul critère qui compte, pas la norme.
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