{LA CASE ARTISTE-AUTEUR} Depuis 10 ans que j'exerce ce métier, j'ai un rêve incroyable. Attention, vous allez voir, c'est osé : je rêve que sur les formulaires administratifs existe une CASE qui corresponde à mon statut. Statut dans lequel se trouvent bien d'autres métiers.

Car comme nous devons faire avec un statut bricolé depuis 1975, qui pourrait avoir ses qualités s'il ne cessait d'être complexifié, l'administration elle-même ignore souvent TOUT de ce que c'est, cette particularité bizarre à cheval entre salarié et indépendant.

À chaque fois, il faut chercher "autre", et même dans ce cas, on peut s'être trompé de case... car on sera selon les cas et les guichets assimilés indépendant ou salarié. Ou rien. Cela explique le nombre incroyable de non recours sociaux, souvent dramatiques

On parle de parents qui n'ont jamais posé un congé parental. On parle de personnes malades qui n'arrivent pas à obtenir leurs indemnités alors qu'elles cotisent. On parle aujourd'hui d'avoir "en principe" accès au fonds de solidarité de l'État

En principe, mais en pratique seulement pour ceux et celles ayant un numéro de SIRET. Et comme notre statut mixe deux types de régime fiscal, certains artistes-auteurs en ont un, d'autres pas. On nous promet que le dispositif est en cours d'adaptation

Bientôt, sur le formulaire de la DGFIP, on verrait apparaître une CASE ARTISTES-AUTEURS. On l'attend, cette case. On attend ce jour où on pourra vraiment trouver notre place sur un bout de papier, qui nous indique que nous ne sommes pas totalement exclus de ce système

Je vais vous raconter une histoire. Il y a 6 ans environ, j'ai repris en parallèle de mon métier d'autrice des études, pour envisager une évolution professionnelle mêlant créativité et recherche. J'ai fait des dossiers, passé des entretiens, pour obtenir une équivalence

MAIS je travaillais en parallèle, j'écrivais et publiais des livres, je faisais des tournées, des rendus etc. J'avais donc aussi des impératifs. Je me suis donc rendue au secrétariat pour demander si je pouvais avoir accès à la « dispense d’assiduité » pour les travailleurs.

"Vous travaillez ? Evidemment, bien sûr, venez, on va faire un dossier. Qu'est-ce que vous faites dans la vie ?
- Auteur (je disais auteur à l'époque).
(SILENCE)
- Mais c'est-à-dire ?
- Auteur, j'ai publié une dizaine d'ouvrages, je fais des scénarios...
- Auteur (je disais auteur à l'époque).
(SILENCE)
- Mais c'est-à-dire ?
- Auteur, j'ai publié une dizaine d'ouvrages, je fais des scénarios...

Les secrétaires ont regardé d'un œil circonspect mes contrats, mes notes de droits d'auteur... pour me dire que non, ce n'était pas un travail. Impossible. Auteur ? Même si vous gagnez votre vie avec, ça ne peut pas être UN MÉTIER, il n'y a pas de contrat de travail.

Et puis pas de case correspondant. Salarié ? Pas d'employeur ou de bulletin de salaire. Indépendant ? J'avais des contrats qui me lient pour 70 ans après ma mort avec des entreprises. Et je suis restée là, avec ce rêve brisé. Ces études, il allait falloir y renoncer.

Je devais, évidemment, continuer à travailler et gagner ma vie. Mais j'avais cru qu'il y avait un moyen de rentrer dans l'une des cases. De concilier les deux, comme je l'avais fait quelques années avant quand j'étais en poste dans une entreprise et que je faisais mon M2.

Cette anecdote pour vous dire que cette histoire de case sur le formulaire de la DGFIP, ou sur le site de la sécurité sociale, ce n'est pas qu'un petit carré anodin. C'est la garantie d'un accès RÉEL des artistes-auteurs aux droits qu'on leur dit avoir

Aujourd'hui, certains de mes collègues sont dans des situations de précarité immense, et ne peuvent pour des critères restrictifs avoir accès au dispositif "spécifique" mis en place par la SGDL avec le soutien du CNL. Et ne peuvent non plus avoir accès au fonds de solidarité.

Qui travaille sur cette case artistes-auteurs ? Peut-on les contacter directement ? Peut-on avoir des indications sur sa date de mise en place ? Les artistes-auteurs, c'est 270 000 personnes en France.