Le mépris pour les enseignants est total. Des sanctions doivent être prises. Le #ProfBashing n'a plus aucune limite. Cela fait des années que les professeurs ne sont plus appelés professeurs mais "profs", premier signe du mépris pour la profession. https://www.marianne.net/societe/quand-des-youtubeurs-viennent-semer-la-discord-dans-les-cours-en-ligne?fbclid=IwAR3zXUhPkLJEW7E8RoCHBOyhY7g4IL8UOnqZexYqS5Mj_o_rkcEkxbNJfr4

Cela fait des années que le niveau des élèves est inquiétant, affligeant, alarmant. L'arrivée des écrans, les nouvelles addictions technologiques, l'absence d'éducation numérique, les nouvelles générations de parents "d'enfants rois" (il n'y a pas d'autre expression) n'aide pas.

Cela fait des années que les professeurs sur le terrain observent, font de moins en moins bien leur travail car tout est fait pour les empêcher de le faire correctement : classes surchargées, bâtiments vétustes, manque de formation, absence de sanctions envers des élèves rois...

... réformes tous les cinq ou dix ans qui obligent les enseignants à refaire la totalité de leurs cours, de leurs progressions annuelles, de leurs chapitres, de leurs évaluations etc. Manipulation de l'opinion publique dans les médias pour salir l'image des enseignants...

Rumeurs volontairement colportées par les médias sur leur salaire (pourtant bien en-dessous de leur statut de cadre A de la Fonction Publique), leurs prétendus avantages, leur fainéantise et surtout : leurs vacances.

Cela fait des semaines que les élèves n'en peuvent déjà plus de l'école à la maison, beaucoup postent leurs humeurs sur l'ENT de leur collège et l'on voit fourmiller des messages tels que "Hâte de reprendre l'école" ou encore "Quand est-ce qu'on reprend ?"

Cela fait également des jours que les parents réalisent le travail que le métier d'enseignant demande et la fatigue que cela génère. Pourtant, les parents sont bercés d'illusions car l'école à la maison n'a rien à voir avec le métier d'enseignant.

Des parents ayant deux ou trois enfants se sentent dépassés alors qu'ils n'ont rien à préparer. Ils doivent accompagner leurs enfants à partir de documents et d'activités créées et conçues par les professeurs. Ils n'ont pas entre 25 et 30 élèves à gérer et à instruire.

On aurait pu penser que cette période d'école à la maison ferait réaliser à toutes et tous à quel point le métier d'enseignant est complexe, bien plus difficile que les apparences ne le suggèrent, et bien plus éreintant.

Les parents comprennent enfin pourquoi les professeurs et les élèves tiennent à leurs vacances. Apprendre et transmettre des connaissances sont des tâches épuisantes, pour les professeurs comme les élèves.

Mais non, la période de confinement ne fait que renforcer le mépris des gens pour le métier d'enseignant. Ces gens qui sapent le travail de professeurs qui font au mieux pour enseigner à distance aux élèves, avec leur propre ordinateur, leur propre connexion, sont une honte.

Et ce qui me fait rire, c'est que ces gens empêchent des professionnels de faire le travail, de manière illégale en plus de cela (intrusion dans un forum, non respect du droit à l'image, tentative d'humiliation, de moquerie ou d'intimidation envers l'enseignant), sans sanction !

Le public applaudit la bêtise, les spectateurs sont dans l'arène : "Du pain et des jeux !" Une phrase triste car éternellement d'actualité, universelle dans tout ce qu'il y a de plus démotivant et désespérant.

Cela fait des années que les professeurs font au mieux pour manifester, faire grève, lutter par tous les moyens contre la destruction de l'Ecole Publique, de la formation au Lycée, de la formation professionnelle... Mais rien, personne ne les suit car on aime les détester.

Beaucoup de gens voient les enseignants comme ceux et celles qui les ont empêché de faire quelque chose de leur vie, ou comme ceux et celles qui ne leur ont pas permis de faire quelque chose de leur vie, comme si les enseignants avaient le pouvoir de changer la société...

J'enseigne à Evry, les élèves font plusieurs fautes de français par mot, ne lisent pas, sont homophobes, sont violents, ne savent pas contrôler et maîtriser leurs émotions. Les garçons, en particulier, sont des enfants rois à qui on laisse tout passer, et ils en profitent.

Les filles sont éduquées plus durement, les parents ne laissent rien passer. Les garçons eux, sont surprotégés, sans doute parce que culturellement, la société croit encore qu'un garçon "met plus de temps à gagner en maturité, a plus de mal à accepter d'obéir à des règles".

Conséquences ? Les garçons sont agressifs et violents, ils sont nourris par la culture du viol, la masculinité toxique et l'injonction à être "virils". Je fais face à des élèves que je sens de plus en plus fermés d'esprit, et pourtant je suis très jeune.

Les filles n'ont aucune confiance en elle car elles sont totalement invisibilisées par leurs parents, par les professeurs (car forcément, les professeurs accordent d'abord leur attention aux garçons qui perturbent les cours), par les garçons de leur classe...

Influencées par ce manque de confiance en elles et par les multiples injonctions présentes sur Instagram ou encore Snapchat, elles en arrivent à envoyer des photos d'elles aux garçons dans l'attente d'une réponse, et de cette réponse dépend leur confiance en elles...

Moi, simple professeure de français au collège, quel pouvoir ai-je face au poids écrasant de la société ? Que puis-je faire face à tout cela ? Ai-je vraiment un quelconque pouvoir ? Peut-on réellement me reprocher de ne pas pouvoir changer les choses ?

Beaucoup de gens ont tendance à croire que les professeurs sont là pour ça : pour changer la donne, pour donner à "ceux qui ne sont rien" (pour reprendre l'expression infecte du gouvernement) une chance de réussir (là encore, que veut dire "réussir" ?).

C'est une utopie. Nous ne pouvons rien faire sans unir nos forces. Les parents doivent éduquer. Les professeurs doivent instruire. Le gouvernement doit assurer le prestige du métier d'enseignant afin de garantir aux professeurs un minimum de respect.

Les professeurs sont en première ligne. Comme les soignants, comme les pompiers, comme les gendarmes, nous assistons quotidiennement à des injustices innommables pour lesquelles nous n'avons aucun pouvoir. Et nous essayons quand même, à notre manière, de faire pencher la balance.

J'aimerais donc qu'on arrête le #ProfBashing car cela suffit. Si nous faisons ce métier, c'est parce que nous aimons profondément la jeunesse, les enfants, les adolescents, nous aimons transmettre, nous aimons susciter la curiosité, qu'on nous laisse enfin le faire correctement !