Thread sur l’implantation du Swahili dans la partie orientale du Congo et la traite arabo-musulmane au Congo

le Swahili est l’une des 4 langues nationales du Congo C’est la langue maternelle d’au moins 40% de la population et est utilisée comme langue véhiculaire dans la partie orientale du pays (Anciennes province du Katanga, du Maniema, du Nord et Sud Kivu et Oriental).

C’est la langue la plus parlée dans le pays. Néanmoins son implantation au Centre de l’Afrique est très récente et s’est faite dans un contexte particulier : L’esclavage Arabo-musulman (Arabo-Swahilis).

Bien qu’étant une langue Bantou, le Swahili fait bcp d’emprunts lexicaux à l’Arabe dû au fait qu’il est né de la rencontre entre des peuples Bantu vivants sur les côtes Est de l’Afrique et des marchands arabes/persans aux alentours du 10e siècle de notre ère.

Il reste donc cantonné pendant plusieurs siècles à ces côtes sur lesquelles se développe la civilisation Arabo-Swahili avec comme plaque tournante l’archipel de Zanzibar, centre du sultanat de Zanzibar.

le mot Zanzibar veut dire « Terre des noirs », du mot Zençi/Zenji en perse. Les congolais usant de l’insulte «  Musenji-Musenzi » pour désigner un sauvage ou un « non-civilisé » sachez que ce mot vient de là. Il était utilisé par les arabes pour désigner un noir non musulmans.

Les Basenji/Wasenji étaient donc des noirs non-arabisés et non-islamisés. Pas besoin de vous dire que c’était très péjoratif.

L’intérieur de l’Afrique centrale a longtemps été impénétrable pour les arabo-swahilis dû à l’hostilité des tribus autochtones et à la non-maîtrise des routes.

Au 19ieme siècle les arabes sont financièrement prêt pour financer des expéditions non seulement marchandes mais aussi d’implantation à l’intérieur de l’Afrique, ils étaient à la recherche d’ivoires et d’humains à réduire en esclavage.

Après avoir soumis des nombreuses tribus en Tanzanie grâce à l’utilisation des armes à feu et fait des alliances, ils arrivent finalement dans l’actuelle région du Congo aux environs de 1870. Avant cette date, le Swahili n’était pas parlé au Congo.

Le fer de lance de cette implantation est le tristement célèbre zanzibarite Hamed bin Mohammed el Marjebi dit Tippo Tip.

C’est le fils d’un riche marchand omanais et d’une concubine Bantou(Il est d’apparence noire mais le patriarcat arabe lui donne le statut d’arabe à part entière). Selon plusieurs légendes son sobriquet lui viendrait soit d’une habitude qu’il avait de cligner rapidement des yeux,-

-soit de sa réputation impitoyable et ayant la gâchette facile (Bruit d’arme à feu).

C’est un individu rusé et très déterminé, d’ailleurs dans son Auto-biographie il raconte comment une fois il s’est fait passé pour le cousin d’un roi Luba pour gagner la confiance des habitants d’un village et les razzier.

Dès ses 18 ans il avait effectué plusieurs expéditions marchandes pour son père (Jusqu’au Mozambique), c’est par ces expéditions et ces razzias qu’il s’enrichit et acquiert assez de puissance et de relations pour s’introduire en Afrique équatoriale.

Lorsque Tippo-Tip arrive dans la partie orientale du Congo aucun autre arabe ne s’y est encore implanté durablement, il en fera donc son terrain de jeu et placera ses fidèles compagnons à plusieurs coins stratégiques pour cordonner leurs entreprises.

Ils s’imposent, pillent des villages et razzient tout ce qu’ils peuvent en installant un régime de terreur, les massacres étaient très courants dans les 1ères années de leur implantation car la plupart des tribus étaient insoumises.

Les tribus les plus insoumises risquaient la disparition parce que la revanche des Swahilis ne laissait jamais de place à la pitié, après tout c’est juste des Basenji (Mécréants noirs) qu’il fallait éliminer.

Leur réputation s’étant répandue comme une traînée de poudre dans la région força les différents peuple à soit se soumettre, soit s’enfuir, soit se faire massacrer. Sur ce passage vous avez un aperçu de la cruauté arabe contre une tribu insoumise.

Avant de continuer je précise que les Arabo-Swahilis n’étaient pas ethniquement parlant forcément arabe, le plus souvent c’était des noirs arabisés.

Quelques vassaux et alliés de Tippo-Tip

Mohammed bin Hassan, Mohammed Ben Khalfan dit « Rumaliza », signifiant « L’exterminateur » en Swahili, vous avez directement une idée du personnage. Il opérait sur la rive droite du lac Tanganyika.

Buana Nzige, il opérait un peu plus haut sur le fleuve Congo, dans la zone de Kisangani

Ngongo Lutete, chef Kusu (Tetela du Maniema), Plutard en 1897 ses troupes intégrées dans la police coloniale seront à la base d’une révolte dû à l’assassinat de leur chef (Cfr révolte des Batetela), il collabora avec les arabes pour épargner son peuple. Il les trahit plutard.

M’Siri, Roi du Garengaze (Katanga), il était originaire de Tanzanie, de l’ethnie des Banyamwezi (« ceux de la lune »), ethnie qu’on trouve aussi au Mozambique sous le nom des Makua, dont nombreux ont été deportés aux Comores pendant l’esclavage.

Les arabo-Swahilis créèrent plusieurs comptoirs et marchés d’esclaves, notamment ceux de Kasongo, Nyangwe, Kabambare déjà vers 1870 (Photo : marché d’esclave à Kasongo, un monument y a été érigé)

L’ivoire et les esclaves étaient acheminés directement à Zanzibar par caravanes et de là ils étaient vendus puis étaient envoyés à diverses lieux (Monde arabe, Comores, Zanzibar, Mascareignes etc)

Entre temps la violence et les mauvais traitements étaient tels que pour espérer une vie meilleure et ne plus être des Basenzi la plupart commencèrent à se convertir à l’Islam et à adopter la langue de l’envahisseur arabo-Swahili.

Les différentes langues ethniques ne disparurent pas mais le Swahili prit de l’importance vu qu’il facilitait la communication entre plusieurs groupes ethniques qui ne pouvaient se comprendre auparavant.

Lorsque les 1er explorateurs européens pénètrent au cœur de l’Afrique la plupart ont besoin des arabes pour les tuyaux sur les routes commerciales etc. Si bien que nombreux de ces colons rencontrèrent Tippo-Tip en personne (Henry Morton Stanley aka Bula Matari, Livingstone).

Son emprise sur l’Est du Congo fit que Léopold 2 ne pouvaient pas se passer de Tippo-Tip à ses débuts dans la région et le nomma alors gouverneur en 1888 du Congo oriental par l’intermédiaire de Stanley qui était à ce moment là le représentant officiel du roi des Belges au Congo.

Les hommes de Léopold 2 et les esclavagistes arabes ne tardèrent pas à se séparer et à entrer en conflit dû au fait que les missionnaires et la société antiesclavagiste belge, qui venait d’être créé, voyait d’un très mauvais œil la collaboration avec des esclavagistes.

la vérité c’est que la guerre éclata parce que les colons n’avaient juste plus besoin des esclavagistes, la campagne de l’Etat indépendant du Congo contre les arabo-Swahilis commença dès lors.

Je vous passe des détails mais la Force Publique (armée et police de l’Etat indépendant du Congo) sortit victorieuse et c’est ainsi que les arabo-Swahilis furent boutés hors de l’ancien État Indépendant du Congo.

Tippo-Tip retourne sur son archipel natale à Zanzibar et y meurt fauché en 1905 (Photo : Sa tombe)

La présence arabo-Swahili à l’Est du Congo n’aura pas duré plus de 50 ans mais laissa beaucoup de traces, notamment le Swahili, la courte durée de cette domination rend le Swahili du Congo plus ou moins spécial, il a moins d’emprunts à l’Arabe.

D’aucuns disent qu’il est moins pure et moins charmant que celui de la Tanzanie, il est fortement influencé par les langues qui étaient déjà présentes dans les lieux où il s’est installé (Kiluba, Kitetela etc), ce qui donne différents accents dépendamment de la province.