Des premières données aux Etats-Unis montrent que le coronavirus a plus touché et tué de Noirs, pour des raisons principalement voire uniquement sociologiques et politiques. https://www.propublica.org/article/early-data-shows-african-americans-have-contracted-and-died-of-coronavirus-at-an-alarming-rate

Dans la ville de Milwaukee, par exemple, les Noirs constituent 26% de la population, mais près de 50% des malades, et 81% des morts.

Dans l'Etat du Michigan, la population est à 14% noire, mais 35% des malades et 40% des morts le sont. A la Nouvelle Orléans, le quartier le plus violemment touché est un quartier majoritairement habité par des Noirs.

Dans ce contexte le CDC a trouvé la solution : dans une situation où il semble que l'épidémie touche plus violemment les Noirs, ils ont décidé de ne plus relever la race des victimes, et de ne pas diffuser de données. Pas d'info : pas de problème.

L'un des facteurs ayant permis à Milwaukee de prendre en compte ce problème, c'est des politiques que certains n'hésiteraient pas à décrire comme "aberrantes" ici, comme déclarer que le racisme est un problème de santé publique. Des vies seront peut-être sauvées grâce à ça.

En effet, il n'y a rien de biologique dans ce phénomène : du fait du racisme systémique, les Noirs ont plus de chances :
- d'être locataires et donc de ne pas bénéficier d'un report de leur prêt
- de ne pas avoir d'assurance de santé
- d'avoir un travail "nécessaire"

- de ne pas pouvoir travailler à distance
- de devoir quotidiennement prendre les transports en commun, ce qui augmente le nombre de contacts potentiels avec le virus chaque jour

En 1896 le sociologue W.E.B Du Bois faisait déjà des liens similaires entre race et classe aux USA.

Un autre élément qui semble avoir un effet, si on en croit les témoignages, est le fait que les services de santé prennent moins au sérieux les patients Noirs : d'après la NAACP, plusieurs personnes sont mortes après avoir été renvoyées chez elles de l'hôpital car leur cas

n'était pas jugé assez sérieux. Ils n'avaient alors même pas reçu les résultats de leurs tests, et sont pour certains morts avant même que ces résultats n'arrivent, faute de soins.

La sociologue Tressie McMillan Cottom parle de ce phénomène dans son essai de 2019, "Thick".

D'après la responsable de la santé publique de Milwaukee, les employés dont les patrons ne respectent pas l'obligation de fermer les commerces non-essentiels sont également majoritairement des personnes racisées.

Ces résultats n'entrent pas en contradiction avec des études passées sur le rapport entre race et santé publique, concernant l'espérance de vie, mais également les chances de vivre dans un environnement toxique et d'être par exemple confronté à un empoisonnement au plomb.

Un cas bien connu peut être cité : la ville de Flint dans le Michigan, dont la source d'eau courante a pour des raisons de privatisation été changée pour une eau empoisonnée au plomb. Là encore des études ont montré la surreprésentation des personnes noires dans le groupe touché.

Qu'en est-il en France où la pratique de base est de ne pas relever de statistiques raciales ? On n'en sait rien, mais les études par territoire, que ce soit en Seine-Saint-Denis mais également dans les Territoires d'Outre-Mer, des espaces de forte concentration de personnes

racisées, semblent indiquer que des résultats comparables pourront être observés, par un mélange de structuration de l'emploi et du logement, d'investissements en santé publique et, il faut nommer ce qui est, de racisme.

PS : Un travail publié en 2019 indiquait qu'une des raisons pour lesquelles les classes populaires américaines avaient du mal à soutenir la sécurité sociale universelle qui pourrait les sauver était la manipulation de préjugés raciaux par la droite.

PPS : Regardez ce qu'il va se passer dans les semaines qui viennent à Mayotte. Si vous êtes journaliste, braquez tous vos projecteurs sur le département le plus pauvre - et accidentellement, un département avec beaucoup de personnes racisées - du pays.

PPPS : Il est évident que - comme l'expliquent toutes les personnes qui parlent d'intersectionnalité depuis toutes ces années - ce résultat s'explique par une combinaison de facteur, notamment la classe sociale. C'est précisément une illustration de pourquoi opposer ces deux

catégories, par gêne ou par volonté de pureté idéologique, n'a pas de sens dans le concret et dans la vie des gens, où elles se mélangent inextricablement.