1/15 Attention aux illusions sur la "démondialisation"

Avec la crise du COVID19, l'idée de "démondialisation" a plus que jamais le vent en poupe. Cette crise met bien sûr en évidence, s'il en était encore besoin, les limites et les contradictions de la mondialisation actuelle.

2 Pour autant le retour aux frontières nationales en matière économique serait à bien des égards un piège : cela amputerait au premier chef le niveau de vie des plus pauvres. Et ce serait aussi un handicap majeur face à la crise écologique.

3 Il faut bien sûr lutter sans relâche contre les paradis fiscaux qui minent les capacités d'action des Etats et aggravent les inégalités. Et contrairement à ce que beaucoup pensent on peut y arriver : on a fait de gros progrès sur ce terrain depuis 2008 dans le cadre de l'OCDE.

4 Il faut bien sûr se battre pied à pied pour unifier par le haut les conditions sociales et environnementales à l'échelle mondiale et empêcher les entreprises multinationales de jouer les Etats les uns contre les autres sur ces plans.

5 Sur ce terrain des lois comme la loi "devoir de vigilance" française peuvent être des outils efficaces pour discipliner les multinationales. De plus le changement de modèle de la Chine commençait déjà à limiter le dumping social mondial et à pousser à des relocalisations.

6 Il faut bien sûr produire sur son propre territoire les biens les plus essentiels en matière alimentaire, médicale etc... pour ne pas se retrouver dans la situation absurde et dangereuse où la France et l'Europe se sont retrouvées face à l'épidémie de #COVID19 .

7 Mais c'est autre chose que de considérer que chacun devrait se remettre à avoir ses propres entreprises nationales, voir régionales ou locales, pour concevoir et produire la plupart des biens et services dont nous avons besoin.

8 Il y a derrière la mondialisation, une logique économique de base qui n'est pas (seulement) celle du grand capital : concevoir des produits et les fabriquer pour 7 mds d'êtres humains, cela permet de les vendre (nettement) moins cher que le faire pour 66 millions de Français.

9 Et c'est d'autant plus vrai que la mise au point et la production de ces biens sont intensives en investissements matériels (machines) et immatériels (R et D). Un monde qui serait vraiment "démondialisé" c'est un monde où les gens seraient - presque tous - plus pauvres.

10 L'enjeu c'est de réussir à relocaliser la production et discipliner les multinationales sans forcément pour autant réellement "démondialiser" en fermant les frontières et en re"nationalisant" les entreprises.

11 Il y a aussi bien sûr un autre enjeu pour les européens, c'est de faire en sorte que les multinationales qui desservent le marché mondial dans les secteurs d'avenir intenses en investissements de la high tech, ne soient pas seulement chinoises ou américaines.

12 Mais là non plus ce n'est pas au niveau national, et encore moins régional ou local, que nous pouvons espérer régler ce problème : seule davantage d'intégration européenne peut nous permettre d'y faire face efficacement.

13 Enfin, last but not least, la plupart des problèmes écologiques majeurs auxquels nous sommes confrontés, à commencer bien sûr par celui du changement climatique, ne peuvent avoir de solutions qu'à l'échelle mondiale et par la coopération internationale.

14 Si le résultat de la crise du COVID 19 c'est une remise en cause accrue de cette coopération et des institutions multilatérales via une fermeture des frontières économiques, l'humanité aura encore moins de chances de s'en sortir qu'avant...

15 Et les seuls qui pourraient réellement se satisfaire de la situation ainsi créée ce seraient les Trump, Salvini, Orban et autres Le Pen...