Pour ce début de WE, je partage Dactylorhiza sphagnicola pour le #ThemeOrchidees du jour. Espèce qu'on retrouve dans les tourbières (ici Fagne de Malchamps, Spa, 🇧🇪, juillet). C'est l'occasion de faire un #Thread sur les tourbières qui m'a été commandé hier ! ⬇️⬇️
Une tourbière est un écosystème constitué d'une accumulation de tourbe, matière végétale pas (ou très peu) décomposée. Dans la majorité des écosystèmes, la matière organique morte est ± rapidement décomposée, libérant les minéraux, ainsi disponibles pour de nouvelles plantes.
En Belgique, on a des tourbières à 5 endroits, dans l'est et le sud du pays : 1. Les Hautes-Fagnes, de loin les plus étendues du pays 2. La région de Spa 3. Le plateau des Tailles 4. Plateau de Saint-Hubert 5. Plateau de la Croix-Scaille (carte OpenStreetMap).
Tous ces sites sont situés dans la région naturelle de l'Ardenne.
Paysage des Hautes Fagnes (août 2017)
Fagne de Malchamps, près de Spa (juillet 2018)
Fange aux Mochettes, sur le plateau des Tailles (octobre 2017)
Les tourbières se forment dans des endroits où sont réunies des conditions qui ralentissent fortement la décomposition de la matière organique :
1/ Beaucoup d'eau
2/ Températures basses
3/ Milieu acide
1&2/ Regardez le climat des Hautes-Fagnes (Mont-Rigi), en comparaison à celui de Bruxelles (Uccle). C'est l'endroit le plus humide et le plus froid de Belgique. (Données IRM)
1&3/ C'est bien qu'il tombe beaucoup d'eau, mais encore faut-il qu'elle reste à la surface. Les sols de la Haute-Ardenne sont justement assez imperméables.
Et en plus acides (comme tout le reste de l'Ardenne d'ailleurs).
Il existe deux types de tourbières, selon le type d'apport en eau. Les tourbières ombrogènes sont alimentées par la pluie, alors que l'eau des tourbières soligènes vient du sol.
Les espèces végétales à la base des tourbières sont les sphaignes (Sphagnum sp.), qui sont un genre de mousses. Elles poussent à la surface de l'eau et servent de support pour l'ancrage d'autres espèces végétales.
Au sommet des tourbières "jeunes/basses", il y a une couche de sphaignes. La partie inférieure est constituée de mousses mortes, qui finissent par tomber au fond de l'eau et s'accumuler (sans se décomposer pour rappel !). Alors que les mousses sont vivantes à la surface
La matière s'accumule au fond, la couche devient de plus en plus épaisse au fil du temps... pour finalement arriver à la surface de l'eau. La tourbière s'assèche. On parle alors de "tourbière haute".
Car oui les tourbières sont des écosystèmes très dynamiques et surtout "provisoires" ! Toute tourbière finira par se boucher, devenir une lande humide, puis sèche, et finalement une forêt (plusieurs stades forestiers). Une végétation typique est associée à chaque stade.
Quand j'étais en Erasmus à Göteborg (Suède, @goteborgsuni), j'avais juste à côté de chez moi un bois rempli de petits lacs & tourbières, avec une série d'intermédiaires entre les deux. Une petite balade dans ce bois était comme un voyage accéléré à travers le temps.
1e étape: lac peu profond
Puis lac partiellement recouvert de tourbe (au premier plan)
Lacs presque entièrement recouverts
Tourbière complètement refermée (mais encore très humide !)
Dans les tourbières, on peut trouver des structures très particulières, reliques des périodes glaciaires. Ce sont les palses. (Image Google Maps)
🔼🔽Celui-ci se situe dans la Grande Fange (plateau des Tailles, octobre 2017). C'est une cuvette d'eau circulaire de quelques m de diamètre, et profonde de plusieurs m, recouverte d'une couche de ~ 60 cm de sphaignes. Et entourée de végétation terrestre.
Cette strucutre s'est formée en période glaciaire. Localement, la couche de neige était moins importante et fournissait donc une moindre isolation du sol. Dans le sol se forme une lentille de glace, qui gonfle petit à petit en repoussant la matière à la surface (Seppälä 1986).
A l'époque c'était donc une butte. Puis elle a fini par se disloquer et juste laisser une mare profonde, avec une couche de sphaignes à la surface, sur laquelle il est même possible de marcher (⚠️ à ne pas faire, ce sont des milieux strictement protégés et fragiles !).
Parlons maintenant un peu de la diversité botanique de ces milieux ! Ce sont toutes des espèces acidiphiles (= adaptées à des substrats acides) et souvent hygrophiles (qui peuvent pousser dans des sols (très) humides).
On trouve beaucoup d'espèces de la famille des Ericaceae, famille presque strictement acidiphile. Il y a le genre des Vaccinium spp. : V. oxycoccos (la canneberge), V. uliginosum, V. vitis-idaea (l'airelle). Fagne de Malchamps, Spa, juillet.
Les Erica spp. (bruyères), avec Erica tetralix par exemple (Fagne de Malchamps, Spa, juillet).
La rare Andromeda polifolia (Fange aux Mochettes, plateau des Tailles, octobre)
Empetrum nigrum (Fange aux Mochettes, octobre)
Les jolis plumeaux blancs des Eriophorum spp., famille des Cyperaceae (1-Fagne de Malchamps, juillet, 2-Massif du Mont-Blanc)
Vu que le milieu est très pauvre en nutriments (pas de recyclage de mat. organique + sols déjà pauvres de base !), on trouve des espèces avec des adaptations particulières pour obtenir plus de nutriments, comme cette Drosera rotundifolia, plante carnivore (Malchamps, juillet).
La narthécie (Narthecium ossifragum) qui forme de jolis tapis jaunes.
Sur les tourbières qui commencent à s'assécher et les landes acides, on voit apparaître la callune (Calluna vulgaris, Ericaceae).
Les bouleaux pubescents (Betula pubescens) s'installent aussi sur les tourbières plus ou moins sèches (Malchamps).
D'ailleurs ici à la Fange aux Mochettes, on voit à l'arrière plan le front des bouleaux qui avancent petit à petit sur la tourbière...
Les tourbières sont des milieux très précieux et rares, victimes d'une exploitation intense dans le passé. On y récoltait la tourbe utilsée comme combustible, et aujourd'hui des plantations d'épicéa (Picea abies) ont recouvert les tourbières, après drainage pour assèchement.
Aujourd'hui encore, le drainage pour la sylviculture est un problème, car il accélère la transition des tourbières humides vers les landes sèches, puis finalement la forêt de bouleaux.
Un autre problème est l'invasion des tourbières assez sèches par les épicéas (dispersion des graines depuis les nombreuses plantations).
Lorsque les tourbières s'assèchent, elles se font rapidement envahir par la molinie (Molinia caerulea). D'habitude elle marque la transition entre les tourbières humides et le sol sec. Aujourd'hui, elles deviennent vraiment problématiques.
Regardez cette tourbière au sud-ouest des Hautes-Fagnes. Complètement envahie par la molinie, qui étouffe tout le reste...
La plante est reconnaissable à la formation de touradons (accumulation en hauteur des parties mortes, la partie vivante étant au sommet).
Les projets de restauration des tourbières incluent la construction de digues pour contrebalancer le drainage, ainsi que l'étrépage au bulldozer de la molinie (retrait de la couche superficielle du sol), permettant aux autres espèces typiques de repousser.
Voilà pour les tourbières, merci pour la lecture !
Sources :
- Seppälä M (1986) The Origin of Palsas. Geografiska Annaler: Series A, Physical Geography 68: 141–147
- Pissart A (2002) Palsas, lithalsas and remnants of these periglacial mounds. A progress report. Progress in Physical Geography: Earth and Environment 26: 605–621
- Tanghe M (1975) Atlas de Belgique - Phytogéographie, Commission de l’Atlas National. Gand
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