Affaire des Césars : le mot « lesbienne » n'est sorti à aucun moment alors que c’est littéralement la Sainte Trinité du Gouinistan Haenel / Sciamma / Despentes qui vient de faire l’actu pendant une semaine. Je sais pas si c’est « la honte » mais ça m’interroge #thread




Pourtant il y en a eu des réactions après la tribune de Queen Virginie. On a eu l’analyse des Césars au prisme du genre, je reviens pas dans le détail
On a eu l’analyse des Césars au prisme de la race, avec le discours d’Aïssa Maïga sur l’absence de personnes racisées dans le milieu du cinéma, même si à ma connaissance, personne n’a relevé le fait qu’avec les évènements qui ont suivi...
... on a pas parlé de l’invisibilisation totale de la victoire des Misérables qui du coup, devient comme Moonlight une victoire fantôme (et je repose ici la remarque de Maureen Lepers sur Insta qui en parle mieux que moi)
On a eu l’analyse des Césars au prisme de la classe, avec l’argument « Virginie Despentes fait partie des puissants qu’elle dénonce »
Bon et l’orientation sexuelle ? On peut pas dire qu’il y a une foule de lesbiennes out dans l’espace public français, c’est fou de ne même pas soulever cette info. Pourquoi ?
Hypothèse 1 assez peu probable : toustes celles et ceux qui ont commenté / analysé / donné leur point de vue depuis vendredi dernier n'ont même pas eu le mémo (alors iels doivent immédiatement se brancher sur @LesbienRaison pour suivre l’actu, quand même)
Hypothèse 2 : iels ont peur de sortir cette carte d’analyse, de peur d'être taxés d'homophobes. Un terrain inconnu est un terrain dangereux. Quoique on a même pas eu droit au revers de la médaille, qui aurait pu être « le lobby lesbien démonte les Césars ». Mais même pas.
Hypothèse 3 : iels considèrent qu’être lesbienne, cela n'a aucune incidence sur notre manière d'être au monde et qu'au fond, être lesbienne, c'est anecdotique. Du coup j’ai envie de rebondir sur l’hypothèse 3.
Être lesbienne dans ce contexte, cela ne peut pas être anecdotique. Parce que ce n’est pas juste une orientation sexuelle, c’est une manière d’être au monde.
Être lesbienne, assumée, revendiquée comme c’est le cas de la Sainte Trinité, c’est s’extraire d’un jeu que tous les non-hétéros connaissent, celui qu’on apprend à jouer depuis notre petite enfance
S’extraire des rapports de séduction entre hommes et femmes, refuser de facto la règle qui dit que tu existes en tant que femme uniquement sous le regard masculin
Je vais pas résumer Wittig, mais si « les lesbiennes ne sont pas des femmes » c’est parce qu’elles se sont soustraites aux hommes, à la contrainte de l’hétérosexualité pour être au monde
Se revendiquer lesbienne, c’est déjà faire sécession avec le monde que dénoncent Haenel Sciamma et Despentes (oui, j’enlève les prénoms volontairement, parce qu’on dit Cassel ou Derrida sans se poser plus de questions que ça)
Se revendiquer lesbienne, c’est avoir déjà joué ta crédibilité sociale au poker quand tu as fait ton coming-out, c’est avoir déjà eu peur de perdre beaucoup, c'est ce qui te permet de risquer de perdre le respect des puissants
Se revendiquer lesbienne, c’est poser un autre regard sur les dynamiques de domination, presque en étrangère. Être hors-jeu, c’est aussi une force
Quand tu es lesbienne, d’une manière ou d’une autre, tu t’es déjà levée, tu t’es déjà cassée, tu t’es déjà barrée, tu as déjà gueulé, même doucement et poliment pour pas froisser ton entourage, du « monde que vous avez créé pour régner dessus comme des minables »
Despentes dit dans Libé : « La différence ne se situe pas entre les hommes et les femmes, mais entre dominés et dominants, entre ceux qui entendent confisquer la narration et imposer leurs décisions et ceux qui vont se lever et se casser en gueulant.»
Les lesbiennes, dominées, sont celles qui gueulent et vous emmerdent depuis longtemps. Mais malgré la force de leurs voix, vous ne les voyez toujours pas. Incroyable invisibilité, incroyable force de ces femmes.