𝑳‘𝒂𝒑𝒑𝒓𝒐𝒑𝒓𝒊𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒄𝒖𝒍𝒕𝒖𝒓𝒆𝒍𝒍𝒆
“Je ne suis pas noir‱e, je peux porter des nattes plaquĂ©es ?”
“Je ne suis pas arabophone, je peux dire ‘wallah’?”
“Je suis allé‹e en Inde, je peux porter les vĂȘtements que j’ai achetĂ© la bas ?”

Je vous rĂ©ponds ⇓
Comme je vous l’ai dit il y a quelques jours, j’ai dĂ©cidĂ© de rĂ©Ă©crire un texte que Ă  propos d’un sujet que j’avais dĂ©jĂ  traitĂ© deux fois au cours des deux annĂ©es prĂ©cĂ©dentes.
La raison pour laquelle je l’avais rĂ©Ă©crit et le rĂ©Ă©cris Ă  nouveau est simplement que, comme tout personne engagĂ©e dans les luttes sociales, mes opinions militantes se perfectionnent et se prĂ©cisent avec le temps pour ne pas dire s’affirment et s’affermissent.
En relisant ce que j’avais Ă©crit il y a dĂ©jĂ  bientĂŽt deux ans, j’ai rĂ©alisĂ© que je n’étais pas tout Ă  fait d’accord avec moi de 2018 et je vous propose donc une version plus actualisĂ©e de mon texte.
Si je choisis de vous en reparler, c’est parce que cette thĂ©matique, qui suscitait dĂ©jĂ  dĂ©bat en 2018, est encore plus prĂ©gnante en ce dĂ©but 2020.
J’écris dans un double objectif de sensibilisation et de vulgarisation, Ă  dessein de permettre Ă  tous‱te‱s — mĂȘme les moins familier‱ùre‱s avec le concept en question et la terminologie qui en dĂ©coule — une apprĂ©hension du sujet et peut-ĂȘtre mĂȘme une rĂ©flexion sur celui-ci.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, laissez-moi juste rappeler quelques points essentiels au bon dĂ©roulement des Ă©changes qui suivront, je l’espĂšre, cette publication. ÉlĂ©ments qui vont permettront Ă©galement une meilleure apprĂ©hension des informations Ă  venir.
Sachez tout d’abord que je ne prĂ©tends ni ĂȘtre une spĂ©cialiste du sujet ni dĂ©tenir la vĂ©ritĂ© absolue. D’autant que c’est un sujet qui n’est pas scientifiquement vĂ©rifiable et ne peut donc ĂȘtre prouvĂ© au sens scientifique du terme.
Je vous fournirai bien sĂ»r exemples et illustrations, mais ne vous attendez pas Ă  trouver les rĂ©sultats d’expĂ©rimentations quelconques.
Cela signifie aussi qu’il n’y a pas de rĂšgle fixe ou d’approche gĂ©nĂ©rale de la matiĂšre, mais qu’il faudra davantage fonctionner au cas par cas.
Attention cependant, cela ne veut pas dire qu’il est impossible de dĂ©finir et d’identifier le phĂ©nomĂšne.
Ce que vous vous apprĂȘtez Ă  lire relĂšve de mon point de vue personnel, toutefois inspirĂ© par la documentation que j’ai assimilĂ©e sur le sujet et d’autres qui le cĂŽtoient.
Je ne suis la porte parole de personne, hormis de celles et ceux qui le souhaitent. Il est bien plus qu’acceptable de partager mon avis en totalitĂ©, en partie ou pas du tout. Je vous demanderais en revanche de bien vouloir tout lire avant d’engager une discussion.
La pensĂ©e Ă©tant un cheminement intellectuel, construire un argumentaire en rĂ©fĂ©rant Ă  un ou des Ă©lĂ©ments prĂ©levĂ©s et analysĂ©s indĂ©pendamment du reste du corps n’est pas pertinent.
C’est donc dans sa globalitĂ© que je vous inviterai Ă  apprĂ©hender le propos qui suit.
𝑄𝑱’𝑒𝑠𝑡-𝑐𝑒 𝑞𝑱𝑒 𝑙’𝑎𝑝𝑝𝑟𝑜𝑝𝑟𝑖𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑐𝑱𝑙𝑡𝑱𝑟𝑒𝑙𝑙𝑒 ?
Nous commencerons ce petit chemin vers la comprĂ©hension de la thĂ©matique en dĂ©finissant le terme d’appropriation culturelle, dont la premiĂšre occurrence remonte aux annĂ©es 80 au moment de l’éveil des Ă©tudes post-coloniales, quoique le principe soit bien antĂ©rieur.
Dans mon prĂ©cĂ©dent Ă©crit, j’avais proposĂ© la dĂ©finition de Wikipedia comme Ă©tant la plus simple. En voulant consulter Ă  nouveau la page, j’ai pu constater que celle ci a Ă©tĂ© rĂ©actualisĂ©e et le terme analysĂ©...
sans doute Ă  la suite des nombreuses polĂ©miques qui ont suivi la popularisation du concept, et selon un biais clairement en faveur de l’appropriation culturelle, prĂ©sentĂ©e comme “transmission” et “redĂ©finition” culturelle.
En m’informant sur les sources de l’article, j’ai Ă©tĂ© confrontĂ©e sans surprise Ă  une bibliographie essentiellement (si ce n’est en totalitĂ©) Ă©crite par des blanc‱he‱s.
Pareillement, les articles qui apparaissent en premier dans les recherches internet ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©s pour la plupart par des personnes blanches occidentales et sont tout Ă  fait biaisĂ©s puisqu’ayant vocation Ă  justifier le phĂ©nomĂšne au nom du multiculturalisme et du cosmopolitisme.
Si vous ne comprenez pas encore le problĂšme, vous le comprendrez par la suite.
Je vous propose donc la dĂ©finition suivante, proposĂ©e par Loretta Todd (rĂ©alisatrice canadienne de descendance indigĂšne) et Bell Hooks (Ă©crivaine fĂ©ministe noire amĂ©ricaine) : l’appropriation culturelle dĂ©signe le vol du vestiaire ou des symboles d’une culture dite minoritaire.
En d’autres termes, ce Ă  quoi renvoie l’appropriation culturelle est toute forme de profit tirĂ© par un groupe ethnico-culturel dominant vis Ă  vis d’un autre minoritaire, au dĂ©triment et sans l’approbation de ce dernier.
Richard MĂ©meteau souligne dans ce cas l’absence d’échange et/ou de dialogue. Il s’agit donc d’un rapport de domination au sein duquel la culture minoritaire n’a pas le choix d’accepter ou de refuser cette exploitation.
L’appropriation culturelle est en cela trĂšs diffĂ©rente du mĂ©tissage culturel, qui renvoie au mĂ©lange de diverses cultures sans que l’une d’entre elles n’aie l’ascendant sur une ou plusieurs autres.
Il faut entendre par culture ce qui est crĂ©Ă©, produit, transmis et appris par les individus d’un mĂȘme groupe social et/ou ethnique.
Bien entendu, une culture n’est ni autosuffisante ni homogĂšne ou linĂ©aire puisque rĂ©sultant de la jonction d’une infinitĂ© d’élĂ©ments renouvellĂ©s, rĂ©actualisĂ©s, rĂ©interprĂ©tĂ©s, inspirĂ©s, transmis, Ă©changĂ©s, partagĂ©s avec et par d’autres cultures.
Ainsi, quand on parle de cultures occidentale, africaine ou asiatique, on ne sous entend pas qu’elles prĂ©sentent un faciĂšs uniforme, on regroupe simplement des cultures qui prĂ©sentent des similitudes et une proximitĂ© gĂ©ographique
(les deux Ă©tant intrinsĂšquement liĂ©es, lĂ  je vous parle en tant qu’historienne et historienne de l’art).
Tous ces Ă©lĂ©ments font du concept de culture une notion trĂšs complexe, ce qui nonobstant n’empĂȘche d’identifier certains Ă©lĂ©ments spĂ©cifiques et communs Ă  certains groupes de cultures.
NĂ©anmoins lorsqu’on parle de culture “dominante” Ă  l’échelle mondiale, on fait surtout rĂ©fĂ©rence Ă  la culture occidentale, soit la culture europĂ©enne et nord-amĂ©ricaine blanche
— ces Ă©lĂ©ments sont discutables Ă  des Ă©chelles moindres, continentales par exemple, mais ce n’est pas le propos.
Culture indĂ©niablement privilĂ©giĂ©e et prĂ©dominante Ă  l’échelle globale pour des raisons socio-historiques sur lesquelles je ne reviendrai pas spĂ©cifiquement — mais qui dĂ©coulent en grande partie des empires coloniaux et migrations forcĂ©es :
lorsque les occidentaux blancs se sont invitĂ©s sur les continents Asiatique, Sud-AmĂ©ricain et Africain entre autres, les populations locales (en plus d’ĂȘtre violentĂ©es, violĂ©es et massacrĂ©es)
ont Ă©tĂ© contraintes d’adopter des Ă©lĂ©ments culturels occidentaux et se sont vues arracher des Ă©lĂ©ments culturels qui Ă©taient leurs.
Ont suivi des siĂšcles d’esclavage, une des premiĂšres causes de ce qu’on appelle aujourd’hui le mĂ©tissage au sens gĂ©nĂ©tique.
Plus tard, certains pays occidentaux dominant les sphĂšres Ă©conomique et politique ont Ă©galement contraint des populations Ă  immigrer afin notamment de les exploiter Ă  l’occasion de guerres et de travaux de reconstruction :
on peut penser pour n’en citer que quelques exemples connus aux migrations portugaise, polonaise
[Oui, ces derniers sont blancs et occidentaux mais je ne parlerai pas dans mon dĂ©veloppement des discriminations faites par les blancs envers d’autres blancs puisqu’aujourd’hui les consĂ©quences de ces faits ne sont pas les mĂȘmes pour les descendants d’immigrĂ©s de type caucasien
et que je ne suis pas concernĂ©e. Comme je vous l’expliquais, selon l’échelle Ă©tudiĂ©e les donnĂ©es diffĂšrent et l’on peut admettre des rapports de domination entre les sous cultures d’une mĂȘme culture dominante.
On pourrait parler d’appropriation culturelle sur une Ă©chelle continentale voire nationale.], sĂ©nĂ©galaise, algĂ©rienne.
Ceci explique notamment la prĂ©sence actuelle de langues, religions, mƓurs, et systĂšmes politiques occidentaux dans les continents citĂ©s prĂ©cĂ©demment.
Nous vivons encore tous‱te‱s les consĂ©quences de la domination occidentale qui ne remonte pas Ă  si longtemps que cela quoiqu’en laissent penser les vieux manuels d’histoire poussiĂ©reux.
Parlez un peu à vos grands-parents ou aïeuls si vous en avez la possibilité, vous le verrez trÚs vite.
Si je suis revenue un peu dans le temps, c’est afin d’illustrer la propension des populations occidentales blanches Ă  imposer leur culture au dĂ©triment d’autres et Ă  voler [dĂ©f. : soustraire la chose d’autrui] d’autres cultures.
Plus que cela, mĂȘme, la tendance des populations blanches Ă  considĂ©rer les populations minoritaires non-blanches (et aussi dans certains cas, blanches Ă©galement :
c’est trĂšs complexe mais je pense aux immigrĂ©s portugais, mĂȘme si je ne dĂ©velopperai pas), en particulier noires — et d’autres encore, mais je suis moins renseignĂ©e, comme non pas humaines mais comme des moyens et donc potentielles propriĂ©tĂ©s
(moyen de satisfaire un dĂ©sir, de crĂ©er des ressources financiĂšres par exemples), mais je m’éloigne.
C'est aussi pour amener un autre point : je veux vous expliquer pourquoi l’appropriation culturelle fonctionne à sens unique, autrement dit pourquoi on ne peut pas dire qu’un groupe minoritaire s’approprie la culture d’un groupe dominant.
En effet, l’argument qui revient souvent est celui qui consiste Ă  dire que les groupes minoritaires ont Ă©galement incorporĂ© des Ă©lĂ©ments culturels occidentaux — vous voyez je pense oĂč je veux en venir —
vous voyez je pense oĂč je veux en venir — or, comme nous l’avons vu, lesdits Ă©lĂ©ments n’ont pas Ă©tĂ© incorporĂ©s volontairement par les groupes culturels minoritaires mais bien imposĂ©s par le groupe culturel dominant.
Vous commencez Ă  saisir je l’espĂšre, en quoi consiste l’appropriation culturelle et en quoi elle diffĂšre du mĂ©tissage culturel, bien qu’ils trouvent tous deux leur origine dans l’impĂ©rialisme culturel occidental.
Maintenant que nous avons posé les jalons théoriques de la thématique, nous allons à présent nous atteler à son corps pratique.
Je fais une petite pause dans la rédaction. La suite arrive trÚs bientÎt.

P.-S.: sur le premier tweet j’ai fait une faute d’accord, ce sont “les vĂȘtements que j’ai achetĂ©S” avec un S !
đ‘«đ’‚đ’đ’” 𝒒𝒖𝒆𝒍𝒔 𝒄𝒂𝒔 𝒑𝒆𝒖𝒕-𝒐𝒏 𝒑𝒂𝒓𝒍𝒆𝒓 𝒅’𝒂𝒑𝒑𝒓𝒐𝒑𝒓𝒊𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒄𝒖𝒍𝒕𝒖𝒓𝒆𝒍𝒍𝒆 ?
Nous avons à présent défini de maniÚre théorique le concept en question ainsi que ceux qui gravitent autour de ce dernier.
Vous n’ĂȘtes pourtant pas encore tout Ă  fait certain‱e‱s de saisir ce en quoi concrĂštement consiste le fait de s’approprier la culture d’autrui.
Sachez dans un premier temps qu’il est compliquĂ© de dĂ©terminer prĂ©cisĂ©ment oĂč commence et oĂč s’arrĂȘte l’appropriation culturelle.
Comme je le disais prĂ©cĂ©demment, la culture n’est ni homogĂšne ni linĂ©aire. La mondialisation ainsi que l’essor des rĂ©seaux sociaux ont enfoncĂ© les portes ouvertes par les occidentaux Ă  travers leur impĂ©rialisme. C’est ce que l’on appelle le multiculturalisme.
Aujourd’hui, nous ne sommes plus nĂ©cessairement le produit d’un seul groupe culturel. Beaucoup d’entre nous si ce n’est la plupart, sont issus de parents d’origines culturelles divergentes qui nous transmettent leurs us et leurs traditions.
Nous sommes plus rĂ©guliĂšrement au contact (virtuel ou rĂ©el) d’individus diffĂ©rents de nous par leurs opinions et leur extraction socio-culturelle. Nous sommes confronté‹e‱s dans nos parcours scolaires et Ă  travers notre Ă©ducation Ă  la culture de l’autre :
nous apprenons d’autres langues, nous partons en voyages d’échange, nous Ă©tudions l’histoire, la politique, le droit tels qu’ils sont pour d’autres pays, etc.
Enfin, par nos intĂ©rĂȘts et lors de notre construction personnelle en tant qu’individu, nous nous familiarisons Ă  travers diffĂ©rents media Ă  d’autres cultures :
nous apprenons des autres, nous lisons des Ă©crits, Ă©coutons de la musique, contemplons des Ɠuvres d’art, partons en voyage... autant de choses qui viennent enrichir notre noyau culturel. On pourrait en ce sens dire que chaque individu est un foyer de culture.
Mais ne soyons pas naĂŻf‱ve‱s. Personne n’est sans ignorer les rapports de domination et d’inĂ©galitĂ© sociales. Tous les individus et toutes les cultures ne sont pas logĂ©s Ă  la mĂȘme enseigne aux Ă©chelles sociales, sociĂ©tales et systĂ©miques.
Dans un monde forgé par les occidentaux blancs pour les occidentaux blancs, ces derniers sont évidemment privilégiés.
En plus de s’ĂȘtre accordĂ© de droit de contraindre par la violence toute personne en marge du groupe majoritaire Ă  adopter leurs mƓurs, les occidentaux blancs se sont Ă©galement attribuĂ© celui de moquer, exploiter, bafouer, plagier,
usurper des éléments culturels originaires des groupes minoritaires qui eux sont sanctionnés pour le simple fait de revendiquer des éléments qui sont culturellement leurs.
S’approprier la culture d’autrui, ce peut ĂȘtre estimer qu’elle est sienne et par ce fait en renier les origines et la symbolique.
Cela peut aussi ĂȘtre le fait de dĂ©libĂ©rĂ©ment la tourner en une distraction, un accessoire ou une mode. C’est aussi Ă©mettre Ă  propos de celle-ci un jugement de valeur, en sĂ©lectionnant certains Ă©lĂ©ments que l’on estime acceptables pour en dĂ©valoriser d’autres :
c’est une forme de hiĂ©rarchisation. Ce peut ĂȘtre Ă©galement considĂ©rer qu’il n’est acceptable de mettre en exergue ou de revendiquer les Ă©lĂ©ments d’une culture minoritaire que si l’on appartient au groupe culturel majoritaire.
Enfin, cela peut aussi consister en le fait de tirer des avantages sociaux ou Ă©conomiques d’une culture minoritaire au dĂ©triment des peuples dont elle est originaire. C’est somme tout ne pas la respecter et par extension ne pas respecter les individus qui en sont dĂ©positaires.
Pour illustrer le propos, nous nous pencherons sur plusieurs cas qui selon moi illustrent parfaitement ce dont il est question.
Parlons dans un premier temps du 𝒅𝒆𝒈𝒖𝒊𝒔𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕. On voit souvent petits et grands blancs dĂ©guisĂ©s en « indiens » Ă  l’occasion de fĂȘtes diverses.
Or la fĂȘte et le dĂ©guisement appartiennent Ă  la sphĂšre du drĂŽle, du divertissement, parfois mĂȘme de la caricature et du grotesque. Le dĂ©guisement se base la plupart du temps sur le clichĂ©.
Il force le trait et se compose de plusieurs Ă©lĂ©ments disparates assemblĂ©s de maniĂšre hasardeuse. Parfois mĂȘme, certains Ă©lĂ©ments sacrĂ©s ou Ă©sotĂ©riques sont dĂ©pouillĂ©s de leur signification en relĂ©guĂ©s au rang de blague.
Bien sĂ»r les auteur‱rice‱s de ces faits n’en ont aucune idĂ©es puisqu’iels n’ont aucune connaissance des cultures qu’iels moquent (ou alors iels n’en ont que faire). Outre cela, c’est aussi la nĂ©gation de l’histoire d’un peuple :
encore aujourd’hui il y a des rapports de forces entre les peuples occidentaux et amĂ©rindiens qui ont Ă©tĂ© massacrĂ©s, pillĂ©s et parquĂ©s dans des rĂ©serves.
Les peuples natifs amĂ©ricains sont encore exploitĂ©s, discriminĂ©s au moment oĂč je vous Ă©cris et victimes de violences lorsqu’ils arborent des Ă©lĂ©ments constituant leur propre culture (noms, traditions, vĂȘtements, langue,..).
Quand Hillary Duff et son ami se sont dĂ©guisĂ©s en natif amĂ©ricain et pĂšre pĂšlerin en 2016 vous comprenez donc Ă  quel point cela peut ĂȘtre offensant.
Alicia BigCanoe, canadienne native Chippewa poste tous les ans un clichĂ© d’elle en habit traditionnel sous le hashtag #IAmNotACostume lors de la fĂȘte de Halloween, afin de sensibiliser sur le fait que sa culture n’est pas un dĂ©guisement.
Si vous considĂ©rez votre culture comme une blague, vous n’avez pas Ă  traiter de la mĂȘme maniĂšre celle des autres.
De plus, le 𝒈𝒓𝒊𝒎𝒂𝒈𝒆 à caractùre ethnico-racial est historiquement raciste. Parlons du blackface.
Outre le fait qu’une couleur de peau n’est pas un dĂ©guisement ou un accessoire qui se met et se retire, puisque contrairement Ă  vous si vous ĂȘtes non noir‱e‱s (a fortiori blanc‱he),
nous ne pouvons choisir de l’ĂȘtre ou non, nous le sommes tous les jours de notre vie et vous nous le faites payer en nous discriminant, nous violentant et nous massacrant.
Le blackface s’inscrit dans cet historique de violences, puisqu’il est Ă  l’origine une forme de thĂ©Ăątre occidental qui consiste en le grimage d’une personne blanche en personne noire Ă  dessein de moquer les personnes d’origine Afro-antillaises sur la base de clichĂ©s.
Si la couleur de peau n’est pas directement culturelle, c’est toutefois autour d’elle que nous construisons notre identitĂ© culturelle dans la plupart des cas, puisque la sociĂ©tĂ© occidentale blanche nous pousse Ă  le faire en nous excluant.
Également, le grimage facial s’accompagne presque toujours de dĂ©guisement (cf. le cas du dĂ©guisement citĂ© plus tĂŽt), d’imitations d’accents et de gestuelles, du port d’habits traditionnels...
Quand Antoine Griezmann se grime en noir en prĂ©tendant avoir voulu se dĂ©guiser en basketteur pour une soirĂ©e annĂ©es 80, c’est un problĂšme car cela renforce les stĂ©rĂ©otypes autour de la personne noire. Or stĂ©rĂ©otyper en vertu de l’appartenance ethnique, c’est raciste et non lĂ©gal
Ces stéréotypes sont entre autres ceux liés à la performance physique, la taille et la prédisposition au sport. On peut tout à fait se déguiser en basketteur sans se peinturlurer en noir, surtout quand on sait (et on le sait toustes) que les personnes noires sont discriminées.
Le maillot « NBA » suffisait à comprendre en quoi il était déguisé.
Encore une fois, compte tenu du passĂ© historique violent entre les communautĂ©s occidentales et Afro-antillaises le blackface s’inscrit Ă  la fois dans le racisme et l’appropriation culturelle (celle-ci Ă©tant une forme de racisme).
On pourrait penser qu’aprĂšs avoir fait subir tant d’horreurs Ă  un peuple sur la base simplement de sa diffĂ©rence, cesser de le discriminer serait de rigueur.
J’aimerais maintenant vous parler de la 𝒎𝒐𝒅𝒆 et des 𝒎𝒐𝒅𝒆𝒔 qui est selon moi le berceau de l’appropriation culturelle. Soyons clair‱e‱s sur le fait que personne ne peut vous interdire de porter tels ou tels vĂȘtements, coiffures, maquillages, tatouages.
Ce n’est pas la question. Mon but ici est de vous faire comprendre ce qui n’est pas acceptable lorsque vous le faites.
PremiĂšrement, rĂ©duire des Ă©lĂ©ments vestimentaires, de parure ou de coiffure propre Ă  une autre culture au rang d’accessoires et remplacer leur fonction symbolique et significative voire sacrĂ©e au profit d’un simple esthĂ©tisme, c’est trĂšs irrespectueux.
D’autant que comme je le disais, les personnes dont ces Ă©lĂ©ments font partie de l’hĂ©ritage culturel sont discriminĂ©es pour les arborer !
Il y a donc un double standard selon lequel seules les personnes occidentales ont le droit d’afficher ouvertement ces Ă©lĂ©ments qui n’ont souvent rien Ă  voir avec leur culture et Ă  propos desquels ils ne sont pas renseignĂ©s .
Pour finir, l’appropriation culturelle est aussi l’exploitation de cultures minoritaires au profit de cultures majoritaires.
L’appropriation culturelle est donc un acte capitaliste qui vise Ă  produire de l’argent au dĂ©triment des cultures minoritaires sur la base de l’impĂ©rialisme, du suprĂ©macisme et de l’orientalisme post-colonial.
Jalil Leclaire, Ă©crivain et membre de DĂ©coloniser les Arts, insiste sur le fait qu’il y a invisibilisation de la culture exploitĂ©e.
Richard MĂ©meteau quant Ă  lui confirme que si les retombĂ©es Ă©conomiques et sociales de l’utilisation d’une autre culture que la sienne ne sont pas partagĂ©es avec les dĂ©positaires de la culture en question, c’est qu’il y a exploitation.
C’est pourquoi acheter et vendre des vĂȘtements plagiant ou imitant des vĂȘtements ou motifs traditionnels non occidentaux, auprĂšs de vendeurs occidentaux qui en tirent profit — surtout quand ils sont vendus Ă  prix d’or —
et qui en nient les origines et la signification, cela ne passe pas.
En 2018, l’enseigne Zara a commercialisĂ© des chaussettes prĂ©sentant des motifs Xhosa, motif traditionnel d’une ethnie Sud-Africaine mais aussi propriĂ©tĂ© du crĂ©ateur noir-africain Maduma Ngxokolo.

https://www.instagram.com/p/Bh9XRreFHxm/?utm_source=ig_embed
Il est trÚs courant que les grands créateurs européens et américains usurpent des motifs, designs, voire des piÚces entiÚres créés par des designers locaux non occidentaux disposant de moindres moyens.
Quand les modĂšles de Victoria’s Secret arborent des coiffes amĂ©rindiennes et des Ă©lĂ©ments de vĂȘtements traditionnels Ă  la signification sacrĂ©e....
transformés en ensemble bikini et couvre chef grotesque, il y a une négation totale de la culture amérindienne par cette désacralisation. Pour les amérindiens, chaque plume a une signification : les plumes sont portées par les chefs qui les ont obtenues grùce à leur courage.
Elles sont ici toutes mĂ©langĂ©es et perchĂ©es sur la tĂȘte d’une fille en maillot de bain.
Lorsque Marc Jacobs fait dĂ©filer des modĂšles blanches en 2015 avec des Bantu knots ou Kendall Jenner avec des fausses locks en 2016, coiffures qu’il prĂ©tend avoir « inventĂ©e » ou « rĂ©inventĂ©e » en leur donnant des noms occidentaux, c’est Ă©galement intolĂ©rable.
Si les dreadlocks sont ancrĂ©es dans certaines cultures blanches, notamment anglo-saxonnes et germaniques, les mettre en scĂšne et en revendiquer la (rĂ©)invention, sans rĂ©fĂ©rer Ă  leur origine et sans avoir aucune attache culturelle Ă  ces coiffures, c’est dĂ©jĂ  peu fameux.
En revanche, je pense que contrairement aux arguments de ceux qui font preuve de mauvaise foi, Marc Jacob ne faisait pas du tout rĂ©fĂ©rence Ă  la « culture Viking » dont il aurait pu ĂȘtre issu (ce n’est en plus pas vrai)
mais s’approprie des Ă©lĂ©ments de coiffure Afro-Antillaise, comme il le fait chaque annĂ©e. En 2015 il a niĂ© avoir repris le Bantu knot en prĂ©tendant qu’il s’agissait d’une coiffure qu’il aurait inventĂ© et qu’il nommait les mini buns.
Or le Bantu knot est Ă  l’origine une coiffure adaptĂ©e aux cheveux crĂ©pus et frisĂ©s commune Ă  entre 300-600 pays d’Afrique noire.
Vous aurez compris que le premier problÚme ici est de créer des ressources financiÚres en plagiant des coiffures traditionnelles, et en prétendant les avoir inventées au lieu de reconnaßtre une inspiration ou une influence.
Le second problĂšme est que les personnes d’origine Afro-antillaise sont discriminĂ©es lorsqu’elles portent ces coiffures qui sont adaptĂ©es Ă  leurs cheveux et font partie de leur culture.
Au delĂ  des moqueries et des violences courantes (se faire arracher ou couper les tresses/tissages Ă  l’école ou dans les transports, critiques et remarques racistes, personnes qui touchent les cheveux sans demander ou considĂšrent notre physique come divertissant),
on nous refuse logements, Ă©coles, emplois, compĂ©titions sportives. Il en va de mĂȘme pour les vĂȘtements traditionnels.

https://www.nj.gov/oag/newsreleases19/DCR-Hair-Discrimination-Guidance.pdf
On peut aussi penser Ă  Kim Kardashian qui depuis quelques annĂ©es plagie des coiffures Afro dont elle revendique la crĂ©ation et qu’elle renomme afin d’effacer toute trace de leur origine.
Paradoxalement, elle lisse trÚs souvent les cheveux de sa petite fille et on ne la voit jamais avec des coiffures qui seraient plus adaptées à son cheveu frisé...
Voici Ă©galement le lien d’une publication qui parle de l’appropriation occidentale des tatouages berbĂšres qui sont trĂšs Ă  la mode qui les dĂ©forment et les arborent uniquement pour leur aspect esthĂ©tique sans en connaĂźtre la symbolique : https://twitter.com/nacim0unet/status/1219155286814003206?s=21
Je souhaite exposer un dernier cas, qui est celui du Bindi portĂ© par Vanessa Hudgens en 2014 Ă  l’occasion du festival Coachella (sponsorisĂ© par des lobbys homophobes).
Ce dernier n’est pas qu’un accessoire, c’est aussi un Ă©lĂ©ment inscrit dans l’hĂ©ritage Sud-Asiatique qui se revĂȘt de fortes symboliques. Beaucoup de femmes Tamil ont Ă©tĂ© choquĂ©es par ces agissements.
Pereesh Kunesakran, une des femmes Ă  avoir postĂ© avec le hashtag #ReclaimTheBindi, a dĂ©clarĂ© lors d’une interview Ă  Deccan Chronicle qu’il fallait Ă©duquer les gens sur le fait que sa culture n’est pas une tendance.
On ne devrait pas porter un Bindi ou des tatouages au henna sans en connaĂźtre la signification pour ceux qui les portent. Il y a une diffĂ©rence entre s’approprier une culture et l’apprĂ©cier.
Selon elle, apprĂ©cier une culture revient Ă  se cultiver sur cette culture avec respect et volontĂ© de la comprendre. À l’inverse, s’approprier une culture serait en reprendre les symboles et les traditions sans avoir aucune connaissance de leur importance.
Pour achever cette seconde partie, je souhaite vous parler de la 𝒍𝒂𝒏𝒈𝒖𝒆. Comme je vous le disais, si autant de pays non occidentaux parlent des langues occidentales, c’est qu’elles y ont Ă©tĂ© importĂ©es par la force lors de la colonisation.
On peut penser Ă  l’AlgĂ©rie (français), au BĂ©nin (français), au Ghana (anglais), Ă  la GuinĂ©e (espagnol)...
Parlons plus spécifiquement de la France.
Si l’on ne peut ignorer l’intĂ©gration dans la langue française de certains mots d’origine arabophone ou issus de dialectes africains noirs comme le Lingala, il faut prĂ©ciser certains Ă©lĂ©ments.
Le premier est la diffĂ©rence de contexte politique, historique et social qui nous sĂ©pare de la gĂ©nĂ©ration de nos parents qui dans un climat post colonial et faussement cosmopolitain a gĂ©nĂ©ralisĂ© l’emploi de certains termes originaire des pays colonisĂ©s.
En effet, ce n’est pas parce que la gĂ©nĂ©ration prĂ©cĂ©dente ou les gĂ©nĂ©rations antĂ©rieures n’avaient pas rĂ©ellement conscience de l’appropriation culturelle et du post colonialisme que nous devons feinter de ne pas en avoir non plus.
Une des langues dont beaucoup de termes sont repris en français est l’arabe. Si vous n’ĂȘtes pas arabophone, vous avez peut-ĂȘtre mĂȘme entendu vos parents ou aĂźnĂ©s (ou vous !) utiliser certains mots comme « toubib », « kawa », « caĂŻd », « souk »...
Ce n’est pas tout Ă  fait la mĂȘme chose que vous qui lancez des « khey », des « wesh » et pire, des « wallah » ou des « starfoullah » Ă  tire larigot puisque cela ne s’inscrit pas dans le mĂȘme contexte d’une part.
D’autre part, les personnes arabophones sont discriminĂ©es si elles parlent leur propre langue maternelle ou d’origine, alors que vous le faites — en particulier si vous ĂȘtes blanc‱he‱s — sans aucune retombĂ©e autre que de vous donner un genre.
Ensuite, vous n’avez pour la majoritĂ© aucune idĂ©e de ce que peuvent bien signifier ces mots que vous rĂ©pĂ©tez par mimĂ©tisme pur.
À ce clichĂ© que vous avez contribuĂ© Ă  crĂ©er, selon lequel les arabophones (souvent noirs ou nord-africains) sont des « racailles », vous cherchez inconsciemment Ă  vous assimiler pour avoir l’air plus cool.
Enfin, lorsque vous utilisez des termes religieux (tous ceux qui contiennent le nom Allah), vous désacralisez et bafouez des mots lourds de signification pour les personnes musulmanes notamment.
Vous allez parfois jusqu’à dĂ©former ces mots, qui ont une signification et symbolique forte. Pour terminer cette partie, je souhaiterais revenir sur la notion d’orientalisme.
À l’origine, l’orientalisme est la manifestation de la curiositĂ© des occidentaux envers les cultures non occidentales. Dans un premier temps, c’est dans les arts qu’il s’exprime — c’est mĂȘme le nom d’un courant artistique qui voit le jour au XVIIIĂ©me siĂšcle.
Cependant son empreinte est omniprĂ©sente dans les sociĂ©tĂ©s post-mĂ©diĂ©vales. J’ai trĂšs envie de vous faire un cours d’histoire, mais je rĂ©siste, je suis dĂ©jĂ  trĂšs longue... C’est un concept qui repose sur une fausse mystique composĂ©e de clichĂ©s, fantasmes et fĂ©tichisation.
En faisaient preuve notamment la plupart des grands lettrĂ©s du patrimoine français (Hugo, Flaubert, Gauthier,...). [TIMELAPSE] Elle s’exprime aujourd’hui par le dĂ©sir de cĂŽtoyer Ă  tout prix, de prĂšs ou de loin, les individus et cultures que l’on fantasme comme Ă©tant mystĂ©rieuses.
Il n’est pas rare que des personnes occidentales souhaitent cĂŽtoyer exclusivement des personnes d’origine non occidentale, allant jusqu’à se faire passer pour non occidentales ou s’inventer des « origines » !
On remarque une volontĂ© grandissante de la part des populations occidentales de s’assimiler aux fantasmagories dont elles seules sont Ă  l’origine. Ceci pourrait expliquer la volontĂ© d’arborer certains Ă©lĂ©ments culturels que associĂ©s Ă  ces fantaisies.
Je conclue cette partie sur ces mots. Je vous parlerai ensuite trĂšs bientĂŽt de ce qu’on appelle l’apprĂ©ciation culturelle, afin de vous aider Ă  comprendre comment apprĂ©cier une culture sans se l’approprier.
đ“’đ“žđ“¶đ“¶đ“źđ“·đ“œ đ“Șđ“čđ“čđ“»đ“źđ“Źđ“Čđ“źđ“» đ“Ÿđ“·đ“ź đ“Źđ“Ÿđ“”đ“œđ“Ÿđ“»đ“ź đ“Œđ“Șđ“·đ“Œ đ“Œđ“ź đ“”â€™đ“Șđ“čđ“čđ“»đ“žđ“čđ“»đ“Čđ“źđ“» ?
Dans cette derniĂšre partie, centrĂ©e sur la limite entre appropriation et apprĂ©ciation culturelle, je m’adresse Ă  toutes les personnes de culture occidentale.
Les propos qui suivent s’inscrivent dans le cadre de l’appropriation des cultures minoritaires non occidentales par les cultures majoritaires occidentales.
Vous noterez que je n’ai pas spĂ©cifiĂ© « blanches », simplement parce que couleur de peau et origine ethnique ne riment pas avec culture.
Bien que les personnes blanches soient par leur Ă©ducation et leur culture socio-politique plus enclines Ă  s’approprier des cultures minoritaires non blanches, retenez bien qu’elles ne sont pas les seules.
Je m’explique. Il arrive communĂ©ment que des personnes non blanches Ă  l’hĂ©ritage culturel non blanc Ă©voluent uniquement ou en trĂšs grande partie dans un cadre socio-culturel occidental blanc
et n’aient par consĂ©quent aucune ou peu de connaissance ou d’attache Ă  leur patrimoine culturel d’origine.
C’est le cas par exemple pour certaines personnes descendantes d’immigré‹e‱s dont les prĂ©dĂ©cesseurs vivent et ont vĂ©cu dans des pays de culture occidentale depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations.
C’est le cas de certaines personnes adoptĂ©es, Ă©galement. C’est aussi le cas de personnes issues d’un mĂ©tissage gĂ©nĂ©tique et culturel. Entre autres.
L’effet de mode trĂšs rĂ©cent selon lequel il est valorisant d’afficher un ostentatoire multiculturalisme ne touche pas que les personnes blanches, il est aussi susceptible de toucher les personnes non blanches de culture majoritairement occidentale.
La diffĂ©rence principale restant que les personnes blanches de culture occidentale ont pour la plupart moins d’attache, d’intĂ©rĂȘt et de connaissances que les personnes non blanches de culture occidentale pour les cultures minoritaires.
Et aussi, le complexe du White Savior et la tendance inconsciente à le mettre en avant à travers l’appropriation culturelle.
Ceci Ă©tant dit, gardez Ă  l’esprit que (je sais, ça fait beaucoup), au fur et Ă  mesure que les cultures s’enchevĂȘtrent, s’entremĂȘlent et s’entrelacent, leurs manifestations se confondent.
Et effectivement, quand on Ă©volue au contact de plusieurs cultures, c’est en piochant instinctivement dans celles-ci qu’on se constitue la sienne.
Le problĂšme, toutefois, ne rĂ©side pas dans le fait d’emprunter simplement des Ă©lĂ©ments originaires d’une culture qui n’est Ă  l’origine pas la nĂŽtre ; non, le problĂšme rĂ©side dans la maniĂšre de le faire, mais Ă©galement dans les consĂ©quences de ce fait.
Gabrielle Richardson, noire-amĂ©ricaine et fondatrice du collectif Art Hoe Collective — une plateforme internet qui permet aux artistes queer et non blanc‱he‱s de s’exprimer sans ĂȘtre restreint‱e‱s par les hĂ©tĂ©ronormes qui dominent l’univers artistique —
a dit lors d’une interview pour iD que l’appropriation commence lorsque le pouvoir est en jeu. Elle insiste sur le fait que l’apprĂ©ciation sous-entend un Ă©change Ă©galitaire de pouvoir et de culture reconnu par les deux parties et fait dans le respect.
Elle souligne également la différence entre célébration et marchandisation.
Autrement dit, prenez le temps de discuter avec des personnes dĂ©positaires des cultures qui vous intĂ©ressent afin de vous assurer de ne pas ĂȘtre irrespectueux‱ses ou oppressif‱ve‱s lorsque vous leur empruntez des Ă©lĂ©ments.
Si vous constatez que vos interlocuteur‱rice‱s sont offensé‹e‱s par vos intentions, respectez les et leurs opinions.
Si l’élĂ©ment que vous souhaitez emprunter nĂ©cessite un achat, privilĂ©giez les producteurs locaux et originels, qui pourront du mĂȘme coup vous renseigner sur leur symbolique et leur histoire.
Si vous faites un emprunt culturel, n’oubliez pas de crĂ©diter l’origine de celui-ci et surtout ne vous avisez pas de prĂ©tendre que vous en ĂȘtes le‱a crĂ©ateur‱rice. Inspirez-vous, mais ne copiez pas.
Enfin, prenez garde Ă  ne tirer aucun profit non partagĂ© ou inĂ©gal de vos emprunts. Sensibilisez votre entourage sur ces Ă©lĂ©ments en relayant — et non pas monopolisant — la parole des personnes concernĂ©es.
Si l’appropriation est Ă  sens unique, l’apprĂ©ciation elle est le fruit d’un Ă©change, d’un dialogue.
Gabrielle explique dans la suite de son interview que l’appropriation culturelle survient quand l’histoire et le mode de vie d’un groupe culturel sont rĂ©duits Ă  une esthĂ©tique.
C’est-Ă -dire qu’un emprunt culturel qui exprime l’apprĂ©ciation d’une culture ne dĂ©vĂȘt pas l’élĂ©ment empruntĂ© de sa signification premiĂšre.
Emprunter un Ă©lĂ©ment Ă  la valeur exclusivement esthĂ©tique pour ce mĂȘme motif est acceptable, tandis qu’emprunter un Ă©lĂ©ment Ă  la symbolique sacrĂ©e pour de simples raisons esthĂ©tiques l’est pas.
En revanche, emprunter des caractĂ©ristiques physiques propres Ă  un groupe ethnico-culturel n’est JAMAIS, en AUCUN CAS acceptable. J’entends par lĂ -dessus caractĂ©ristiques physiques SPÉCIFIQUES et EXCLUSIVES Ă  un ou plusieurs groupes ethnico-culturel.
C’est ce Ă  quoi fait rĂ©fĂ©rence Gabrielle lorsqu’elle dĂ©plore le fait que l’allure et les traits physiques qu’elle a hĂ©ritĂ©s de sa famille sont achetĂ©s et vantĂ©s par de riches blancs.
Elle ajoute : « Rester neutre devant une injustice, c’est dĂ©jĂ  un acte politique ».
Si vous ĂȘtes blanc‱he, vous avez le privilĂšge de vous opposer sans subir de rĂ©percussions Ă  ce qu’une personne soit traitĂ©e diffĂ©remment de vous pour le mĂȘme fait, uniquement sur la base de son appartenance ethnique.
Porter des nattes africaines ou des dreadlocks en Ă©tant blanc‱he, c’est avoir le devoir de s’opposer Ă  ce que des personnes non blanches soient discriminĂ©es (ou pire) pour le faire Ă©galement.
C’est aussi, par extension, avoir le devoir de soutenir les luttes pour les droits des personnes non blanches. Le souhait d’arborer les coiffures Afro doit rĂ©sulter d’une considĂ©ration respectueuse pour cette culture et ses membres et non pas d’un effet de mode.
Car ce double standard, mĂȘme lorsqu’il ne mĂšne pas Ă  la violence physique Ă  l’encontre des personnes non blanches, entraĂźne des violences verbales et psychologiques ou encore des discriminations systĂ©matiques.
Le cas Serena est Venus Williams rend bien compte de cette idĂ©e, puisqu’elles ont subi il y a quelques annĂ©es une vague de propos violents leur reprochant d’ĂȘtre trop « ghetto », trop « nĂ©gligĂ©es » et de n’avoir pas leur place sur un terrain de tennis.
En revanche, « à la seconde oĂč une personne d’une autre couleur le fait, c’est tendance, c’est cool » regrette Chandia Brennen du LA Post en rĂ©action Ă  la photographie de Molly Bair.
Si vous Ă©prouvez un attrait sain pour les coiffures afro, grand bien vous en fasse. Pensez nĂ©anmoins Ă  prendre le temps d’en dĂ©couvrir les significations et les origines et surtout dressez-vous contre ce double standard sans invisibiliser les personnes concernĂ©es.
Encore une fois, si ces derniĂšres vous indiquent de ne pas emprunter certains Ă©lĂ©ments pour des raisons qu’elles estiment justifiĂ©es, respectez-les elles et leur culture.
Vous pourrez toujours vous rabattre sur des éléments semblables mais pas identiques ou vous inspirer respectueusement (en créditant bien sûr !).
Si certains aspects d’une culture sont destinĂ©s Ă  ĂȘtre partagĂ©s et apprĂ©ciĂ©s par des Ă©trangers, des visiteurs ou des personnes extĂ©rieures Ă  ladite culture, certains autres en revanche ne sont destinĂ©s qu’aux personnes dĂ©positaires de cette culture.
ApprĂ©cier une culture c’est respecter et honorer la maniĂšre dont ses membres souhaitent qu’elle soit partagĂ©e. MĂȘme si ces derniers ne sauraient ĂȘtre unanimes sur la question, ils s’accordent la plupart du temps sur certains Ă©lĂ©ments.
« Si vous ne blessez personne, vous devriez pouvoir faire ce que bon vous chante » (Professeur James Young, auteur de « L’appropriation culturelle et les Arts »).
Dans le contexte actuel, celui du lendemain d’une pĂ©riode de plusieurs dĂ©cennies durant laquelle les personnes non blanches n’osaient pas exprimer leur culture qui Ă©tait considĂ©rĂ©e comme marginale
— vous l’aurez compris — il faut se poser les bonnes question avant de leur emprunter des Ă©lĂ©ments culturels (Tamu McPherson). C’est en cela que rĂ©side l’art de ne pas franchir la limite entre apprĂ©ciation et appropriation culturelle.
C’est cette limite que la professeure Susan Scafidi — avocate, fondatrice et directrice acadĂ©mique de l’Institut du droit de la mode de Fordham et autrice de  « À qui revient la culture ? Appropriation et authenticitĂ© dans le droit amĂ©ricain » —
dĂ©crit comme une « ligne tracĂ©e dans le sable », en ce qu’elle n’est pas immuable. Elle se dĂ©place en fonction du temps et de l’espace, dans la mesure oĂč la culture elle-mĂȘme est trĂšs fluide et se meut constamment.
Je finirai en vous parlant de sa petite « astuce » pour exprimer un intĂ©rĂȘt respectueux envers une autre culture que la sienne, sans se l’approprier.
Je vous en parle parce qu’elle est simple et plutĂŽt effective et qu’elle complĂšte parfaitement les explications que je vous ai dĂ©jĂ  donnĂ©es.
Cette rĂšgle, qu’elle appelle « rĂšgle des trois S », se base sur le fait de questionner les Ă©lĂ©ments suivants : source, sens et similaritĂ©.
C’est-Ă -dire de se demander dans un premier temps si l’on emprunte les codes d’une culture dominante ou bien d’une culture « dominĂ©e » ?
Cette culture a-t-elle Ă©tĂ© respectĂ©e autant que les cultures majoritaires ? Les personnes dont ce code appartient Ă  la culture sont-elles discriminĂ©es lorsqu’elles le mettent en avant ?
Dans un second temps, s’interroger sur la signification desdits codes. S’agit-il d’un code encore considĂ©rĂ© comme sacrĂ© ? Est-il librement vulgarisĂ© par sa communautĂ© d’origine ?
Pour finir, questionner les similitudes d’un objet avec son original.
Ai-je copiĂ© ou me suis-je inspiré‹e ?

Pour conclure, soyez assuré‹e‱s du fait que personne ne vous interdit quoi que ce soit.
Être contre l’appropriation culturelle ce n’est pas interdire, c’est simplement assurer que la libertĂ© des uns commence bien lĂ  oĂč s’achĂšve celle des autres.

L’enjeu de mon propos est de vous rappeler de faire preuve de respect envers les cultures qui ne sont pas les vîtres.
Alors dialoguez, apprenez, voyagez, donnez, recevez. Mais respectez.
En complĂ©ment, voici un article Ă©crit par l’OMPI (Organisation mondiale de la propriĂ©tĂ© intellectuelle) concernant les dommages entraĂźnĂ©s que l’appropriation culturelles, afin de les prĂ©venir.
Y sont également mentionnées des sanctions potentielles.

https://www.wipo.int/edocs/mdocs/tk/en/wipo_grtkf_ic_33/facilitator_s_text_rev_2.pdf
Ici vous avez un article qui traite le sujet de l’appropriation culturelle dans
le monde du tatouage :

https://twitter.com/binesiikwens/status/1221168666378735616?s=21 https://t.co/6FyVVc8BCq 
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